C’est le monde à l’envers.
Dans les années 1980, alors que Brian Mulroney négociait avec le président américain Ronald Reagan un premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, les opposants au libre-échange montaient aux barricades au nom de la souveraineté canadienne.
Mulroney était, selon le chef libéral John Turner, le « majordome » des Américains. Celui qui a « vendu le pays ». L’accord de libre-échange était un « acte de vente pour le Canada ».
Le Canada, craignaient-ils, ne s’américaniserait culturellement et perdrait le contrôle de ses ressources naturelles et de ses industries.
Les temps ont changé.
Le libre-échange est devenu une composante pratiquement consensuelle de l’économie canadienne.
Quand le mouvement sera inversé
Ce n’est pas le cas aux États-Unis.
Le protectionnisme est désormais au cœur du Trumpisme. Aucun commerce n’est gratuit (aucun échange n’est gratuit), un livre écrit par son conseiller Robert Lightizer, lui sert de doctrine.
C’est dans ce contexte que Donald Trump menace d’instaurer des tarifs douaniers de 25 % pour le Canada et le Mexique en attendant une meilleure surveillance des frontières et pour contrer le trafic de fentanyl.
Mais là où Trump franchit une nouvelle étape, c’est qu’il menace d’imposer de nouveaux tarifs, non pas au nom de l’économie américaine, mais pour que le Canada agisse sur sa politique intérieure en matière de frontières et de drogue.
On peut désormais craindre ce qu’on disait du libre-échange dans les années 1980 : un déclin de la souveraineté canadienne.
Paradoxal, n’est-ce pas ?
Bien sûr, Trump peut terroriser le Canada comme il l’entend. C’est son droit. Et négociez par l’intimidation. C’est aussi son droit.
Mais il n’en reste pas moins que la protection des frontières vers les Etats-Unis relève avant tout de la responsabilité des Américains ! En d’autres termes, Trump demande au Canada de contrôler les frontières américaines.
Inversement
Prenons l’exemple inverse : Roxham Road.
Si l’on s’en tient à la logique de Trump, ce serait donc aux Américains de surveiller la Roxham Road des États-Unis au Canada. Imaginez si Trudeau demandait cela à Trump.
Prenons l’exemple des armes à feu – que l’on peut comparer au trafic de drogue.
Nous savons que des armes à feu illégales entrent ici en grand nombre par la frontière américaine. Le Canada devrait-il demander aux États-Unis de surveiller la frontière pour détecter la présence d’armes, comme Trump le demande pour le fentanyl ?
Considérons maintenant l’hypothèse suivante.
Donald Trump promet l’expulsion massive des immigrés sans papiers. Cela forcera peut-être le déplacement de milliers de personnes vers le Canada.
Si tel est le cas et que le Canada les repousse vers les États-Unis, quelle sera la réaction de Trump ? Pensez-vous qu’il acceptera les griefs des Canadiens?
Chaton contre éléphant
Il y a bien sûr des rapports de force qui entrent en jeu.
Mais à voir les réactions paniquées des Canadiens, Trump voit bien qu’il peut jouer avec le Canada comme de la pâte à modeler, en fonction de ses sautes d’humeur, qui risquent d’affecter les dépenses de défense canadiennes, la surveillance des frontières, la renégociation du traité de libre-échange, la gestion de l’offre…
Ce n’est que le début.
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