« Le pouvoir de l’affect : Monia Chokri sur l’art, l’artiste et la montée de l’extrême droite »

« Le pouvoir de l’affect : Monia Chokri sur l’art, l’artiste et la montée de l’extrême droite »

Cet été, Contexte invite ses lecteurs à refaire le monde en compagnie d’un chroniqueur et d’une personnalité. Marc Cassivi a suivi la comédienne et cinéaste Monia Chokri dans la Petite Italie, jusqu’au marché Jean-Talon, pour discuter du discours percutant qu’elle a livré en marge de la présentation de son plus récent film au Festival de Cannes, de la séparation entre l’œuvre et l’artiste et de la montée inquiétante de l’extrême droite.

Cet été, Contexte invite ses lecteurs à refaire le monde en compagnie d’un chroniqueur et d’une personnalité. Marc Cassivi a suivi la comédienne et cinéaste Monia Chokri dans la Petite Italie, jusqu’au marché Jean-Talon, pour discuter du discours percutant qu’elle a livré en marge de la présentation de son plus récent film au Festival de Cannes, de la séparation entre l’œuvre et l’artiste et de la montée inquiétante de l’extrême droite. Marc Cassivi discute avec Monia Chokri au marché Jean-Talon Monia Chokri a le courage de ses convictions et de ses prises de parole. J’avais envie de lui parler du discours qu’elle a livré à Cannes, en marge de la présentation de son film, à propos de l’importance de fabriquer des œuvres dans un climat de bienveillance. “Je pense que le génie, c’est de faire un chef-d’œuvre, mais en étant quelqu’un de bon, de bienveillant, à l’écoute. Et ces qualités n’empêchent en rien de créer du sublime. Au contraire”, avait déclaré l’auteure-cinéaste en mai. “Ceux qui ont un certain pouvoir ont la responsabilité de faire en sorte que les gens autour d’eux se sentent bien”, avait-elle ajouté, avant de conclure qu'”aucune œuvre ne justifie que l’on brise des gens”. “Tu parlais du mythe du génie masculin… — Je n’ai pas spécifié qu’il était masculin ! C’est ton inconscient qui a extrapolé.” Elle avait raison et m’a offert à l’appui des exemples féminins de comportements dits problématiques chez les artistes. Je lui ai répété ma rengaine sur l’importance de séparer l’œuvre et l’artiste. En vérité, j’ai dit “séparer l’homme et l’artiste”, ce qu’elle a remarqué – encore une fois avec raison – un peu plus tard dans l’entrevue. Monia Chokri et Marc Cassivi Je pense aussi qu’on doit séparer l’œuvre et l’artiste, mais à partir du moment où l’artiste est mort. Picasso a fait de grandes œuvres, Céline a écrit de grands romans. Je suis capable de le reconnaître et de l’apprécier. C’est différent quand l’artiste a encore un impact social et du pouvoir. Monia Chokri Elle revient à quelques reprises pendant notre discussion sur ce qu’elle appelle “le pouvoir de l’affect”. Ce lien fort que le public entretient avec des artistes, en raison d’œuvres qui l’ont marqué ou bouleversé. “C’est très fort. Ça crée une immunité chez ces artistes et c’est dangereux. On leur excuse tout.” Ce pouvoir de l’affect est lié à un pouvoir économique, rappelle Monia Chokri. “Les abuseurs peuvent tout faire, alors ils font ce qu’ils adorent faire, c’est-à-dire des procès en diffamation.” Un exemple concret de ce “pouvoir de l’affect”, selon elle, c’est Gérard Depardieu, accusé par 14 femmes d’inconduite sexuelle, que le public va encore voir en spectacle, chantant Barbara. “Depardieu, tout le monde le savait dans le métier, depuis toujours. C’est violent pour les femmes qui ont été ses victimes. Pour la jeune femme de 20 ans qui a eu le courage de le dénoncer. Elle le voit invité à la télé, ayant une place médiatique, faisant des concerts où il se fait applaudir parce que c’est une icône. Devant lui, sa parole ne vaut rien. C’est comme une double peine.” La cinéaste craint le ressac actuel autour du mouvement #metoo, dont l’une des pierres angulaires a été selon elle la manipulation du procès Johnny Depp-Amber Heard en faveur de l’acteur, réhabilité au cours des derniers mois. “J’ai moi-même cru à cette machination”, admet-elle. Marc Cassivi en promenade avec Monia Chokri Aujourd’hui, Monia Chokri préfère croire sur parole les présumées victimes, sachant que les fausses déclarations sont extrêmement rares. “J’aime mieux avoir tort une fois sur cent que le contraire. J’ai été une grande fan de Woody Allen. J’ai voulu croire que Mia Farrow délirait”, dit-elle à propos des accusations d’aliénation parentale contre l’actrice et mère de Dylan Farrow, présumée victime du cinéaste de Manhattan alors qu’elle n’avait que de 7 ans. La série documentaire de HBO Allen c.Farrow l’a convaincue de la version des faits du clan Farrow. “Il faut avoir la délicatesse de penser aux gens qui vivent ces situations dans l’intime, dit-elle. Il faut avoir l’empathie de se demander : est-ce vraiment nécessaire que je me prenne un billet pour le prochain Woody Allen ?” Monia Chokri et Marc Cassivi Je me rends à mon tour aux arguments de Monia Chokri. Je n’y avais jamais songé, mais sa distinction entre les artistes morts et vivants me semble logique. Lorsqu’ils ont disparu, leur œuvre persiste, existe en elle-même et ne leur profite plus directement. “Si j’ai pu changer ton avis sur l’homme et l’œuvre, j’aurai fait ça dans ma journée ! — J’avance…” “On ne peut pas faire de déni du passé, précise cependant la cinéaste. Je par
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