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Le dégoût est-il une stratégie marketing efficace ?

by Nouvelles

Dans un contexte de guerre d’attention, toujours plus féroce avec la multiplication des écrans, la tentation de choquer pour marquer les esprits existe. C’est particulièrement le cas dans la publicité. Cette stratégie est-elle toujours la bonne ? Quels résultats peut-on espérer ?

Nous nous souvenons tous de publicités chocs mettant en scène un enfant victime de la faim et de la guerre ou un ours polaire sur un petit radeau de glace… Les annonceurs utilisent régulièrement des images qui provoquent en nous des émotions difficiles ou qui vont à l’encontre des normes sociales pour attirer notre attention. , un phénomène appelé publicité choc.

Dettol a par exemple imaginé une campagne pour ses produits d’hygiène dans laquelle on voyait au premier plan une main ensanglantée, et en arrière-plan un cadavre humain avec un poignard planté dans la poitrine et ce logo : « Quand le simple savon ne suffit pas ». Les annonceurs suscitent intentionnellement des émotions fortes et inhabituelles, comme le dégoût, afin de capter l’attention. Pourtant, la combinaison d’une image provocatrice et d’une marque va à l’encontre de toutes les attentes en matière de publicité. Le but est souvent d’attirer l’attention et de se faire une place dans la jungle publicitaire.

Jusqu’à aujourd’hui, les recherches autour de ce phénomène se sont principalement concentrées sur la question de l’efficacité ou non de cette stratégie. Dans un paysage publicitaire où l’attention est devenue un enjeu majeur, le recours au choc agit un peu comme un interrupteur prioritaire pour forcer les consommateurs à prêter attention à une campagne. Cette perspective peut paraître tentante à première vue. Cependant, la réalité pourrait bien être tout autre.

Les différents aspects du dégoût

LE travaux menée avec Elena Fumagalli cherchait à déterminer non seulement l’impact de la publicité choc, mais également la manière dont différents types d’images fortes et choquantes affectent ceux qui les regardent. La réponse émotionnelle du public est-elle différente si l’image est moralement révoltante plutôt qu’effrayante ou physiquement répugnante ? Et dans quelle mesure la personne concernée est-elle consciente de cette réaction ? Il existe actuellement un décalage entre la façon dont nous comprenons la nature du dégoût et la façon dont les spécialistes du marketing le perçoivent.

En psychologie, le dégoût est considéré comme un phénomène complexe et varié, alors que les professionnels du marketing n’en perçoivent généralement pas les différentes facettes. En psychologie, il est d’usage de distinguer différents types de dégoût, chacun déclenchant une réaction comportementale, physiologique et psychologique différente. Le dégoût peut être physique – comme c’est le cas de la nourriture ou des fluides corporels avariés – ou moral, par exemple, lorsque nous nous sentons indignés à cause d’un acte raciste ou violent. Certains chercheurs ont montré qu’il existe un lien avec le sentiment de menace par rapport à différentes dimensions de notre sécurité, qu’elle soit sociale, morale ou corporelle.

Selon nos recherches, les idées qui menacent l’image de soi peuvent inconsciemment influencer le comportement de l’acheteur. En fait, notre perception de nous-mêmes demeure assez stable au fil du temps et nous avons tendance à vouloir protéger les facteurs qui contribuent à maintenir cette image, comme le contrôle, l’estime de soi et le sentiment d’appartenance. Ainsi, lorsque quelque chose vient bouleverser notre stabilité, nous prenons des mesures pour retrouver notre équilibre psychologique.

Consommation contre dégoût

Sur la base de recherches antérieures, il était prédit que des stimuli moralement désagréables entraîneraient un état de rupture avec les normes morales collectives et une réduction du sentiment d’appartenance et, par conséquent, des comportements susceptibles de rétablir l’appartenance. et le lien social, par exemple un don à un organisme de bienfaisance ou aider quelqu’un. On s’attendait à ce que des stimuli physiquement désagréables menacent le sentiment de contrôle et de pouvoir et conduisent à un comportement d’achat compensatoire afin de retrouver un sentiment de pouvoir.

Effets différenciés sur le moi

Huit expériences ont confirmé ces prédictions. Par rapport à un groupe témoin (stimuli neutres), les participants exposés aux stimuli de dégoût moral étaient plus susceptibles de faire un don à une œuvre caritative ou d’aider quelqu’un dans une étude ultérieure. Quant au panel soumis à des stimuli physiques de dégoût, il avait tendance à préférer les logos de marques plus imposants et autres signes de consommation ostentatoire.

Ainsi, une image dégoûtante nous rend triste sans savoir identifier précisément la cause de cette morosité. Cependant, grâce à ces expériences, nous pouvons déterminer quels aspects de nous-mêmes se sentent menacés par une image répugnante donnée. Ces résultats, aussi puissants soient-ils, doivent être interprétés et maniés avec prudence : le lien causal entre le type de support publicitaire choc et la réaction du consommateur reste ténu. Nous ne parlons pas d’un élément déclencheur qui conduirait certainement à un résultat prévisible.

De plus, d’autres effets marginaux doivent être pris en compte par les experts en marketing dans leur stratégie de publicité choc pour attirer l’attention du public. Il ne faut pas non plus oublier que voir des images choquantes va provoquer des émotions extrêmes, pouvant conduire à des actions qui ne sont pas forcément souhaitables d’un point de vue marketing.

Cette étude rappelle également aux spécialistes du marketing que les images fortes doivent être choisies avec soin en fonction du type de réponse que les annonceurs cherchent à susciter. Elle souligne cependant que les répercussions comportementales liées à des contenus forts ou émotionnels ne sont pas encore totalement découvertes.

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