Les mécanismes de la syncope dans le cadre d’une AAD peuvent varier d’un cas à l’autre, mais on pense généralement qu’ils sont dus à une tamponnade cardiaque, à une atteinte coronarienne ou à une ischémie cérébrale secondaire à une atteinte des vaisseaux précérébraux. [9, 10]. Dans une étude cependant, environ la moitié des patients présentant une DAA et une syncope ne présentaient aucune des complications mécaniques classiques expliquant la syncope [6]L’augmentation du tonus vagal est un autre mécanisme possible expliquant la syncope et la bradyarythmie dans le cadre de la DAA. [6, 10] et notre cas est une illustration de ce mécanisme.
La syncope vasovagale (ou syncope réflexe) est une forme fréquente de syncope à médiation neurologique généralement associée à un facteur déclenchant tel que la douleur ou des facteurs de stress. La physiopathologie de la syncope vasovagale n’a pas encore été entièrement élucidée mais implique des voies autonomes : hypotension par vasodépression due à l’inhibition du système sympathique et bradycardie par cardioinhibition à médiation parasympathique [11]Il a été suggéré dans le passé que des mécanismes vasovagaux étaient impliqués dans la syncope liée à l’AAD de type A [6, 10]. La déchirure par dissection peut stimuler les mécanorécepteurs situés dans la paroi vasculaire de l’arc aortique, déclenchant le baroréflexe de l’arc aortique via une branche afférente du nerf vague appelée nerf dépresseur aortique, qui assure l’innervation sensorielle de l’arc aortique [12, 13]Les effervescences à médiation vagale peuvent alors induire une hypotension, ainsi qu’une cardioinhibition ralentissant la conduction sinusale et du nœud AV. Cela peut entraîner une bradycardie sinusale, un arrêt sinusal, un bloc AV fonctionnel et parfois une asystolie qui peut être inversée par l’atropine [14].
Chez notre patient, la rupture par dissection a montré une extension limitée unique avec préservation des vaisseaux précérébraux et coronaires. L’absence de physiologie de tamponnade ou de dysfonctionnement valvulaire, la documentation d’un bloc atrio-ventriculaire fonctionnel, la réponse adéquate à l’atropine et le bilan syncopal négatif étayent l’hypothèse d’une syncope à médiation vagale, par activation du baroréflexe de l’arche aortique. Les autres symptômes du patient tels qu’une pression artérielle limite basse, une légère diminution de la conscience et des nausées peuvent également s’expliquer par une augmentation persistante du tonus vagal [12].
La syncope est un symptôme non spécifique qui peut être dû à de multiples causes, allant de bénignes à potentiellement mortelles. La stratification du risque est un élément important de l’évaluation de la syncope aux urgences. Les directives internationales recommandent de prendre en charge les patients présentant une syncope vasovagale présumée en ambulatoire, car cette catégorie de syncope est généralement considérée comme à faible risque et distincte de la syncope d’origine cardiaque [15, 16]Les scores, tels que la règle de San Francisco, fournissent des indications pour la stratification du risque de syncope, mais ne se sont pas avérés meilleurs que le jugement clinique pour identifier les patients présentant un risque plus élevé d’effets indésirables. [17]. Un score de syncope plus récent validé en externe, le score de risque de syncope canadien (CSRS), classerait ce patient comme étant à faible risque si une syncope cardiaque n’était pas suspectée [18]. Compte tenu d’une échocardiographie normale récente, d’un ECG bénin aux urgences et de l’absence d’antécédents de maladie coronarienne, une syncope cardiaque était peu probable. Cependant, certaines caractéristiques de ce cas étaient préoccupantes. Une syncope d’apparition récente chez un patient âgé, une chute, un trouble du rythme préhospitalier non spécifié et une pression artérielle limite aux urgences ont été considérés comme des arguments suffisants pour une surveillance clinique et du rythme en milieu hospitalier, car une cause cardiaque de syncope ne pouvait être formellement exclue.
Cela soulève la question de savoir si une syncope d’origine indéterminée doit déclencher des tests supplémentaires aux urgences, tels que des biomarqueurs. Il existe un débat autour des tests de biomarqueurs pour exclure une embolie pulmonaire chez les patients se présentant aux urgences avec une syncope d’origine indéterminée. Il a récemment été démontré que la prévalence de l’embolie pulmonaire chez les patients se présentant aux urgences avec une syncope est très faible [19, 20] et par conséquent, les tests de biomarqueurs indiscriminés devraient être découragés car cette stratégie entraînerait un faible rendement d’imagerie et des coûts élevés [21]De même, les niveaux de D-dimères peuvent aider au diagnostic de l’AAD [22]La prévalence de l’AAD chez les patients se présentant aux urgences avec une syncope n’est pas bien connue, mais elle est probablement extrêmement faible, comme le suggère une étude observationnelle récente incluant des patients présentant des symptômes potentiels d’AAD. [23]Par analogie avec l’embolie pulmonaire, la syncope, qui est une manifestation rare de la DAA, ne devrait pas inciter à effectuer des tests de D-dimères sans discernement aux urgences. [24]. L’équilibre entre l’identification rapide des conditions potentiellement mortelles et la prévention des dommages causés par une enquête excessive [25] demeure un défi délicat dans l’environnement rapide et critique du service des urgences.
En conclusion, ce cas nous rappelle que la DAA doit être prise en compte dans le diagnostic différentiel des patients se présentant aux urgences avec une syncope. Il démontre également que la DAA peut se manifester spécifiquement par une syncope vasovagale. À notre connaissance, une syncope vasovagale indolore isolée dans le cadre d’une DAA n’a jamais été rapportée et constitue probablement une présentation rare. Enfin, malgré de nombreux outils cliniques, la stratification du risque de syncope aux urgences reste difficile et repose toujours sur la gestalt clinique.
2024-07-02 14:59:09
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