Le milliardaire Robert Miller a été arrêté jeudi par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) un peu plus d’un an après des allégations choquantes d’exploitation sexuelle de personnes mineures révélées par l’émission Enquête.
L’ancien propriétaire de la multinationale québécoise Électronique du futur était soupçonné d’avoir passé des années à recruter et à payer des jeunes filles pour des faveurs sexuelles, des allégations qu’il a toujours niées.
Le mandat d’arrêt émis par la Cour du Québec à la demande du SPVM fait état de 21 accusations au total. Robert Miller est notamment accusé d’agression sexuelle, de proxénétisme, de contact sexuel avec mineure moyennant rétribution et d’exploitation sexuelle d’adolescentes.
Robert Miller est accusé d’avoir fait 10 victimes qui, pour la plupart d’entre elles, avaient moins de 18 ans au moment des faits. L’une d’elles aurait eu moins de 14 ans.
Les victimes sont désignées par des initiales que nous ne pouvons pas dévoiler en raison d’une ordonnance de non-publication. Les faits reprochés se sont produits à Montréal entre 1994 et 2016.
Les précisions de Brigitte Noël
Son arrestation est en lien avec une série d’événements qui se seraient déroulés entre 1994 et 2016
a expliqué l’inspecteur David Shane, du SPVM. Sachez que le but de notre point de presse aujourd’hui, c’est de renouveler notre appel à toutes les victimes ou [à tous les] témoins d’exploitation sexuelle en lien avec ce dossier et tout autre dossier similaire.
Cette arrestation est le résultat d’une enquête qui aura duré presque un an et demi dans la foulée de la diffusion d’un reportage de l’émission Enquêteà Radio-Canada, dans lequel six femmes révélaient avoir été payées pour avoir des relations sexuelles avec le milliardaire alors qu’elles étaient mineures.
Dans un communiqué, le SPVM explique que Robert Miller a été arrêté jeudi après-midi à son domicile – à Westmount – mais qu’il ne pourra pas comparaître pour le moment en raison de son état de santé. Il est à un stade avancé de la maladie de Parkinson.
Il a depuis lors été remis en liberté sous promesse de comparaître assortie de conditions, dont l’interdiction de communiquer avec les présumées victimes.
Le SPVM souligne que l’enquête n’est pas terminée et que d’autres annonces pourraient suivre.
L’homme d’affaires est également visé par une demande de recours collectif qui n’a pas encore été autorisée, mais qui compte une cinquantaine de présumées victimes, de même que par trois poursuites civiles qui réclament au total 30 millions de dollars en dommages. Robert Miller conteste tous ces recours et a toujours nié toutes les allégations.
Robert Miller est appelé à se présenter à la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec le 3 juillet 2024.
Revoyez le point de presse du Service de police de la Ville de Montréal
Robert Miller réagit
Dans un communiqué, Robert Miller persiste et signe en réitérant son innocence.
ans, est un gain financier facile à mes dépens”,”text”:”La motivation évidente derrière toute cette affaire, qui remonte jusqu’à 30ans, est un gain financier facile à mes dépens”}}”>La motivation évidente derrière toute cette affaire, qui remonte jusqu’à 30 ans, est un gain financier facile à mes dépens
juge l’homme d’affaires.
Le communiqué rappelle l’état de santé extrêmement fragile
de Robert Miller, qui le force à être heures sur24, 7jours sur7″,”text”:”alité et soigné 24heures sur24, 7jours sur7″}}”>alité et soigné 24 heures sur 24, 7 jours sur 7
.
M. Miller déplore le fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales [DPCP] ait choisi d’entamer des poursuites contre lui alors qu’il sait que son état de santé l’empêche de se défendre.
Miller protégera vigoureusement sa réputation, luttera pour la vérité et réfutera ces fausses allégations avec la même détermination”,”text”:”Malgré cela, M.Miller protégera vigoureusement sa réputation, luttera pour la vérité et réfutera ces fausses allégations avec la même détermination”}}”>Malgré cela, M. Miller protégera vigoureusement sa réputation, luttera pour la vérité et réfutera ces fausses allégations avec la même détermination
peut-on lire en guise de conclusion.
Retour sur notre enquête
En février 2023, l’émission Enquête de Radio-Canada avait révélé des allégations de plusieurs femmes qui affirmaient que M. Miller les avait payées pour des services sexuels alors qu’elles étaient mineures.
Ces activités se seraient déroulées de la fin des années 1990 au début des années 2000 dans de grands hôtels montréalais – notamment dans une suite que M. Miller payait à l’année – ainsi que dans une maison cossue de Westmount.
Les femmes qui ont parlé à Enquête affirment avoir été rémunérées à coups de milliers de dollars en espèces et avoir reçu des vêtements, des sacs à main et des chaussures de marque. Miller leur aurait aussi donné des milliers de dollars pour les inciter à recruter leurs amies.
Robert Miller a toujours nié les allégations portées contre lui. Son avocat n’a pas donné suite à nos questions au sujet de ces accusations criminelles.
Enquête il y a 15 ans
Une perquisition du SPVM au siège social de Future Electronics en 2009.
Robert Miller et le réseau qu’il avait créé avaient fait l’objet d’une enquête policière en 2009 pour bon nombre des mêmes allégations. Cependant, aucune accusation n’avait été portée contre le milliardaire.
Parmi les raisons potentielles évoquées par les témoins et par les présumées victimes pour expliquer l’échec de cet effort policier, il y a le fait que de nombreuses jeunes femmes ne connaissaient pas la véritable identité de l’homme d’affaires.
Bien qu’il soit un des hommes les plus riches du Québec, Robert Miller est extrêmement discret. Il n’existe que quelques photos de lui en circulation et les jeunes femmes qui ont parlé à Enquête lors du reportage de 2023 affirment qu’il avait prétendu être un Américain nommé Bob Adams.
Certaines des femmes qui ont parlé à l’émission Enquête ou qui ont livré leur témoignage dans le cadre de poursuites intentées contre Miller critiquent également le travail de l’avocat criminaliste Stephen Angers. En 2009, ce dernier aurait été retenu par M. Miller pour fournir des conseils juridiques à certaines présumées victimes lors des interrogatoires de police.
En septembre dernier, Me Angers avait été nommé codéfendeur dans une poursuite de 9,5 millions de dollars déposée contre le milliardaire. La demanderesse affirme que Me Angers aurait à l’époque empêch[é] les victimes de parler aux enquêteurs de leurs expériences au sein du réseau tenu par Miller
.
Me Angers conteste ces procédures.
Robert Miller photographié lors de l’enquête policière en 2009.
Dossier d’envergure
Robert Miller, aujourd’hui âgé de 80 ans, a démissionné de son poste de PDG de Électronique du futur quelques heures après la diffusion de l’enquête de Radio-Canada. Cette multinationale de distribution de pièces électroniques, dont le siège social se trouve à Pointe-Claire près de Montréal, a depuis lors été vendue à la société taïwanaise WT Microélectronique.
Plusieurs nouvelles allégations ont par la suite émergé contre le milliardaire, exposées dans une série de poursuites civiles. Un recours collectif contre Robert Miller, qui n’a pas encore été autorisé, compte désormais près d’une cinquantaine de participants, y compris des femmes qui affirment n’avoir eu que 11 ou 12 ans lorsqu’elles ont eu leurs premiers contacts sexuels avec l’homme d’affaires.
Trois autres femmes ont intenté des poursuites individuelles contre Robert Miller, réclamant plus de 30 millions de dollars en dommages et intérêts.
Robert Miller conteste ces procédures et nie toutes les allégations.
En mars dernier, une de ces poursuites a été rejetée, notamment parce que la plaignante avait accepté des dizaines de milliers de dollars de M. Miller. Cette dernière, qui avait été contactée par les journalistes d’Enquête mais qui avait refusé de participer au reportage, avait plutôt contacté le clan Miller, qui lui aurait versé près de 100 000 $.
Bien que cette femme ait alors refusé de signer un document en vertu duquel elle aurait renoncé à poursuivre l’homme d’affaires, le juge a estimé que la somme acceptée faisait office d’entente conclue.
La demanderesse fait appel de cette décision.
Enfin, on nous croit
Pour plusieurs femmes, cette arrestation est le point culminant d’un dossier qui les hante depuis des décennies.
: est-ce que ça sera aujourd’hui?”,”text”:”Il était temps. Tous les matins, je me lève et je me demande: est-ce que ça sera aujourd’hui?”}}”>Il était temps. Tous les matins, je me lève et je me demande : est-ce que ça sera aujourd’hui?
nous a confié une des femmes, qui se dit extrêmement soulagée. Là c’est vrai. Enfin, on nous croit.
Elle dit espérer qu’il plaidera coupable, par respect pour nous
.
Une autre présumée victime, contactée par Radio-Canada, affirme être déçue que l’enquête policière de 2009 n’ait pas porté fruit. Cette femme qui avait collaboré dans cette enquête à l’époque qualifie l’arrestation de l’homme qui l’aurait exploitée alors qu’elle n’avait que 14 ans de trop peu, trop tard
.
Au stade où il en est, avec son état de santé, il n’ira probablement jamais en prison. […] Si le but, c’était de le punir pour ce qu’il nous a fait, c’est un peu raté.
Une autre femme affirme que, selon elle, si la justice avait agi en 2009, plusieurs victimes auraient été épargnées.
Un accusé très malade
Plusieurs experts médicaux ont affirmé que Robert Miller est extrêmement malade, atteint de la maladie de Parkinson et de troubles cardiaques. Selon ces professionnels de la santé, l’homme d’affaires est trop malade pour témoigner en cour.
C’est pour cette raison que le juge chargé du recours collectif contre le milliardaire a statué que ce dernier pourrait être interrogé par écrit avant même que cette cause soit autorisée.
Le Tribunal considère que [le fait] de mener un interrogatoire oral à un rythme minimalement soutenu et où des réponses le moindrement signifiantes et utiles seront données mettrait la vie de Miller en danger
écrit le juge Christian Immer dans sa décision, reconnaissant que les craintes selon lesquelles Miller pourrait mourir ou devenir trop malade pour témoigner sont justifiées.
Un interrogatoire écrit, affirme-t-il, donnera tout le temps voulu à Miller pour formuler une réponse intelligible. Cela permettra un rythme approprié et lui permettra de prendre les pauses nécessaires.