Le sanctuaire antique de Chartres se rapproche d’Herculanum par la richesse de ses découvertes incroyables

Le sanctuaire antique de Chartres se rapproche d’Herculanum par la richesse de ses découvertes incroyables
Bruno Bazin est responsable scientifique en charge des fouilles sur le secteur de Saint-Martin-au-Val, il y fouille depuis dix-huit ans. (©Laurent Rebours)

De nouvelles découvertes au sanctuaire antique de Saint-Martin-au-Val à Chartres (Eure-et-Loir). Et une nouvelle fois pas des moindres puisqu’elles sont l’équivalent de ce qui a déjà été mis au jour à Herculanum !

Les Journées européennes du patrimoine vont être l’occasion d’arpenter ces lieux avant que celui-ci n’entre en léthargie pour quelques années, le temps pour les chercheurs de publier le fruit des dix-huit dernières années de fouilles.

Un des plus grands complexes de la Gaule romaine

Les trois bassins s'étalent sur environ 655 m2.
Les trois bassins s’étalent sur environ 655 m2. (©Laurent Rebours)

En périphérie immédiate de l’antique Autricum (Chartres), s’est développé l’un des plus grands complexes cultuels de la Gaule romainecapable d’accueillir les citoyens de la cité des Carnutes pour les grandes célébrations liturgiques.

Construit entre la fin du Ier siècle et le début du IIe sièclece dernier est implanté à moins d’un kilomètre au sud du centre administratif et politique de la ville romaine, dans l’actuel quartier Saint-Brice. La cité était d’une dimension peu commune puisqu’on l’estime à environ 250 hectares.

De belles dimensions, il s’étend sur plus de dix hectares et regroupe un grand temple avec galeries de circulation de près de huit hectares, longé à l’est par un portique rythmé de plusieurs bâtiments.

Au nord, en contrebas du podium d’un autel dédié à Apollonun édifice avec bassins, particulièrement bien conservé, a été mis au jour.

Un premier bassin et un plafond en bois décorés

Le bassin central, profond de 2,10m servait vraisemblablement aux ablutions avant d'entrer dans la partie sacrée.
Le bassin central, profond de 2,10m servait vraisemblablement aux ablutions avant d’entrer dans la partie sacrée. La stratigraphie a permis de mieux comprendre les différentes époques.(©Laurent Rebours)

Entre 2016 et 2021la fouille a permis de révéler le tiers nord de ce bâtiment en lien avec l’eau. Une parfaite illustration du savoir-faire et du raffinement « à la romaine » comme en témoignent les placages de marbres colorés importés d’Italie, de Grèce et de Turquie encore visibles et ses peintures effondrées à la base des murs.

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Proche du mur nord, un bassin de 5,50 m de côté, au décor central quadrilobé en marbre blanc veiné de rose, contenait les restes d’un plafond décoré en bois dans un état de conservation exceptionnel.

Les 1413 pièces prélevées ces trois dernières annéesconstitutives de caissons hexagonaux et losangiques, aux décors élégamment ciselés de feuilles d’acanthe ou encore de perles et de pirouettes peintes, sont l’illustration concrète des plafonds souvent représentés dans les peintures romaines ou cités dans les ouvrages antiques mais très rarement observés en
contexte archéologique.

Une remontée rapide de la nappe phréatique lui a offert un état de conservation remarquable. Les crues successives de l’Eure, située à seulement 150 m des vestiges, ont achevé de sceller le plafond dans un milieu humide, sans air et sans lumière.

Bruno BazinResponsable scientifique sur le site de Saint-Martin-au-Val

Comme Bruno Bazin a pu le détailler, la seule comparaison actuelle d’un tel ouvrage de menuiserie qui soit connue à ce jour se situe en Italie à Herculanum dans la maison au relief de Telephus.

Et deux autres bassins mis au jour

La stratigraphie a permis de mieux comprendre les différentes époques
Près de 1500 pièces de bois ont été retrouvées dans les différents bassins. (©Laurent Rebours)

Si les archéologues étaient déjà sur un petit nuage, ils ont été encore plus estomaqués lorsqu’ils ont mis au jour deux autres bassins. Deux d’apparat entourant un bassin central profond de 2,10 m dédié aux ablutions purificatrices selon toutes vraisemblances avant de pénétrer dans les lieux sacrés dont l’autel d’Apollon.

Le programme de recherche 2022 avait pour objectifs de mieux cerner la chronologie de l’édifice aux bassin, de préciser son emprise et son organisation architecturale et de confirmer la présence d’un second bassin ; la disposition du premier, proche du mur nord, laissant supposer son existence plus au sud.

Au final, le décapage complémentaire réalisé a mis en évidence non pas un mais deux bassins supplémentaires distants d’environ 6 m.

Le premier de forme carrée, central par rapport à l’édifice et par rapport aux autres bassins, est recouvert de marbres blancs. L’ouverture visible au milieu de la margelle ouest permettait aux visiteurs d’y pénétrer, probablement afin de pratiquer les ablutions.

Le second bassin en marbre blanc, localisé plus au sud et dans la continuité des
deux précédents, s’apparenterait plus à un bassin d’apparat, faisant ainsi écho à celui au décor quadrilobé.

Les parements intérieurs des murs nord, sud et ouest sont rythmés d’arcatures aveugles plaquées de marbres pour les parties basses, et peints de représentations figurées pour les parties hautes.

Le mur oriental, quant à lui, présente une architecture plus monumentale avec colonnes engagées à décors de feuilles et chapiteaux corinthiens, ensemble décoratif qui répond à la façade de l’autel d’Apollon.

Deux escaliers, situés aux angles du mur ouest, permettent d’accéder au portique de façade et à l’autel d’Apollon.

Le plan de l’édifice aux bassins reste inédit. Il peut toutefois être rapproché de celui des fontaines monumentales du monde romain.

Les opérations de terrain s’achèvent après six ans de fouilles

L'impressionnant sanctuaire sur une dizaine d'hectares.
L’impressionnant sanctuaire sur une dizaine d’hectares. (©Laurent Rebours)

Après six années de fouilles, les opérations de terrain s’achèvent. Désormais, il va falloir faire preuve de patience afin de traiter l’ensemble des données acquises. À ce stade, la liste des questions est encore grande et la recherche interdisciplinaire, qui fait appel à de nombreux spécialistes, n’en est qu’à ses prémices.

Après toutes ces années de fouilles une pause est nécessaire, on voit trop de sites où il n’y a pas ces temps consacrés à la publication alors qu’il faut justement publier le fruit de nos découvertes.

Bruno Bazin

À terme, la publication envisagée devrait permettre de proposer une restitution de l’autel à Apollon et de l’édifice aux bassins. Ce site permet ainsi à lui seul de redécouvrir tout un pan de l’histoire de l’artisanat et des pratiques religieuses de l’époque antique.

Le sanctuaire de Saint-Martin-au-Val est un véritable laboratoire à ciel ouvert, il livre de nouvelles informations permettant de se plonger dans les premiers siècles de notre ère et de comprendre toutes les spécificités des différents bâtiments qui le composent.

Pour le maire de Chartres, chaque visite sur ce sanctuaire est une source d’émerveillement :

A chaque fois je pense à la vie qui pouvait être celle de l’époque romaine. Quand nous avons lancé le projet il y a vingt-et-un ans nous étions loin d’imaginer l’ampleur qu’il allait prendre ! Reste la finance, on adore l’archéologie, c’est du vrai, du concret, mais il faut trouver une solution pour aller plus vite, plus loin, plus largement…

Jean-Pierre GorgesMaire de Chartres

Et dans ces chantiers d’importance, celui de l’esplanade de la cathédrale va occuper les esprits dans les années à venir incontestablement.

« Ici, sur le sanctuaire je vois bien s’y installer un musée de l’archéologie, il faut que l’on parvienne à exposer toutes nos trouvailles et ça libérerait d’autres bâtiments utiles. Nous avons à Chartres la plus belle équipe d’archéologues en France ! »

Au regard de sa richesse patrimoniale, Chartres pourrait, comme à Rome, accueillir des chantiers de fouilles permanents « il faut lister les endroits à creuser et dans les projets que nous avons, de parking par exemple, y intégrer des éléments architecturaux découverts ».

Le conservateur régional du patrimoine, Christian Verjux s’est souvenu pour sa part que, dans les années 90 « un projet immobilier sur le site des anciens abattoirs avait fait réagir et tant mieux, il a fait apparaître ce site de fouilles ! »

Journées européennes du patrimoine

A l’occasion des Journées européennes du patrimoine qui se dérouleront les samedi 17 et dimanche 18 septembre 2022la direction de l’Archéologie organise de nombreuses animations pour faire découvrir au public les fruits de ses recherches ainsi que plusieurs sites historiques :

■ Saint-Martin-au-Val : visites guidées

Le sanctuaire gallo-romain de Saint-Martin-au-Val : Samedi 17 septembre à 14h30, 15h30, 16h30 et 17h. Dimanche 18 septembre à 10h30, 11h30,14h30, 15h30, 16h30 et 17h. Présentation des résultats des dernières découvertes sur le bâtiment a bassins en façade du
vaste sanctuaire.

Durée de la visite : environ 45 minutes – Places limitées à 30 personnes par visite / Inscriptions le jour même sur place.

■ L’église Saint-Martin-au-Val

Samedi 17 septembre à 14h30, 15h30, 16h30 et 17h. Dimanche 18 septembre à 10h30, 11h30,14h30, 15h30, 16h30 et 17h. Ouverture exceptionnelle de cet édifice prestigieux
du patrimoine chartrain. Durée de la visite : environ 45 minutes – Inscriptions le jour même sur place. Rendez-vous sur le site du sanctuaire rue des Bas Bourgs à Chartres.

■ Tombes au chevet de Saint-Martin-au-Val

Par l’Association de la Commune Libre de Saint-Brice. Samedi 17 septembre de 14 h à 18 h. Le cimetière des moines puis des aumôniers et religieuses de Saint-Paul se trouve au chevet de la chapelle du monastère. Il reste quatre tombes : deux d’aumôniers, Pierre-Louis Bordier et Édouard Demolliens, et deux de bienfaiteurs, Ferdinand de Reverdy et Marie-Charlotte Midy, veuve Renouard de Saint-Loup.

Sans inscription – Rendez-vous sur place : Abbayes Saint-Brice – 2 rue Georges Brassens à Chartres.

■ Cellier du Val- Saint-Martin

Par l’Association de la Commune Libre de Saint-Brice. Samedi 17 septembre de 14 h à 18 h. Découverte historique du cellier où est désormais stocké le fruit des vendanges du Rosé de Chartres produit depuis plusieurs années par l’association. Sans inscription – Rendez-vous sur place : Abbayes Saint-Brice – 2 rue Georges Brassens à Chartres.

Des visites libres

Le sanctuaire gallo-romain de Saint-Martin-au-Val

Samedi 17 septembre de 14 h à 18 h, dimanche 18 septembre de 10 h à 18 h. Découverte de l’un des plus prestigieux sanctuaire gallo-romain de Gaule Romaine. Le temps de ce
week-end, des objets emblématiques mis au jour lors des dernières campagnes de fouilles seront exposés : sculptures, décors en bois, enduits peints.

Différents stands et animations seront installés pour initier les visiteurs aux techniques de construction de l’Antiquité au Moyen-Âge autour de différentes thématiques :

  • la charpente
  • les décors sur bois
  • la sculpture
  • la construction de voute
  • le vitrail

Autour de la cathédrale visites guidées

À la découverte du cloître Notre-Dame, la cathédrale dans la ville. Samedi 17 septembre à 14h30, 15h30, 16h30 et 17h. Dimanche 18 septembre à 10h30, 11h30,14h30, 15h30, 16h30 et 17h.

Découverte de l’histoire et du patrimoine de l’ancien cloître Notre-Dame dans le cadre d’une déambulation aux abords de la cathédrale.

Durée de la visite : environ 45 minutes. Places limitées à 30 personnes par visite /

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