Le mouvement pro-avortement peut contribuer à la victoire de Joe Biden

Quelque dix mille femmes éligibles pour voter aux élections de novembre dernier sont nées avant que les femmes n’obtiennent le droit de vote. Au cours du siècle qui a suivi, les Américains ont continué à accumuler des droits. Dans les années 1960, la pilule contraceptive permettait aux femmes de choisir le nombre d’enfants qu’elles souhaitaient avoir. Dans les années 1970, les lois sur le divorce sans faute et Roe v. Wade offraient aux femmes d’autres options qui avaient été refusées à leurs mères. Ces progrès semblent irréversibles et sont souvent tenus pour acquis. Puis, il y a deux ans, la Cour suprême a annulé la décision Roe et a rendu aux États le pouvoir d’autoriser ou non l’avortement. Il s’avère que les droits peuvent également être supprimés.

Un tiers des Américains âgés de 15 à 49 ans vivent aujourd’hui dans des États où l’avortement est illégal ou très réglementé. Certains États ont adopté des lois si strictes et si vagues que les médecins craignent d’être obligés de choisir entre risquer la vie de leur patiente (dans le cas d’une fausse couche dangereuse ou d’une grossesse compliquée) et risquer d’enfreindre la loi.

Pourtant, aussi déprimant qu’un tel recul puisse paraître, il a également donné naissance au nouveau mouvement politique le plus dynamique aux États-Unis : une révolte de millions d’Américains qui croient que le gouvernement n’a pas sa place dans les décisions privées. Pour de nombreuses femmes, ce mouvement restaurera ou renforcera la liberté de choisir. Peut-être que cela pourrait aussi influencer les élections présidentielles.

La décision dans l’affaire Dobbs, la décision de la Cour suprême qui a renversé Roe en 2022, a été un objectif personnel pour le mouvement anti-avortement. Étonnamment, le nombre d’avortements a légèrement augmenté depuis sa diffusion. Certains États ont rapidement interdit la procédure, mais d’autres en ont facilité l’accès. De plus, le régulateur fédéral des médicaments a autorisé la vente par correspondance de pilules abortives, donnant ainsi à des millions de femmes (y compris dans les États anti-avortement) un accès plus facile qu’auparavant à un avortement précoce. Cependant, pour des millions d’autres femmes, il est devenu beaucoup plus difficile d’obtenir une interruption légale de grossesse. Le résultat de cette décision de justice a donc été de donner aux gens plus ou moins de choix selon l’endroit où ils vivent.

Le mouvement a déjà connu du succès dans des endroits surprenants, comme l’Ohio et le Kansas.

L’indignation a donné naissance à un mouvement politique populaire. Il implique plus d’Américains que n’importe quel autre soulèvement de ce type depuis le Black Lives Matter de 2020 ou le Tea Party d’il y a plus de dix ans. Cependant, il est mieux organisé et ses objectifs sont plus clairs. Ses militants portent des planchettes à pince. Des dizaines de milliers de bénévoles ont rassemblé des millions de signatures pour soumettre les règles sur l’avortement aux référendums nationaux. Le mouvement a déjà connu du succès dans des endroits surprenants, comme l’Ohio et le Kansas. Jusqu’à 16 États pourraient organiser des consultations sur l’avortement le jour même où les Américains éliront leur prochain président.

Seuls 24 des 50 États autorisent les initiatives citoyennes à se rendre aux urnes, de sorte que cet ensemble fragmentaire de campagnes étatiques constitue une piètre imitation d’une loi fédérale. Cependant, d’ici fin 2024, si toutes les initiatives parviennent aux urnes, la majorité des femmes américaines en âge de procréer auront eu la possibilité de voter sur l’avortement après les restrictions introduites par Dobbs. La Floride est cruciale. Es el tercer estado más poblado y, hasta la entrada en vigor una estricta prohibición en mayo, era un lugar al que acudían muchas mujeres de otros estados en busca de interrupciones del embarazo, ya que el procedimiento es ilegal y seguramente seguirá siéndolo en gran parte du Sud.

Si le seul effet du mouvement pro-choix était la santé des femmes américaines, cela mériterait d’être pris au sérieux. Si cela aide également le président Joe Biden à être réélu, cela aura des conséquences mondiales. La réaction contre Dobbs peut-elle empêcher Donald Trump, l’homme dont les nominations judiciaires ont rendu cette décision possible, d’accéder à nouveau à la Maison Blanche ?

L’avortement aidera la campagne de Biden plus qu’il ne lui fera de mal

Peut-être. Peu d’électeurs sont enthousiasmés par Biden. Un mouvement de masse en faveur d’un objectif que partage leur parti devrait stimuler la participation démocrate. Les référendums sur l’avortement en Arizona et au Nevada, deux États clés, pourraient encourager les électeurs indécis du centre et de gauche à se rendre dans un collège électoral. De nombreux Américains pensent que l’économie est plus faible qu’elle ne l’est et blâment également le président pour le coût de la vie élevé. Il est donc utile de leur donner une raison supplémentaire de voter. Dans une course serrée, même un modeste coup de pouce peut être décisif, et ce qui semble probable, c’est que l’avortement aidera la campagne de Biden plus qu’il ne lui nuira.

Toutefois, pour l’instant, cela ne semble pas suffisant. Si les référendums pro-avortement réussissent, cela se produira dans la plupart des cas parce que les républicains pro-choix (un groupe dont les opinions sont réduites au silence au sein de leur propre parti) seront venus les soutenir. La majorité votera en faveur de l’avortement légal… et aussi en faveur de Trump. Les sondages indiquent que Biden est en train de perdre dans des États clés. Cela suggère que les électeurs sont capables de séparer leur opinion sur l’avortement de leur préférence partisane. Si la participation est élevée, la question de l’avortement aura moins d’importance, car l’enthousiasme des électeurs pro-avortement sera dilué par la forte participation. Si le taux de participation est faible, ils compteront davantage, ce qui profitera à Biden.

Ce nouveau mouvement montre une autre facette de la politique américaine

Pour la majeure partie du monde, c’est la course à la présidentielle qui compte : des milliards de personnes se préparent à quatre autres années de feux d’artifice trumpiens. Pour les Américains, il devrait cependant être encourageant de constater que le mouvement pro-avortement est confronté à un défaut central de la politique américaine. Sur de nombreuses questions (en particulier celles liées aux guerres culturelles), les attitudes américaines diffèrent peu de celles des autres démocraties riches, mais les législateurs fédéraux font un travail épouvantable pour les refléter. La plupart des Américains souhaitent que l’avortement soit légal au début de la grossesse, mais illégal plus tard. Cependant, les minorités extrémistes du Congrès bloquent un tel compromis. Ainsi, même si les démocrates remportent la présidence et les deux chambres du Congrès en novembre (ce qui est peu probable), ils seront toujours incapables d’adopter une loi nationale sur l’avortement qui soit conforme à l’opinion publique. Cette dynamique explique également pourquoi une loi fédérale sur le mariage homosexuel n’a même pas été adoptée il y a deux ans, dix ans après que la Grande-Bretagne et la France l’ont fait, et aussi pourquoi les États suivent leur propre voie en légalisant la marijuana alors que le Congrès hésite.

Ainsi, ce nouveau mouvement montre une autre facette de la politique américaine. Il ne s’agit pas de lutteurs de clavier rivalisant pour attirer l’attention sur Internet, mais de personnes qui renoncent aux week-ends et aux heures libres pour tenter de convaincre leurs voisins d’une idée à laquelle ils croient profondément. Il s’agit d’un mouvement local et participatif, le genre de dynamique qui a enthousiasmé Tocqueville lors de sa visite dans le pays en 1831. C’est ainsi que la démocratie aux États-Unis est censée fonctionner.

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Traduction : John Gabriel Lopez Guix

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