Le concert de Laterrière: une proposition artistique légitime et historique

Le concert de Laterrière: une proposition artistique légitime et historique

Comme un tel privilège n’a pas été offert depuis plus de 20 ans, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’engouement suscité par ce programme était facile à comprendre. Encore fallait-il assurer, montrer que ce projet ne constituait pas une sympathique utopie, mais une proposition artistique légitime. Et c’est la conclusion à laquelle les spectateurs en sont venus, à la suite d’une interprétation qui fera époque. Elle a représenté le point culminant d’un programme amorcé avec des airs baroques mettant à contribution l’Orchestre du Rendez-vous musical, dirigé par Nicolas Ellis, de même que les chanteurs solistes Andréanne Brisson Paquin, Ghislaine Deschambault, Dominique Côté et Marc-Antoine Brûlé. Des extraits d’opéras de Händel et Rameau, en plus d’un titre provenant du Gloria de Vivaldi, leur ont permis de couvrir une large palette d’émotions. L’orchestre avait mis la table avec l’unique pièce instrumentale du concert, la Symphonie tirée de l’olympique de Vivaldi. Frémissement des cordes. Intensité qui varie sans cesse dans la première partie de l’œuvre, servie par le jeu fluide des musiciens. Son enveloppant en fin de parcours. Il a suffi d’une poignée de minutes pour susciter un premier élan d’enthousiasme. Les chanteurs ont construit sur cette réussite, d’abord avec des airs enlevés, presque guillerets, comme l’ont fait la soprano Andréanne Brisson Paquin et la mezzo-soprano Ghislaine Deschambault sur le Vivaldi. Le mariage de leurs voix, alors que la musique laissait peu d’espace entre les notes, était aussi impressionnant que l’énergie qu’elles dégageaient. De son côté, le ténor Marc-Antoine Brûlé a donné l’impression de survoler la partition de Où tu marches, tant sa voix séduisante se moulait à cette composition de Händel. On était encore du bon côté de l’âme humaine, mais par le truchement de Monstre affreux de Rameau, le baryton Dominique Côté a mis en relief son versant tourmenté. C’est dans une église Notre-Dame où les places libres étaient rares que le chef Nicolas Ellis a dirigé l’Orchestre du Rendez-vous musical de Laterrière, dimanche après-midi. (Sophie Lavoie/Le Quotidien) Tandis que l’orchestre baignait dans les notes graves, suggérant une forte tension, sa voix a épousé des accents dramatiques que reflétait son visage crispé. Même quand il s’est mis à chuchoter, on percevait énormément de douleur dans le personnage qu’il incarnait, ce qui conférait une couche de sens supplémentaire à cette phrase : “L’amour est encore plus terrible que vous”. Il n’était pas question de clore ce volet du concert sur ce ton, cependant. Comme pour refléter le charme que dégageait Laterrière en cette belle journée d’été, Andréanne Brisson Paquin et Marc-Antoine Brûlé ont renoué avec Händel sur Heureux nous. Happy comme dans heureux et comme dans festif, aurait-on envie d’ajouter. Une bulle de légèreté fort appréciée avant d’entrer dans le vif du programme. La montée de l’Everest Au retour de la pause, avec le choeur du Rendez-vous musical aligné derrière les membres de l’orchestre, Nicolas Ellis a confié la baguette à Pierre Lamontagne afin qu’il dirige une pièce de son cru. Intitulée Amok, forme de folie homicide, elle a été inspirée par l’agression russe en Ukraine. “Les violoncelles vont rejeter la note la soumise par les altos, puis on entendra un bruit comme celui d’une bombe. Ce sera couronné par un solo de violoncelle dont le message d’espoir sera repris par le choeur”, a-t-il décrit. Empreinte de gravité, ce qui la rendait à la fois belle et triste, la musique émanant du violoncelle de Cameron Crozman a débouché sur un duo émouvant porté par Ghislaine Deschambault et Philippe Bolduc, un membre du choeur. À ce qui pourrait être assimilé à une lamentation, s’est substituée l’intervention des choristes, dont la solennité nous a rappelé jusqu’où pouvait mener la folie des hommes. Parfois, leur esprit est si étroit, alors que Bach, dans la Cantate du Veilleur rappelle à davantage de hauteur. “Le thème est inspiré de la parabole des cinq vierges sages et des cinq vierges folles mentionnée dans l’Évangile selon Saint Matthieu. Elles s’endorment en attendant la visite de Jésus, mais à leur réveil, seules les sages, qui avaient apporté de l’huile pour allumer leur lampe, le voient et peuvent entrer au Paradis”, a raconté Nicolas Ellis. Le Veilleur est celui qui annonce la venue du Messie. Il est incarné par le choeur qui, dès les premières minutes, s’est acquitté d’une mission délicate en multipliant les vocalises à partir de la lettre “a” du mot “alleluia”. Ils travaillaient là-dessus depuis le mois de mai et furent payés de retour. Hasard ou pas, les rayons de soleil qui se sont posés sur eux à ce moment précis étaient pleinement mérités. Avant le début officiel du concert tenu dimanche, à Laterrière, le Choeur du Rendez-vous musical a interprété une pièce de Tallis à partir du jubé. Il s’est ensuite attaqué avec succès à un monument du répertoire classique, soit la Cantate no. 140 de Jean-Sébastien Bach. (Sophie Lavoie/Le Quotidien) Un autre temps fort de la cantate fut le trio mettant en scène la violoniste Nathalie Camus, de même que Dominique Côté et Andréanne Brisson Paquin. Lui représentait Jésus, tandis que sa consoeur prêtait sa voix à l’Âme des Chrétiens, au cours de leurs échanges où filtrait un mélange de joie et de ferveur. Vint ensuite l’air que tout le monde connaît, où se sont mêlées avec élégance les voix masculines du choeur et la musique exécutée par l’orchestre. Un moment de pure félicité couronné plus tard par un Gloria où tous, hommes et femmes, ont exprimé une joie profonde. C’était peut-être celle des Chrétiens, mais dans le contexte propre au concert de Laterrière, on aurait le goût de lui prêter un autre sens. Jumelés à des professionnels de grand talent, les membres du choeur venaient de réaliser l’équivalent d’une montée de l’Everest. Ils ont fait la preuve que loin, très loin de l’Allemagne de Bach, des personnes dédiées, talentueuses et bien guidées, pouvaient rendre justice à l’une de ses cantates les plus célèbres. De quoi donner des idées en vue de la 18e édition. Hommage à Nathalie Camus et David Ellis Tel qu’annoncé, le concert a été précédé par la remise de deux médailles par le lieutenant-gouverneur du Québec, Michel Doyon. Après l’interprétation d’un chant de Tallis à partir du jubé, par les membres du Choeur du Rendez-vous musical, il a souligné les grands moments de la carrière des récipiendaires, notamment leurs 34 années au sein du Quatuor Saguenay, jadis Alcan. L’
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