le lycée agricole d’Hasparren, une école qui respire avec son territoire

le lycée agricole d’Hasparren, une école qui respire avec son territoire

Une élève emprunte le Leica de l’artiste Zigor pour prendre des photos.

Bertrand Lapegue

Or, le plus intéressant, dans ces chiffres, c’est qu’ils viennent couronner des scolarités où les élèves n’ont pas…

Une élève emprunte le Leica de l’artiste Zigor pour prendre des photos.

Une élève emprunte le Leica de l’artiste Zigor pour prendre des photos.

Bertrand Lapegue

Or, le plus intéressant, dans ces chiffres, c’est qu’ils viennent couronner des scolarités où les élèves n’ont pas seulement été préparés à de tels examens, mais où ils ont pu être confrontés à des expériences intellectuelles ou artistiques qui ne figurent pas du tout au programme. « On les aide à devenir des citoyens. On parle ici d’émancipation et de citoyenneté. Nous avons la conviction que l’école peut encore dire ça à l’oreille des jeunes », martèle Bertrand Gaufryau, directeur depuis cinq ans de ce petit établissement privé de l’enseignement catholique, qui forme 245 élèves, de la quatrième au BTS, et quelques apprentis.

Les étudiants du conservatoire de musique étaient invités lors d’une journée de rencontre en mai.

Les étudiants du conservatoire de musique étaient invités lors d’une journée de rencontre en mai.

Bertrand Lapegue

Ce quinquagénaire originaire de Talence (Gironde) nous a reçus au printemps dans son bureau, aux murs duquel sont affichées des œuvres d’art, des unes de « Charlie Hebdo » et un manuscrit original du poème de résistance « La Rose et le Réséda », de Louis Aragon. Pas si surprenant pour ce petit-fils d’un « patron communiste », qui dit affectionner la « transgression positive » du moment que c’est « au nom du bien commun ». C’est sous son impulsion que le lycée hazpandar a développé divers projets et initiatives pour s’aventurer hors des sentiers battus. « C’est surtout la rencontre avec une équipe », glisse celui qui est passé par l’Éducation nationale et a dirigé quatre autres établissements de Nouvelle-Aquitaine avant d’arriver à Hasparren.

« Ça questionne ! »

« Comme dans toutes les communautés humaines, poursuit-il, on est tous différents, on peut avoir des désaccords, mais, globalement, c’est ici et maintenant que je retrouve le meilleur de l’enseignement agricole. Il faut aimer les gens, la culture, l’histoire du territoire. Et ici, tout est différent, il y a un ancrage, une identité, et ce n’est pas une identité qui enferme : c’est une identité qui enrichit. Le lycée respire avec le territoire. » Bertrand Gaufryau rappelle que, parmi les missions confiées à un établissement comme le sien, figure, dans les textes fondateurs, celle d’« animer le territoire » : « C’est une mission fédératrice, et on essaie de balayer tous les champs du possible à l’intérieur de cette mission. »

Zigor, artiste protéiforme, a fait travailler les élèves de toutes les classes, de la quatrième au BTS.

Zigor, artiste protéiforme, a fait travailler les élèves de toutes les classes, de la quatrième au BTS.

Bertrand Lapegue

Exposition des carnets de dessins et des œuvres des élèves, aboutissement du « projet Zigor », mené tout au long de l’année.

Exposition des carnets de dessins et des œuvres des élèves, aboutissement du « projet Zigor », mené tout au long de l’année.

Bertrand Lapegue

Un tel discours serait creux s’il ne se traduisait pas par des réalisations concrètes. La plus marquante, récemment, c’est l’action qui a été menée au cours de l’année scolaire écoulée avec Zigor. Cet artiste protéiforme demeurant à Biarritz, à la fois sculpteur, dessinateur, peintre et poète, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans le Mag, est venu à la rencontre des élèves. Jean-Pierre Larrart, professeur d’éducation socioculturelle qui effectuait sa dernière année avant la retraite, a savouré la rencontre. « Zigor dit qu’il n’est ni dans le figuratif, ni dans l’abstrait, mais dans le non-figuratif. Ça questionne, ça, déjà ! Toutes les classes étaient engagées dans ce projet, de la quatrième au BTS. Ils ont tous pris un carnet, un pinceau. Et Zigor leur a demandé d’apprendre à regarder. Il leur a dit que, quand on sait regarder, on sait dessiner. Moi j’ai tout essayé, lentilles, lunettes, mais ça ne marche pas ! » s’amuse l’enseignant.

Dessin que Zigor a réalisé sur un mur d’une salle du lycée.

Dessin que Zigor a réalisé sur un mur d’une salle du lycée.

Bertrand Lapegue

Talents révélés

Mais si l’artiste n’a rien pu faire pour mettre au jour les talents cachés du prof, en revanche, il a touché au cœur les jeunes gens, dont certains ont eu des parcours de vie difficiles et sont arrivés ici alors qu’ils étaient en délicatesse avec l’enseignement général. Beaucoup ont trouvé face à lui l’occasion de se confronter pour la première fois à une activité artistique. « Certains élèves se sont révélés, complètement », souffle Jean-Pierre Larrart, admiratif des travaux de ses classes. Pour un projet de « bibliothèque poétique » avec Zigor, il a passé une journée avec les lycéens à récupérer 100 mètres linéaires de bois : « Ça aussi, ils le vivent : un projet ne se passe jamais comme prévu ! C’est génial ! »

Le lycée agricole Armand-David compte 245 élèves, de la quatrième au BTS.

Le lycée agricole Armand-David compte 245 élèves, de la quatrième au BTS.

Bertrand Lapegue

Concert de txalaparta, l’instrument à percussion basque, avec une trentaine de musiciens venus pour fêter l’inauguration de l’exposition de dessins.

Concert de txalaparta, l’instrument à percussion basque, avec une trentaine de musiciens venus pour fêter l’inauguration de l’exposition de dessins.

Bertrand Lapegue

Temps fort et aboutissement du « projet Zigor », lors d’une journée de rencontre, en mai dernier, l’établissement a reçu du monde des alentours, pour une exposition des carnets et des œuvres des élèves, l’intervention d’étudiants du conservatoire et un concert de txalaparta, instrument à percussion basque, avec une trentaine de musiciens, le tout en présence de Zigor. Lequel avait déjà signé spontanément, en début d’année, une œuvre originale sur un mur du lycée. Ce n’était pas la première opération du genre à Armand-David : un travail sur l’art abstrait avait été mené un an plus tôt avec Yahne Le Toumelin, artiste installée en Dordogne et accessoirement mère du célèbre moine bouddhiste Matthieu Ricard, dont une grande exposition doit avoir lieu à Biarritz cet automne.

Jusqu’en Chine

Et d’autres projets sont en cours ou à venir. Citons en vrac une réflexion sur la place du végétal dans les vols spatiaux, en compagnie de Jacques Arnould, expert éthique au Cnes (Centre national d’études spatiales), ou encore des ateliers avec des intellectuels de renom comme la philosophe Gabrielle Halpern, le journaliste et écrivain Éric Fottorino, le climatologue Jean Jouzel… Un travail est aussi en cours avec la Maison des adolescents de Bayonne et une clinique de Marseille, sous le parrainage du psychiatre Marcel Rufo, pour que les lycéens et étudiants d’Hasparren spécialisés dans les aménagements paysagers imaginent un jardin « qui soit un outil thérapeutique dans un parcours de soins ».

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