En 2018, alors que Chipotle était aux prises avec de multiples épidémies d’intoxication alimentaire qui avaient rendu malades 1 100 personnes, la société a fait appel au PDG de Taco Bell, Brian Niccol, pour redresser la situation.
En tant que président et directeur général de Chipotle, Niccol a renforcé le marketing et l’innovation des produits, ajouté un programme de fidélité et amélioré les opérations des magasins. Il a également instauré des avantages sociaux pour les employés, comme un programme qui prend en charge les frais de scolarité des employés dans certaines écoles.
Depuis lors, les revenus de Chipotle ont presque doublé.
Mardi, Niccol a répondu à un nouvel appel, cette fois de Starbucks. Le géant du café de Seattle a nommé Niccol au poste de président-directeur général, espérant qu’il pourra relancer les ventes en baisse et rétablir Starbucks comme une destination où les clients sont prêts à payer des prix élevés.
« Je suis ravi de rejoindre Starbucks et reconnaissant de l’opportunité d’aider à diriger cette incroyable entreprise, aux côtés de centaines de milliers de partenaires dévoués », a déclaré Niccol.
Les actions de Starbucks ont bondi de 24,5 % mardi à la suite de cette nouvelle, récupérant toutes leurs pertes de l’année.
Mais Niccol doit faire face à des défis bien plus importants et plus profonds chez Starbucks, qui compte 38 000 restaurants dans le monde, contre 3 500 restaurants Chipotle, principalement basés aux États-Unis. Niccol doit trouver comment faire revenir les clients américains, fatigués par l’inflation, dans ses magasins pour ses boissons onéreuses.
« Je paierai 9 dollars pour un burrito. Je ne suis pas sûre que je paierai 9 dollars pour une tasse d’espresso Venti », a déclaré Nancy Tengler, PDG de Laffer Tengler Investments, qui détient des actions de Starbucks et Chipotle.
Aux États-Unis, Starbucks a du mal à trouver un équilibre entre la demande de commandes mobiles et un service plus rapide et son rôle plus traditionnel de café haut de gamme où les clients peuvent se réunir et se détendre. Tengler a déclaré que les longs délais d’attente et le déluge de commandes mobiles ont nui à l’expérience en magasin chez Starbucks, et Niccol devra élaborer un plan pour inverser la tendance.
Starbucks, comme d’autres grandes marques comme McDonald’s, doit également faire face aux consommateurs américains qui recherchent de plus en plus de bons prix et des offres avantageuses. Niccol devra convaincre les consommateurs qu’un café glacé Starbucks de taille moyenne, qui coûte aujourd’hui plus de 5 dollars à Manhattan, vaut la peine d’être payé.
En Chine, deuxième marché de Starbucks avec 6 500 points de vente, les clients optent de plus en plus pour le café de concurrents moins chers. Au Moyen-Orient et dans certains pays d’Europe, Starbucks fait l’objet de boycotts liés à la guerre entre Israël et le Hamas.
Niccol remplace Laxman Narasimhan, qui démissionne immédiatement après avoir passé un peu plus d’un an à la tête de Starbucks. Niccol deviendra président et directeur général de Starbucks le 9 septembre. La directrice financière de Starbucks, Rachel Ruggeri, assurera l’intérim jusqu’à cette date.
Narasimhan a succédé à Howard Schultz, le dirigeant de longue date de Starbucks et président émérite, en mars 2023. Mais les investisseurs et le conseil d’administration de la société se sont rapidement détournés du dirigeant de longue date de PepsiCo, qui avait suivi une formation de barista et travaillait tous les mois dans les magasins Starbucks mais avait peu d’expérience dans la vente au détail.
Les revenus de Starbucks ont chuté de 2 % au cours des trois premiers mois de cette année, soit la première baisse trimestrielle des ventes de l’entreprise depuis fin 2020. Cette baisse a suscité une réprimande de la part de Schultz, qui a écrit dans un article sur LinkedIn ce printemps que les dirigeants de l’entreprise devraient passer plus de temps dans les magasins et se concentrer sur les boissons au café.
Le chiffre d’affaires a encore chuté au cours du trimestre suivant. Une nouvelle boisson estivale à base de « perles » de framboise, semblables à du boba, a généré de fortes ventes aux États-Unis, mais l’entreprise a dû réduire ses efforts de marketing après avoir manqué d’ingrédients.
Andy Barish, analyste actions de la banque d’investissement Jefferies, a déclaré que les investisseurs avaient le sentiment que Narasimhan ne s’attaquait pas efficacement aux problèmes de Starbucks, notamment aux opérations de plus en plus compliquées pour les employés des magasins et à un marketing inefficace. Les nouveaux produits, comme une gamme de boissons énergisantes, étaient également peu convaincants, a écrit Barish mardi.
Les ventes des magasins Starbucks ouverts depuis au moins un an ont chuté de 2 % entre avril et juin. Au cours de la même période, les ventes des magasins Chipotle ont bondi de 11 %.
Chipotle a résisté au ralentissement des dépenses de consommation en proposant des articles populaires à durée limitée comme le poulet al pastor. L’entreprise a également mis l’accent sur la valeur. Lorsque certains clients ont commencé à se plaindre sur les réseaux sociaux du fait qu’ils recevaient des portions plus petites, Niccol a déclaré que l’entreprise allait recycler les employés des 10 % de magasins Chipotle qui préparaient des repas trop petits.
Elliott Investment Management, une société activiste qui détient une participation importante dans Starbucks, a déclaré avoir commencé à discuter d’un changement de direction avec le conseil d’administration de Starbucks il y a deux mois. Dans un communiqué publié mardi, la société a qualifié la nomination de Niccol de « pas en avant transformateur ».
« Nous saluons la nomination de Brian Niccol et nous sommes impatients de poursuivre notre engagement auprès du conseil d’administration alors qu’il œuvre à la réalisation du plein potentiel de Starbucks », ont déclaré Jesse Cohn, associé directeur d’Elliott, et Marc Steinberg, associé, dans un communiqué conjoint.
Chez Taco Bell, où Niccol a débuté comme directeur marketing en 2011 avant de devenir PDG, Niccol s’est concentré sur l’innovation des menus, en introduisant le petit-déjeuner dans la chaîne de restauration mexicaine. Il a modernisé les équipements de cuisine et les salles à manger des restaurants et a également introduit la commande mobile.
La présidente de Starbucks, Mellody Hobson, qui deviendra administratrice indépendante principale une fois que Niccol sera nommé président, a déclaré que Niccol peut utiliser le même plan pour transformer Starbucks. Schultz a également déclaré qu’il admirait Niccol depuis longtemps.
« Je crois qu’il est le leader dont Starbucks a besoin à un moment crucial de son histoire. Il a mon respect et mon soutien total », a déclaré Schultz dans une déclaration préparée.
On ne sait pas encore quel impact l’arrivée de Niccol aura sur les efforts de syndicalisation en cours chez Starbucks. Schultz s’est opposé à la syndicalisation, mais sous Narasimhan, l’entreprise a changé de cap, affirmant qu’elle relancerait les négociations collectives dans le but de conclure des accords contractuels cette année. Les travailleurs de plus de 475 magasins Starbucks aux États-Unis ont voté pour la syndicalisation depuis 2021.
Chipotle s’est opposé à la syndicalisation sous Niccol. L’entreprise a accepté de payer 240 000 dollars à ses anciens employés l’année dernière après que le gouvernement américain a constaté qu’elle avait violé la loi en fermant un magasin du Maine qui avait voté en faveur de la syndicalisation. Un seul autre Chipotle, dans le Michigan, a voté en faveur de la création d’un syndicat.
Les actions de Chipotle, qui ont augmenté de plus de 20 % cette année, ont chuté de 7,5 % mardi à l’annonce du départ de Niccol.
Chipotle a annoncé mardi que Scott Boatwright, le directeur de l’exploitation de la société, deviendrait son PDG par intérim.
