“Il y a sept ans”, raconte-t-elle dans Paris Match, “un compte Twitter destiné à harceler la journaliste Florence Hainaut est apparu. Il a posté une centaine de fois, ça a duré cinq mois. Florence a déposé plainte. Ça n’a rien donné. Depuis, une frange de Twitter se complaît dans une théorie du complot aussi délirante que malveillante : j’aurais été l’instigatrice de ce compte. Certaines versions affirment que je harcelais ma consœur au premier degré. D’autres prétendent qu’il s’agissait de faire accuser un innocent. D’autres encore que nous avions monté cette combine en toute connivence, dans le but de faire croire à des harcèlements imaginaires, pour faire financer un documentaire sur la question par de l’argent public…”
“Grâce au numéro 34 et à la stylométrie”
Elle s’engage alors dans un combat lourd de sens. La seule chose qu’elle savait à propos de ce compte Twitter, c’est que le numéro de téléphone qui avait permis de le créer se terminait par 34. “J’ai fait une story Instagram le 30 janvier pour demander aux gens qui travaillaient dans le milieu de la culture, de l’enseignement, des médias et de la politique de se manifester s’ils connaissaient quelqu’un dont le numéro se terminait par 34. Un des premiers noms qui est sorti est celui d’un homme que j’avais toujours trouvé suspect. Il était trop tout, trop féministe, trop allié, trop prompt à défendre Florence du harcèlement qu’elle subissait, trop à la limite entre l’extrême onctuosité et le foutage de gueule. J’ai senti immédiatement que ça pouvait être lui. Mais c’était un peu léger d’aller confronter quelqu’un sur la base d’un simple numéro. J’ai donc commandé à un chercheur en linguistique basé aux Pays-Bas ce qu’on appelle une expertise stylométrique. La stylométrie est une branche de la linguistique forensique : c’est une science qui révèle l’ADN des textes et permet de confondre les faussaires, mais aussi de déceler les plagiats. Elle a notamment permis d’identifier un corbeau dans l’affaire du petit Grégory.”
Le cyberharcèlement doit devenir une infraction pénale dans toute l’Union européenne
“Cet homme a construit son image sociale sur son humanisme et son féminisme, alors qu’il harcelait des femmes en ligne”
Le chercheur a confirmé que l’homme qu’elle suspectait pourrait bien être responsable de ces tweets. “J’ai décidé d’aller sonner à sa porte. J’ai trouvé son adresse dans l’annuaire. Je l’ai confronté, il a nié cinq secondes, puis il a avoué qu’il avait créé ce faux compte car il voulait être ami avec Florence et n’avait pas apprécié qu’elle le trouve trop insistant et intrusif. Et pendant les sept années que ça a duré, le gars venait me parler en message privé. Il me demandait mon avis sur des problématiques liées au genre, au féminisme. Le jour où j’ai sonné chez lui, il m’a avoué que s’il n’était pas sorti du bois, c’est parce qu’il avait peur de l’effet boule de neige. Il craignait qu’il lui arrive ce qui m’est arrivé : la haine pure, le harcèlement!”
Mais après coup, l’homme refuse officiellement de reconnaître ses torts. S’ensuivent des échanges entre avocats, car cet individu “qui joue les chevaliers blancs a manifestement très peur qu’on découvre qu’au fond, il est un harceleur misogyne et lâche”.
Une trousse de secours contre le cyberharcèlement : “On ne se fait pas tabasser par des hologrammes. La violence se passe dans la vraie vie”
Myriam Leroy parle aujourd’hui pour sensibiliser nos responsables politiques, afin qu’ils prennent des mesures pour arrêter ce déferlement de haine. Son discours est poignant. “Ceux qui pensent que ce qui se fait sur les réseaux sociaux est virtuel se trompent. Il suffit de voir le meurtre de Samuel Paty en France : ce professeur a été égorgé suite à des rumeurs qui ont circulé sur internet. On voit bien que les mots peuvent tuer, ou du moins que les mots peuvent armer. Mais quand les mots violents visent les femmes, on minimise l’importance de leur portée…” Marquée pour longtemps, elle dit encore : “Cet homme a construit son image sociale sur son humanisme et son féminisme, alors qu’il harcelait des femmes en ligne (…). Entretemps, j’ai démasqué une belle brochette de harceleurs professionnels aux profils variés : un prof de religion, un militaire, un paysagiste, un avocat…” Leurs victimes sont nombreuses et nombreux. Ça n’arrive pas qu’aux autres.
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