Home » Économie » Le certificat obligatoire pour passer en deuxième année est-il pertinent ?

Le certificat obligatoire pour passer en deuxième année est-il pertinent ?

by Nouvelles

► «Cette mesure se heurte aux réalités de l’éducation nationale»

Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc)

Si cette réforme avait lieu, elle constituerait un grand changement dans le fonctionnement du diplôme national de brevet. Jusqu’à présent, le brevet n’avait jamais eu ce rôle de « péage » avant l’entrée au lycée. Je ne suis pas en désaccord avec la ministre lorsqu’elle dit qu’il est important de revaloriser cet examen pour redonner du sens à ce diplôme. Je pense aussi que conditionner le passage direct en CE2 à la réussite du certificat pourrait avoir des effets positifs sur le travail effectué par les élèves de CE2 et même des classes précédentes.

Sur le papier, cette mesure est intéressante, mais elle se heurte aux réalités de l’éducation nationale. Aujourd’hui, les devoirs de deuxième année sont discutés en janvier et février. Or, en suspendant l’attribution de plusieurs dizaines de milliers d’étudiants aux résultats du certificat qui tombent en juillet, cette réforme ne laisserait qu’un délai très court pour s’organiser. Le risque serait donc de travailler en février sur une organisation qui ne correspondrait pas du tout aux besoins mis en évidence par les résultats de l’examen de juillet. En la matière, nous ne croyons pas à la capacité d’anticipation du ministère et des rectorats.

Par ailleurs, l’idée de donner une année supplémentaire aux élèves ayant échoué à l’examen du brevet avec des « classes prépa-secondaire » me semble pertinente. Mais il faut généraliser ces classes. Actuellement, une seule classe est créée par département.

Le ministère explique qu’il faudrait les multiplier par dix pour les étendre à l’ensemble du territoire en 2027. Au-delà du fait qu’on se demande s’il ne s’agit pas d’une légère sous-estimation du nombre de classes nécessaires, cette mesure ne semble pas réalisable. Cela nécessitera de mobiliser des enseignants supplémentaires et de leur faire travailler davantage d’heures, au moment où l’éducation nationale connaît sa plus grave crise de recrutement sous la Ve République. Il faut d’abord s’occuper des ressources humaines avant de lancer des systèmes éducatifs qui s’effondreraient faute de capacité à les mettre en œuvre.

Sinon, on risque de se retrouver avec des classes pré-secondaires mal calibrées et pas forcément implantées au bon endroit dans les territoires. L’autre risque que nous pointons est d’assister à des phénomènes de décrochage scolaire. Par exemple, des élèves de prépa-secondaire qui seraient envoyés dans des établissements éloignés de chez eux et mal desservis ou qui ne pourraient pas poursuivre en deuxième année dans le même lycée où ils ont effectué leur prépa. Nous craignons de ne pas avoir été entendus par le ministère sur cet aspect pratique.

► « Le gouvernement cherche à revenir aux vieilles logiques »

Alain Boissinot, ancien directeur général de l’enseignement scolaire

Cette annonce a d’abord une valeur symbolique. La France est très attachée au symbole des examens qu’elle a du mal à considérer autrement que comme une sorte de concours. Lorsque les taux de réussite sont trop élevés, on conclut que le diplôme n’a aucune valeur. C’est vrai pour le baccalauréat. Et cela est également le cas depuis un certain temps pour le diplôme national de brevet.

Vouloir rendre obligatoire le certificat d’études secondaires reflète une interprétation discutable de son rôle. Le certificat n’est pas un véritable examen, au sens traditionnel du terme, mais une sorte de certificat de fin d’études, qui atteste de la maîtrise du tronc commun. Il n’est donc pas forcément anormal qu’une grande majorité des étudiants – environ 90 % – l’obtiennent.

Réformer le brevet vous expose à des difficultés pour gérer des flux étudiants redoutables. Si l’on veut rendre obligatoire la poursuite des études et si, dans le même temps, on réduit les taux de réussite, en supprimant « corrections académiques », qui a permis d’harmoniser les notes, comme l’annonçait Gabriel Attal l’année dernière, on va se retrouver avec un nombre important d’élèves en échec.

Certains redoubleront leur troisième année ou seront orientés vers le CAP, comme aujourd’hui. Mais le gouvernement envisage d’envoyer le plus grand nombre possible dans des « classes prépa-secondaire », qui leur permettent de préparer leur entrée au lycée. Et dans ce cas, il faudra en ouvrir un nombre considérable, ce qui modifiera l’équilibre des formations au niveau de la troisième et de la seconde. Outre ces difficultés de gestion des flux, cette réforme va dévaloriser les orientations vers les PAC, qui souffrent déjà d’une mauvaise image.

Quand on veut bloquer des élèves en fin de collège, on revient à une logique disparue dans les années 1980. Jusqu’alors, bon nombre d’élèves étaient orientés en fin de cinquième ou de troisième année. vers une formation professionnelle. Mais à mesure que le marché du travail a évolué et que la société française s’est profondément transformée, presque une génération entière a poursuivi ses études jusqu’en troisième, puis est passée à une formation de niveau lycée et, petit à petit, on a vu disparaître les sorties universitaires.

Aujourd’hui, aucun chef d’entreprise ne souhaite embaucher des jeunes en fin de cinquième ou même ceux qui ont échoué au baccalauréat. Ils cherchent surtout à embaucher des jeunes maîtrisant suffisamment les apprentissages de base, ce que le socle commun de formation est censé garantir.

En rendant obligatoire le baccalauréat, le gouvernement renonce à donner la maîtrise de cette base à une génération entière pour chercher, au fond, à revenir à l’ancienne logique. La faiblesse de ce raisonnement est que les milieux professionnels ne suivront pas.

—–

#certificat #obligatoire #pour #passer #deuxième #année #estil #pertinent

You may also like

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.