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Le modèle économique plombé du zoo de Vincennes

by Nouvelles

l’établissement public à caractère culturel, scientifique et professionnel, en charge de son exploitation et d’autres sites et musées comme le Musée de l’Homme ou le Jardin des plantes. L’institution doit réclamer pour la seconde année une rallonge exceptionnelle à l’Etat pour boucler son budget.

Avril 2014, les préventes de billets d’entrée pour le parc zoologique de Paris témoignaient déjà de l’engouement des Franciliens pour la réouverture du célèbre zoo du bois de Vincennes. Si le rocher se dresse toujours fièrement, le parc a été entièrement paysagé avec des biozones transportant le visiteur des glaciers de Patagonie à la forêt tropicale de Madagascar en passant par la magistrale volière. Au-delà des animaux, quelques 171 000 plants de 870 espèces végétales ont pris possession des lieux, contrastant avec les sinistres décors bétonnés de l’ancien zoo. Les tarifs (22 euros par adulte, 16,50 euros pour les 12-25 ans et 14 euros pour les 3-11 ans, gratuit pour demandeurs d’emplois) semblent dans la fourchette des parc zoologiques français. En seulement 8 mois, le parc reçoit près d’1,5 million de visiteurs, des résultats au-dessus des estimations du Muséum national de l’histoire naturelle, qui en plus du zoo de Vincennes, gère 11 autres sites répartis dans toute la France. Mais en 2015, alors que le Muséum tablait sur une fréquentation de 1,7 million de visiteurs, le parc zoologique de Paris-Vincennes a peiné à franchir la barre des 1 million. Là commence le problème.

Faute de pouvoir financer sa renaissance sur  fonds propres, le zoo a opté pour partenariat public-privé (PPP). Parallèlement aux quelques dizaines de millions d’euros apportées par l’État et le Muséum, la société Chrysalis réunissant Bouygues, la Caisse des Dépôts, Icade et la Fideppp, a avancé la majeure partie des 167 millions d’euros de travaux. En contrepartie, le Muséum s’est engagé à payer une redevance annuelle pendant 25 ans, élevée à 13,2 millions d’euros sur la période 2017-2020. L’établissement public doit en même temps prendre en charge des dépenses de fonctionnement  non négligeables (6,8 millions d’euros sur une année). D’où la nécessité d’assurer au niveau des recettes. Or, avec moins d’un million d’entrées en 2015, le parc zoologique n’a réalisé que 12,6 millions d’euros de chiffre d’affaires, et l’État a du intervenir pour éviter une cessation de paiement, en octroyant une subvention exceptionnelle de 9 millions d’euros.

Dans leur rapport, les sages de la Cour des Comptes n’y vont pas de main morte. Ils estiment d’abord que le Muséum est responsable de la vétusté du zoo avant les travaux, «Pendant des années, le zoo de Vincennes a été considéré par le Muséum comme une installation bénéficiaire dont il n’était pas nécessaire de réinvestir les recettes dans la maintenance. Ces recettes servaient à financer l’ensemble de ses activités, à commencer par les chaires de recherche. En dépit de quelques opérations ponctuelles de travaux, l’état du parc zoologique s’est dégradé progressivement et a entraîné à partir de 2004 la fermeture de certaines zones pour des raisons de sécurité», tacle la Cour.

Une fréquentation surestimée

La Cour des Comptes estime par ailleurs que les objectifs de fréquentation du zoo ont été surestimés. «La volonté de présenter un niveau de recettes suffisant pour équilibrer le montage financier a conduit à retenir un objectif de fréquentation aussi ambitieux», note le rapport. Pour faire face à ses dépenses de fonctionnement, le Muséum tablait sur une fréquentation annuelle de 1,4 million de visiteurs, alors que «la fréquentation du zoo de Vincennes a baissé régulièrement et n’a pas dépassé 1 million de visiteurs à partir du début des années 1980». La Cour des comptes estime en outre que le public a peut-être regretté les choix du Muséum «privilégiant le bien-être animal, quitte à renoncer à présenter certaines espèces dont les conditions de maintien en captivité ne sont pas satisfaisantes.» On se souvient des “Où sont les éléphants?” lâchés par les minots découvrant le nouveau zoo. Dans le même temps, les normes en termes de bien-être animal ont heureusement changé, et même en les respectant, les opposants aux zoos étaient bien présents le jour de l’ouverture…

Enfin, la Cour a considéré qu’une partie de la baisse de fréquentation pouvait s’expliquer par les attentats de 2015, en particuliers chez les publics scolaires. Pour les Sages, le Muséum doit désormais trouver un moyen de réduire le déficit en augmentant coûte que coûte la fréquentation, sous peine de ne plus pouvoir investir sur les autres sites (Musée de l’Homme, Jardin des Plantes, Arboretum de Chevreloup, Station de biologie marine de Concarneau,…). Alors que le Muséum national d’histoire naturelle comptait sur la réalisation d’une sixième biozone en 2021 pour relancer l’activité du parc zoologique, la Cour estime que les différentes options de modification du partenariat public-privé, comme la résiliation anticipée du contrat, la restructuration ou le remboursement anticipé de la dette, la renégociation du taux de rentabilité interne actionnaire du partenaire , paraissent complexes à mettre en œuvre, sans garantir une réduction du coût total de l’opération.

La sortie de l’impasse actuelle s’apparente à une mission aussi compliquée que périlleuse pour le Muséum, qui doit être en mesure «de proposer à l’Etat un scénario réaliste pour le fonctionnement du zoo de Vincennes»d’ici 2019. La Cour des comptes demande également une compta analytique séparée du zoo. Déjà fait répond le président du musée. “Cette vision analytique du budget et de son exécution a été présentée aux tutelles et au Conseil d’administration lors de la préparation du budget 2016, lors du vote du compte financier 2015, et sera maintenue à l’avenir. Le suivi précis du niveau de pertes du zoo fait ainsi l’objet d’une concertation régulière avec les tutelles, compte tenu de son impact considérable sur l’équilibre budgétaire, le fonds de roulement et la capacité d’autofinancement du Muséum« .

Au-delà du zoo de Vincennes, la Cour des comptes a également critiqué d’autres aspects d’organisation du Muséum d’histoire naturelle, critiquant notamment sa double tutelle ministérielle (enseignement, recherche et environnement) et formulé huit recommandations (voir ci-dessous) qui comprennent également la suppression des corps d’enseignants-chercheurs du Muséum et la restructuration des sites en région.

Les ministres proposent des pistes et réclament une rallonge en attendant

D’accord sur le constat concernant la situation du zoo, les ministres listent dans leur réponse les pistes de solution, suit à un rapport du musée. “Les premiers éléments d’analyse de cet audit de valorisation du PZP (Parc zoologique de Paris) permettent à ce stade d’entrevoir les pistes suivantes : un objectif de fréquentation réaliste et atteignable, compris entre 900 000 et 1 000 000 de visiteurs ; des investissements annuels permettant de maintenir et stabiliser ce niveau de fréquentation ; un renforcement des activités commerciales générant des recettes supplémentaires. Les conclusions et recommandations définitives du rapport attendues pour la fin d’année 2016 permettront aux ministères de tutelle d’arrêter avec l’établissement une trajectoire chiffrée à moyen et long termes. Dans l’attente, l’attribution en 2017 au Muséum d’une nouvelle subvention exceptionnelle afin d’assurer son équilibre financier, et plus particulièrement celui du zoo, et d’une enveloppe pour favoriser la réalisation de son schéma directeur immobilier, permettra de l’accompagner dans sa trajectoire de retour à l’équilibre“, détaille ainsi la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement et de la Recherche. Du côté du secrétariat d’Etat au Budget, on convient également des conséquences problématiques du montage en PPP tel qu’il a été conclu : ” Compte-tenu d’hypothèses de fréquentation du PZP, que l’on peut aujourd’hui raisonnablement qualifier d’inatteignables, et en l’absence d’intéressement du partenaire au nombre de visiteurs, le choix opéré en 2010 de recourir à un partenariat public-privé (PPP) s’avérera au final plus coûteux qu’un financement par subvention. Les décisions prises en 2010 impacteront l’équilibre de l’établissement pendant toute la durée du contrat de partenariat obligeant ainsi l’Etat à combler tout ou partie du déficit. Cet examen invite à encadrer fortement le recours à des montages financiers de type PPP.

Le président du Muséum d’Histoire naturelle assure de son côté que des actions ont déjà été prises pour remédier à la situation et que d’autres vont suivre, avec l’aide d’un cabinet de conseil en stratégie.

Les 8 recommandations de la Cour des comptes
1. formaliser des objectifs de performance pour la gestion du Muséum dans le cadre d’un nouveau contrat pluriannuel définissant une trajectoire de retour à l’équilibre ;
2. supprimer les corps spécifiques d’enseignants-chercheurs du Muséum ;
3. mettre en œuvre une réorganisation de la tutelle administrative et budgétaire de l’établissement.
Au Muséum national d’histoire naturelle :
4. mettre en œuvre les mesures d’attractivité nécessaires à l’augmentation de la fréquentation du zoo de Vincennes ;
5. restructurer les sites du Muséum en région, en mettant en œuvre des cessions ou en recentrant leur activité ;
6. poursuivre la rénovation du patrimoine en tirant parti de la valorisation de l’îlot Poliveau ;
7. poursuivre la modernisation de la gestion afin de dégager des économies, notamment en favorisant les mutualisations, et développer les ressources propres ;
8. à partir de la comptabilité analytique, isoler la gestion du zoo de Vincennes afin de permettre d’apprécier la performance de gestion du Muséum sur le reste de son périmètre.

Télécharger le rapport complet de la Cour des comptes sur le zoo de Vincennes

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2017-02-09 11:00:00
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