On aime à dire que telle manufacture crée la tendance, voire la devance. Ce sont là quelques-uns des effets de manche dont le marketing horloger raffole. Rien de tout cela chez Patek Philippe : la manufacture avance à son rythme, en dehors des modes et des mythes. Pour preuve, si le chronographe au 1/10e de seconde s’est généralisé en 1969, il n’est apparu chez Patek Philippe qu’en 2022 !
Avant de créer une nouvelle complication, Patek Philippe se pose une question simple : la manufacture est-elle en mesure d’y apporter quelque chose de nouveau? La question peut sembler évidente. La réponse, beaucoup moins : lorsque l’on existe depuis 1839 et que l’on a les complications pour spécialité, tout, ou presque, a déjà été fait…
Le chronographe ne fait pas exception, mais sa mesure au 1/10e de seconde n’existait pas en collection courante. Pourquoi ? De prime abord, il ne pose pas de difficulté particulière. Il faut simplement, en théorie, porter la fréquence d’un chronographe à 36000 alternances par heure, mathématiquement associée au 1/10e de seconde. L’exercice technique n’est pas bien compliqué. Patek Philippe l’a réalisé dès les années 1930. L’El Primero de Zenith l’a généralisé en 1969.
Une question de lisibilité
Mais ce n’est pas la technique qui a fait si longtemps réfléchir Patek Philippe. C’est plutôt la lisibilité de la précision ainsi atteinte. Car mesurer le 1/10e de seconde revient à mettre en place une aiguille foudroyante qui ferait 10 sauts par seconde. C’est possible mais la consommation d’énergie et les frictions deviennent colossales. Et l’échelle, peu lisible. Autre option: ralentir la cadence, comme l’a fait Zenith en 2010. L’aiguille du chronographe effectue sa rotation en 10 secondes. Le rehaut comporte alors une échelle de 10 secondes au lieu de 60, ce qui le rend déjà plus lisible.
Pour sa 5470P, Patek Philippe a pris un autre chemin. Les concepteurs ont décidé de créer deux mécanismes chronographes indépendants : l’un pour les secondes et le compteur instantané des 30 minutes, l’autre exclusivement pour les dixièmes de seconde.
La 5470P a donc une première aiguille qui effectue une révolution complète par minute, et affiche ainsi les secondes de la manière traditionnelle. L’autre aiguille (en rouge laqué) effectue une révolution en 12 secondes. Elle survole 12 secteurs, chacun étant divisé en dixièmes. Au final, l’utilisateur peut immédiatement lire les secondes écoulées par les index perlés, puis les dixièmes de seconde sur l’échelle extérieure en chemin de fer, en partant du dernier marqueur rouge. L’idée est astucieuse, simple, élégante. Encore fallait-il y penser.
Un concentré de brevets
Un tel affichage exige, sous le cadran, une ingénierie mécanique de haut vol — surtout que Patek Philippe s’est imposé, pour ce modèle, que son chronographe ait une parfaite précision de mesure du dixième de seconde pendant 30 minutes consécutives, et qu’il conserve des dimensions acceptables (29,6mm de diamètre pour 6,96mm de hauteur).
Pour relever ce défi, le mouvement CH 29-535 PS 1/10 embarque l’échappement Oscillomax et ses 17 brevets. Il repose sur un large usage du silicium. Sa première utilisation date de 2005, avec la première roue d’ancre en Silinvar. Le spiral a suivi en 2006, puis l’échappement en 2008. Avec le balancier, la boucle est bouclée en 2011 en formant un ensemble cohérent: l’Oscillomax, utilisé dès la même année dans un calendrier perpétuel (5550P) en série limitée. Mais avec la 5470P, c’est la première fois que Patek Philippe utilise l’Oscillomax complet dans une collection courante.
Chronographe Monopoussoir 5470P © Patek Philippe
Patek Philippe Chronographe Monopoussoir 5470P
BOÎTIER : platine, diamant à 6h, étanche à 30m
DIMENSIONS : 41mm de diamètre, 13,68mm d’épaisseur
MOUVEMENT : Calibre CH 29-535 PS 1/10 à remontage manuel, chronographe monopoussoir au 1/10e de seconde (aiguille centrale des secondes, deuxième aiguille centrale pour le 1/10e de seconde, compteur instantané 30 minutes), 396 composants, 36000 A/h, 48h de réserve de marche (chronographe arrêté)
FONCTIONS : heures, minutes, petite seconde, chronographe
CADRAN : bleu, chiffres arabes Breguet en or gris appliqués
BRACELET : veau embossé motif textile, surpiqûre rouge, boucle déployante
ANNÉE DE LANCEMENT : 2022
Cette année, GMT Magazine et WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer le chronographe depuis l’an 2000 dans The Millennium Watch Book – Chronographes, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book – Chronographes est disponible en français et en anglais ici.
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