Le déni de sa propre histoire : la spirale dans le vide sombre de la pensée contemporaine

Le déni de sa propre histoire : la spirale dans le vide sombre de la pensée contemporaine

Les uns et les autres, ne réfléchissant plus, se contentent de recycler ce qu’ils voient ça et là, répètent les mêmes clichés usés et favorisent la prolifération d’une pensée végétative qui tourne en boucle et contamine le plus grand nombre. C’est dans des moments comme celui-ci, où la pensée est sacrifiée au profit de commentaires simplistes et de formules faciles, que les dictatures se renforcent, consolident leur pouvoir et prospèrent, anéantissant tout ce qui ose s’élever hors des rangs tel un gigantesque rouleau compresseur détraqué qui écrase tout sur son passage.

La dictature impitoyable de l’opinion dans les sociétés dites “démocratiques”. Il n’y a aucune souplesse quand il s’agit de juger et de clouer au pilori. L’ère de l’opinion au détriment de l’idée achève ce que des décennies de totalitarisme déguisé en États de droit ont déjà enseveli sous un tas de mensonges au nom des masses.

L’ère de l’opinion est le pire ennemi de la vérité. Car l’ère du peuple qui pouvait influencer le cours de l’Histoire a cédé la place à l’ère des foules consuméristes, qui avalent tout et se délectent des déchets d’un passé pas si lointain où l’homme pouvait encore espérer une fin moins pitoyable. Aujourd’hui, tout le monde cherche le consensus. Tout le monde préfère se conformer. Car c’en est fini du temps des individualités capables de briser les barbelés de l’esprit pour libérer la pensée de son carcan liberticide.

Aujourd’hui, tout le monde se contente d’avaler des couleuvres avec un air béat, comme celui qui a adopté cette devise avilissante : “si tu ne fais rien, tu ne crains rien”. Alors personne ne fait plus rien. Tout le monde assiste en spectateur paralysé face à l’horreur d’une époque dangereuse où les vents toxiques du despotisme inhumain et de la tyrannie barbare balayent les derniers vestiges d’une volonté de résister et de ne pas abdiquer face à une époque extrémiste. Un extrémisme idéologique où il faut se conformer ou devenir un paria.

Cette attitude a un nom : le déni de sa propre histoire. Et quand ce déni est teinté d’ingratitude et d’injustice, c’en est fini de la devise désormais défunte : Liberté, Égalité, Fraternité ! Celle-ci est désormais remplacée par une formule qui correspond mieux à la réalité française du moment : fébrilité, facilité, stupidité !

Une vision qui reflète ce que des politiciens arrivistes peuvent promouvoir pour séduire une partie spécifique de la société française, qui penche maintenant vers l’extrême droite, pensant y trouver une réponse et une solution aux crises qui ébranlent les fondations d’une France visiblement embourbée dans ses pires travers. Une vision qui nourrit les discours haineux de Marine Le Pen, flirtant avec le malaise chronique d’une France abandonnée donnant ainsi la parole à des personnalités insignifiantes, séduites par les projecteurs des médias et par l’éclat des plateaux télévisés dans le but avoué d’entretenir le doute, la peur et les angoisses, qui, dans un climat aussi tendu et toxique que celui qui secoue la France, peuvent donner vie à des dérives sectaires alimentées en permanence par les miasmes d’une éthique sociale et “intellectuelle” au niveau le plus bas.

À ce stade de la chute dans l’inconcevable, la structure du vide se densifie au lieu de perdre de sa masse initiale. Elle s’agglomère. Elle se condense tout en formant des strates de plus en plus profondes. Ces couches superposées et superficielles ne peuvent en aucun cas communiquer entre elles. Chacune forme son propre champ d’action qui ne peut interférer avec celui qui la précède ou celui qui la suit.

À tel point que, agissant comme des entités isolées, toutes ces stratifications finissent par se repousser mutuellement, car elles s’accumulent continuellement dans leur trajectoire vers les confins du vide. Ce conglomérat à étages indépendants glisse le long des parois du temps sans être affecté ni impacté par celui-ci. C’est là sa particularité : étant destiné au vide, il crée les ingrédients qui se résument en une seule matérialité, celle d’une ombre portée sans ressource de lumière. En d’autres termes, nous nous trouvons face au vide sombre.

Un vide opaque. Un vide noir. Un vide invisible. Un vide en expansion permanente.

Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste

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