Mais pourquoi un tel succès pour cette spécialité ? Qu’a-t-elle de plus ou de moins qu’un fromage blanc ou qu’un yaourt nature traditionnel ? Et pourquoi son prix est-il si élevé par rapport à d’autres préparations ?
Yaourt ou fromage blanc : qu’est-ce que le skyr ?
Produit laitier originaire d’Islande, le skyr n’est ni vraiment un yaourt, ni un fromage blanc. Sa composition (du lait écrémé et des ferments lactiques) se rapproche de celle du premier, mais sa texture, épaisse, rappelle davantage la seconde.
Le secret du skyr réside dans son temps d’égouttage plus long, qui lui permet de retirer toute la partie liquide de la préparation, le lactosérum, qui est composé à 94 % d’eau. Pour obtenir la même quantité de produit, le skyr nécessite donc beaucoup plus de lait qu’un yaourt ou un fromage blanc, mais au final, on obtient un produit plus dense et plus riche en protéines. De plus, le lait utilisé, écrémé, permet de fabriquer un produit sans matières grasses, contrairement au lait demi-écrémé ou entier utilisé dans nos produits laitiers habituels.
En Islande, le skyr est consommé depuis des siècles, car le lactosérum récupéré lors de l’égouttage servait traditionnellement de boisson ou d’agent de conservation pour la viande. Aujourd’hui, il fait toujours partie intégrante de la cuisine locale et de la tradition culinaire. Son goût légèrement acidulé et sucré, avec une pointe d’amertume en fin de bouche, permet de le consommer de la même manière que nos yaourts et fromages blancs : nature, salé ou sucré, en y ajoutant des fruits, du miel, des céréales… On le consomme souvent tel quel en dessert ou en snack, mais il peut aussi être utilisé dans des smoothies, des sauces, des trempettes, des gâteaux…
Pourquoi un tel succès ?
Le skyr est apprécié pour son taux élevé de protéines (environ 10 grammes de protéines pour 100 grammes de produit) et sa faible teneur en matières grasses (0 %) et en sucres (seulement 3 grammes de sucre pour 100 grammes), ce qui en fait un choix recommandé par les nutritionnistes.
Le skyr est “beaucoup plus protéiné que le fromage blanc qui contient environ 7,5 % de protéines, que le yaourt qui tourne autour de 4-5 %, mais assez similaire au petit-suisse qui est à environ 9-9,5 % de protéines”, indique Sophie Janvier, diététicienne, qui voit cette spécificité comme l’une des raisons de son succès : le skyr plaît notamment aux sportifs qui cherchent à développer leur masse musculaire.
Les marques l’ont bien compris : la forte teneur en protéines est aujourd’hui un argument marketing largement mis en avant. “Les protéines, dans l’imaginaire des gens, c’est très attrayant : beaucoup considèrent que ‘les glucides c’est du sucre, ça fait grossir, les lipides, c’est de la graisse, ça fait grossir’. C’est faux, c’est simpliste, mais beaucoup de gens le voient ainsi et se disent ‘si je favorise les protéines, je prends soin de ma santé'”, explique Marie-Eve Laporte, professeure en sciences de gestion et en management à l’université Paris-Saclay, spécialiste des comportements et du marketing alimentaire et de la santé.
“Le skyr arrive également à une époque où l’on parle beaucoup de réduire sa consommation de viande”, souligne la spécialiste. “Or, à part la viande, où trouver des protéines ? Il y a les protéines végétales, mais c’est tout de suite plus compliqué à cuisiner, alors que là c’est prêt à l’emploi, c’est facile. Cela répond exactement à la demande actuelle, et c’est la base du marketing”.
Mais à part des protéines presque équivalentes, pourquoi ne pas choisir le petit-suisse (classique ou à 0 %) ? Car bien que diététique et savoureux, le skyr est surtout… coûteux : selon l’association UFC Que Choisir, le produit islandais se vend aujourd’hui jusqu’à 9 euros le kilo pour les marques Monoprix Gourmet et Siggi’s, soit entre 3 et 6 fois plus cher qu’un fromage blanc allégé.
Pour Marie-Eve Laporte, la réponse se trouve dans un concept : le storytelling, ou l’art de raconter une histoire. “Dans l’imaginaire des gens, le skyr évoque l’aspect exotique, il vient d’Islande, il y a toute une image autour de cela, les aurores boréales, les boissons chaudes, les Vikings… Ce type d’histoire accrocheuse aurait pu être trouvé sur d’autres produits, comme les petits-suisses, mais cela n’a pas été fait, donc les gens se tournent vers le skyr”.
L’histoire du produit, mais aussi l’histoire de celui qui l’achète. “Lorsque les gens disent ‘j’ai pris du skyr’, ou quand ils en ramènent au bureau pendant leur pause déjeuner, cela suscite l’intérêt, les gens leur demandent ce que c’est. Dans la consommation, il y a aussi cet aspect ‘ce que cela dit de soi’. Avec le skyr, ils ont une histoire beaucoup plus intéressante à raconter qu’avec des petits-suisses, vieux produits qui renvoient à l’enfance, et qui sont moins vendeurs devant les collègues”.
Son prix est-il justifié ?
Tendance et bon pour la santé, pourquoi pas. Mais une question subsiste : si, une fois débarrassé de son marketing, le skyr est similaire en composition à un petit-suisse ou un yaourt, pourquoi coûte-t-il si cher ?
Le skyr est composé uniquement de deux ingrédients : du lait écrémé et des ferments lactiques, contrairement au fromage blanc qui contient en plus de la présure.
Interrogées par l’association UFC-Que Choisir sur leurs prix élevés, plusieurs marques le justifient par deux arguments : d’une part, le temps d’égouttage du produit, plus long que celui du fromage blanc et du yaourt, car il est débarrassé de presque toute son eau, et d’autre part, par la quantité de lait nécessaire à sa production, supérieure à celle des autres produits laitiers, afin d’obtenir une teneur en protéines plus élevée.
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2024-02-29 11:22:02