Le ministre de l’Environnement du Québec n’avait pas l’appui de ses fonctionnaires pour éviter à Northvolt un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour sa production de batteries, a appris Radio-Canada. Un rapport interne révèle que les employés du ministère recommandaient l’examen complet, au nom du « principe de précaution ».
Le Bureau de stratégie législative et réglementaire du ministère de l’Environnement anticipait des impacts importants sur la population, les milieux humides, la faune et les espèces préoccupantes
avec une usine d’assemblage de batterie d’une capacité de 30 gigawattheures (GWh), soit comme celle de Northvolt.
GWh est importante”,”text”:”Les vérifications effectuées montrent que l’empreinte au sol d’une usine de 30GWh est importante”}}”>Les vérifications effectuées montrent que l’empreinte au sol d’une usine de 30 GWh est importante
écrivaient les fonctionnaires, dans leur Rapport de consultation publique de mai 2023, juste avant que Québec change sa réglementation.
Puisque les impacts de ce type d’usine sont peu documentés, le principe de précaution prévaut.
Le complexe industriel de Northvolt en Montérégie sera développé sur le même modèle que celui construit dans le nord de la Suède.
Photo : Northvolt
Un seuil de déclenchement du BAPE retiré sans explication
En février 2023, le gouvernement avait proposé de modifier la réglementation environnementale pour l’adapter à la nouvelle filière des batteries. À l’époque, son idée était de soumettre à un examen du BAPE une usine d’assemblage d’une capacité de 30 gigawattheures (GWh) ou plus.
Des consultations publiques avaient été ouvertes et le ministère avait reçu deux commentaires sur cet aspect :
- l’Ordre des chimistes du Québec jugeait que c’était une bonne idée ;
- Northvolt suggérait de faire passer le seuil à 40 GWh (ce qui aurait eu pour effet de lui éviter le BAPE).
Ce qu’on découvre dans le nouveau document obtenu par Radio-Canada, c’est que les fonctionnaires recommandaient de ne pas retenir
la modification proposée par la compagnie suédoise. GWh”,”text”:”Le seuil doit demeurer à 30 GWh”}}”>Le seuil doit demeurer à 30 GWh
lit-on dans le rapport.
Le gouvernement Legault ne les a pas écoutés. En juillet 2023 : il a finalement adopté un règlement sans aucun seuil pour les usines d’assemblage de batterie. Il n’y aura donc pas de BAPE quelle que soit sa capacité.
Un mépris
de la fonction publique, selon un ancien du BAPE
Aucun mémoire reçu n’avait suggéré l’approche retenue par le gouvernement, et les fonctionnaires ne la souhaitaient pas. C’est déplorable
réagit l’ancien vice-président du BAPE et ex-journaliste spécialisé en environnement, Louis-Gilles Francoeur.
Louis-Gilles Francoeur, ancien vice-président du BAPE et ex-journaliste du Devoir.
Photo : Radio-Canada / Laurent Boursier
Il voit dans cette décision politique un mépris
depuis démarche scientifique
du ministère et un rejet de la fonction publique
.
Pas de commentaires du cabinet du ministre
Le cabinet du ministre Benoit Charette a refusé d’expliquer sa décision en contradiction avec les recommandations de ses fonctionnaires. Son équipe invoque la judiciarisation du dossier. Le Centre québécois en droit de l’environnement conteste devant la Cour supérieure (Nouvelle fenêtre) les changements de réglementation qui ont permis à Northvolt d’échapper au BAPE.
Le mois dernier, le cabinet du ministre disait avoir retiré le seuil de 30 GWh, car il ne permettait pas d’atteindre les objectifs climatiques du gouvernement.
Le Québec souhaite participer à l’effort de décarbonation, conscient que, grâce à notre politique d’électricité verte, nous sommes l’une des juridictions les mieux positionnées pour permettre des progrès continentaux et mondiaux.
Avec des projets comme celui de Northvolt, le gouvernement espère que des gains économiques pourraient être faits à moyen et long terme, ce qui permettrait de mieux soutenir nos programmes sociaux et environnementaux dans l’avenir
.
Le mois dernier, le ministre a admis avoir voulu éviter l’examen du BAPE à Northvolt pour favoriser l’implantation d’une filière batterie au Québec. Le gouvernement craignait de perdre le projet à cause de la longueur du processus d’évaluation environnementale.
Northvolt affirme devoir entrer en production rapidement, dès l’été 2026, pour que son plan d’affaires fonctionne.
Une rencontre secrète entre le ministre Charette et Northvolt
Comme le révélait Radio-Canada, le ministre Benoit Charette a rencontré la direction de Northvolt le 31 mai 2023, soit après la livraison du mémoire des fonctionnaires. On ignore ce qu’il s’est discuté. Cette rencontre n’apparaît pas dans l’agenda officiel du ministre.
Des arbitrages au conseil des ministres?
Louis Simard, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, n’est pas étonné du résultat final, quand on sait qu’on voulait absolument favoriser la filière batterie
. Il n’est pas non plus choqué par le processus.