Le mystère de Dieu et la finitude

2024-09-01 09:20:38

Pour le philosophe et dramaturge Gabriel Marcel, nous sommes « incarnés » dans une existence finie. Nous traversons la vie comme s’il s’agissait d’un drame théâtral, où tout commence lorsque le rideau tombe et aboutit à une issue fatale. Nous voyageons dans la vie comme si nous étions sur une scène. Durant cette période, nous essayons de trouver l’être. Mais cela restera voilé tant que nous ne nous ouvrirons pas au mystère de la présence de l’autre. L’être n’apparaît qu’« entre » le je et le tu. Dans cet « entre » se trouve Dieu. Parce que dans ledit espace singulier l’esprit apparaît et cela est indéchiffrable. Comment communiquer cela. Comment transférer l’ineffable. La philosophie, parfois, est une ressource limitée ; La voie de l’art peut peut-être porter de meilleurs fruits.

Il est complexe de systématiser les idées de Marcel sans recourir à ses Journaux Métaphysiques et sans suivre la logique de ses personnages fictifs. Mais il y a un point passager : son enfance a été marquée par la perte de sa mère. Cela l’a marqué de manière indélébile. Il avait toujours voulu la retenir, se souvenir d’elle, mais les souvenirs s’effaçaient. Son absence était considérée comme impénétrable. Il n’avait que quatre ans. Comment retenir l’autre lorsqu’il disparaît ? Comment est-il possible que quelqu’un qui est avec nous ne soit plus là tout d’un coup ? Où étais-tu ? C’est alors que sa philosophie est une résistance à la désintégration de l’être aimé. C’est une tentative de vaincre la tyrannie de la finitude. Il a exprimé : « La mort n’est pas l’anéantissement, mais l’absence (…), c’est la destruction d’une communication. » Découvrez ainsi le secret de la rétention, de cette chaîne qui transcende la mort et parvient à la surmonter : la fidélité.

La fidélité est la victoire sur le temps, elle annule tout futur, elle pétrifie le présent du manque dans le mystère de mon être. Être fidèle, c’est aimer. C’est s’engager pour l’avenir. C’est un rendez-vous. Je serai là, attendant l’aimé invisible, car cette attente me cimente étrangement à l’autre. Même si tout engagement comporte un risque. Le risque de non-conformité. Cependant, l’attachement à l’absent et, par défaut, à Dieu requiert une fidélité définitive et ainsi ma silhouette indéclinable ouvrira la présence furtive de l’autre, et bien sûr, de l’Absolu. Il exprime : « Le bien-aimé est au-dessus de tout jugement, de toute possibilité de vérification, il est au-delà de tous les attributs. Je ne t’aime pas pour ce que tu as, mais parce que tu es toi. La base est une fidélité créative qui sait toujours découvrir le meilleur de vous-même chez la personne aimée. C’est pourquoi ce que je ressens ne vieillit pas, ne meurt jamais, ne s’appauvrit pas et ne crée pas de déception. Aimer un être, au contraire, c’est pouvoir dire : « Au moins tu ne mourras pas ». Cela signifie : « Vous n’êtes pas une chose, vous êtes une personne, et c’est pourquoi vous exigez l’immortalité. »

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La pratique du journalisme professionnel et critique est un pilier fondamental de la démocratie. C’est pourquoi cela dérange ceux qui croient détenir la vérité.

Ici, le spectre s’ouvre pour réfléchir à l’existentialisme marcelien, qui propose la différence entre avoir et être. Quand l’être aimé soupire à mes côtés, il est avec moi, quand il a disparu, il passe d’être avec moi à être en moi. L’esprit de son absence est cette énigme qui ne lâche pas celui qui pleure. Ce mystère se produit dans « l’entre-deux », en vérifiant la réalité de l’invisible. Où émerge l’esprit ? Dans les arcanes du vaporeux. C’est un état de conscience. Lorsqu’un botaniste examine une fleur, il est dans une position où il possède, raisonne, problématise. Mais lorsque la fleur n’émerge aux sens que pour sa beauté, ce que l’on appelle beau est la subtilité qui s’opère imperceptiblement entre l’observateur et l’observé.

Même si sa pensée semble trop spiritualiste, il ne faut pas se tromper, sa philosophie est en réalité concrète. Il voit le corps comme la manifestation dans le monde de l’être, puisqu’il est l’extension située d’un « objet ontologique ». À partir de là, pensez aux relations intersubjectives. Mais mon corps n’est pas un instrument, c’est l’être lui-même. Je suis mon corps et j’existe tel que manifesté. L’incarnation est donc la donnée centrale de sa métaphysique. Un édifice théorique qui rejette le surnom d’« existentialisme chrétien », mais sans doute opposé à l’athéisme sartrien où, pour Marcel, « l’enfer, ce n’est pas les autres ». Parce qu’il n’y a pas d’existence possible sans coexistence. A travers le corps (pour lequel il rejoint Maurice Merleau-Ponty) l’âme se réalise dans la fidélité à l’autre et retrouve le mystère de l’être ; Cependant, l’être n’est pas une chose, ce n’est pas une réalisation, mais l’être est un projet avec. « Être humain » – disait Xavier Zubiri – c’est « être au milieu », on est un homme tant qu’on se « transcende » constamment.

L’état de mort et la présence de Dieu se conjuguent énigmatiquement chez Marcel. Si le caché est dans les liens, tant avec les vivants qu’avec les morts, l’opaque du religieux se produit entre mon incarnation car il participe au Toi Absolu. Ici, vous vous plongez dans le royaume du sacré.

Dieu ne doit pas être converti en une réalité théiste, car cela est invérifiable et n’est rien d’autre qu’une exigence suprême de mon âme. Si on en fait une difficulté philosophique, théologique ou existentielle, elle finit par ne pas l’être. D’où sa critique du thomisme et des preuves de l’existence divine. Cela peut encore moins être prouvé, car toute idée que l’on se fait de lui n’est qu’une expression abstraite, un intellectualisme, un problème, et problématiser Dieu est le pas sûr pour ne jamais le trouver.

La révélation n’apparaît que lorsque l’on suppose qu’elle est un mystère et que cela lui redonne sa place dans le cosmos. Critiquant les théologiens, il dit que « Dieu est une hypothèse impossible ». Alors il n’existe pas comme objet, comme premier moteur qui produit des causes et des effets. Mais cela ne le jette pas non plus dans le champ de l’inconnaissable, mais plutôt il est quelqu’un pour nous, il est une personne, bien que sous une figure voilée. Même si je ne le vois pas, il est ici, entre moi et l’autre. Il surgit là, « entre » le moi incarné avec ce Toi Absolu. Ainsi, au milieu de l’expérience de la fidélité, Dieu et les êtres chers qui reposent dans la mort deviennent des lieux mystérieux où nous pouvons continuer à les aimer dans l’intégrité de l’existence.



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