Le rebranding du PMU : un saut d’obstacle ?

Le rebranding du PMU : un saut d’obstacle ?

Je vais vous conter l’histoire d’un havre de débauche, une communauté qui s’enfile son ballon de Ricard servi « pas plus haut que le bord », où Gérard ne subit pas la pression, il la boit, et où Didier a tout misé sur ce cheval prometteur : Okelestbelmapoolish.  Le bar PMU est un inconditionnel de tous les villages, et il est même considéré comme le lieu de culte et de cuite préféré des habitants. C’est un lieu bruyant, très fréquenté, qui sent bon la clope et l’alcool, aussi réconfortant que son sol est collant. Autant de clichés qui participent à la caricature ultime du beauf de France raciste, sexiste et adepte de la philosophie de comptoir.

Alors comment une entreprise qui a misé sur un sport aussi noble que la course hippique en est arrivée à être l’image de la France beauf des campagnes ? PMU est devenue une marque générationnelle, en chute libre avec une image vieillissante et une moyenne d’âge des consommateurs de 50 ans. De plus, elle est incarnée par ses espaces de distribution, c’est-à-dire les bars tabac et non par elle-même. Ce qui fait que son image dépend de facteurs qu’elle peut difficilement maîtriser car ils ne lui appartiennent pas. Cependant, quand on pense à cet écosystème complet, on parle du PMU du coin. Même si PMU n’est pas un lieu, la marque en est indissociable, elle allie sous sa bannière le bar, le tabac et les consommateurs.

Sa communauté, les turfistes, adeptes du pari hippique, est confrontée à 3 vices que la société essaie de combattre : l’addiction à l’alcool, l’addiction à la cigarette, et l’addiction aux jeux d’argent. Mais c’est aussi une marque qui arrive encore aujourd’hui à réunir autour d’une même passion de nombreux adeptes. C’est également ce qu’elle veut véhiculer, par exemple en chantant son Hymne “Vous les copains je n’vous oublierai jamais” de Sheila lors de leur campagne de 2021 ou grâce à leur forum “La communauté du PMU” qui permet aux turfistes de s’exprimer sur les courses hippiques. PMU est un vecteur de lien social et un créateur d’émotions par la dimension spectaculaire de ses courses.

Cette marque représente à elle seule le gouffre qui peut exister entre image voulue, perçue et réelle. J’aimerais d’ailleurs souligner que je n’ai pas été déçue de découvrir l’existence d’un cheval de course nommé Image de Marque lors de mes recherches*. Ce simple fait souligne le reflet et la mentalisation des turfistes, deux concepts définis par l’identité de marque de Kapferer. La marque semble s’adresser à des bons vivants qui aiment les émotions fortes, qui se voient entre eux comme une bande de bons copains, et qui peuvent être considérés par l’extérieur comme des plaisantins.

Pour PMU, le fossé entre la perception et l’image voulue vient ainsi de la difficulté à maîtriser son écosystème bar / tabac / turfistes. C’est pourquoi la marque s’est décidée à faire un rebranding depuis 2019. Avant cela, elle accentuait sa communication autour du pari et du gain potentiel, à l’image de la Française des Jeux, autre acteur présent de l’écosystème, et maintenant elle est axée autour des parieurs, de la convivialité et des émotions fortes qu’ils vivent lors des courses, à l’image de celles vécues lors des match de football, avec Antoine Griezmann comme égérie.

Malgré l’image de son écosystème, la marque a décidé de l’embrasser, et d’assumer pleinement qu’elle en fait partie. Ses consommateurs ne s’inquiètent pas de l’image que l’extérieur perçoit d’eux et sachant que leur fidélité n’est pas absolue avec l’arrivée des paris sportifs en ligne, il était essentiel de recentrer le discours autour d’eux pour affirmer cette bannière hissée au-dessus de leur tête.

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Ce rebranding ressemble à une volonté de redorer l’image du turfiste et de son environnement. Il représente l’occasion non pas d’attirer de nouveaux consommateurs, mais de fidéliser et valoriser ceux qu’ils ont : les parieurs ne sont pas des beaufs, ils sont des passionnés adeptes d’émotions fortes qui savent parier avec intelligence. Qu’ils soient dans les gradins ou devant la télé du bar, ils vivent la tension de la course, la joie de la victoire ou la tristesse de la défaite ensemble.

Comme dirait sûrement Dédé, « y’a pas à tortiller du cul pour chier droit », le PMU du coin devient ce qu’il a toujours été et ce qu’il aurait toujours dû être : un espace privilégié de convivialité et de partage.

Auteure : Antonina Tanzi

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(c) Ill. DépôtPhotos






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