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Le tournant de la lutte contre le blanchiment d’argent dans le football européen

by Nouvelles

par Pietro ODORISIO

Le football européen, avec sa double nature de sport et d’industrie, se trouve à un carrefour historique. L’entrée en vigueur du règlement (UE) 2024/1624, publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 juin 2024, marque le début d’une profonde transformation.

Souvent appelé Livret unique de règles LAB/CFTce règlement introduit des règles uniformes qui obligent également le monde du football à respecter des exigences rigoureuses de transparence et de contrôle financier.

Ce changement de réglementation, qui s’inscrit dans le cadre plus large Paquet européen de lutte contre le blanchiment d’argentcomprend également le VIe Directive LBC (UE 2024/1640) et la création duAutorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA). Ces outils luttent non seulement contre le blanchiment d’argent, mais visent également à transformer profondément l’un des sports les plus suivis au monde, ce qui en fait un exemple d’intégrité et de transparence. Les nouvelles réglementations promettent de changer radicalement leur façon de fonctionner clubs de football, agents et toutes entités qui gravitent autour de ce secteur. Voyons comment.

Un nouveau contexte pour le monde du football

Il y a quatre points principaux pour comprendre cette transformation. Tout d’abord, nous devons parler de transparence des flux financiers. Le traçabilité des flux La finance deviendra un élément central du football européen. Les clubs et les agents devront veiller à ce que chaque transaction, des parrainages aux transferts de joueurs, soit suivie et vérifiée. Cela implique le suivi des transferts: chaque opération doit indiquer clairement le bénéficiaire effectiféliminer le risque de blanchiment de fonds illicites via des transferts gonflés ou des intermédiaires opaques. Les clubs devront également vérifier l’origine des fonds des sponsors et des investisseursen veillant à ce qu’ils ne proviennent pas de juridictions à haut risque ou de personnes faisant l’objet de sanctions. Ce une plus grande transparence augmentera le confiance dans le système football, attirant potentiellement de nouveaux investisseurs institutionnels qui, jusqu’à présent, sont restés à l’écart du secteur pendant peur des scandales.

Un deuxième mot clé du responsabilité. Les nouvelles règles placent les clubs de football parmi les «sujets obligés», comme les banques et les institutions financières. Cela signifie que les clubs auront le devoir de :

  • effectuer la vérification du client (Diligence raisonnable envers le client) e,
  • rapport activités suspectesainsi, toute opération anormale doit être signalée aux cellules de renseignement financier (CRF).

Par moi grands clubsl’introduction de ces réglementations peut dans un premier temps poser un défi pour s’adapter aux nouvelles exigences de transparence et de contrôle. Cependant, à long terme, se conformer pleinement L’adhésion aux règles pourrait leur donner un avantage concurrentiel, les positionnant comme des modèles d’intégrité financière et attirant les investisseurs et les sponsors favorables aux environnements réglementés.

Aussi le rôle de les agents subiront des changements. En effet, les agents de football, souvent perçus comme des figures opaques, seront soumis à un contrôle beaucoup plus rigoureux. Ils seront tenus de documenter l’origine des fonds reçus, d’assurer la traçabilité des paiements et de respecter les exigences de transparence dans les contrats. Ceci vise à réduire les abus comme une rémunération non divulguée ou transferts gonflésaccroître le professionnalisme et la fiabilité du secteur. Les agents qui ne respecteraient pas ces règles pourraient être exclus, tandis que ceux qui seraient plus transparents deviendraient des partenaires stratégiques pour les clubs et les joueurs.

Il quatrième et dernier point c’est celui de règlesvalable pour tous (ou presque tous) les clubs. Pour moi grands clubsl’adaptation aux nouvelles réglementations sera plus facile grâce à leurs ressources économiques et structurelles. Pour et club mineurToutefois, les nouvelles règles représentent un défi important, notamment en raison des coûts et des efforts administratifs requis. Les exemptions prévues pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 millions d’euros, elles offriront un certain allègement, permettant à ces entités de fonctionner sans charge excessive. Il sera toutefois crucial de veiller à ce que ces exemptions ne soient pas utilisées à mauvais escient, préservant ainsi l’objectif de transparence du système.

Un tournant, encore des questions

L’introduction de Livret unique de règles LAB/CFT et la nouvelle réglementation anti-blanchiment d’argent représente un tournant historique, mais n’est pas sans complexité et sans problèmes critiques. Si d’une part ces règles marquent une nécessité un pas vers plus de transparencede l’autre, ils soulèvent leinterrogatif sur leur impact réel sur le système du football.

Tout d’abord, il reste à comprendre dans quelle mesure les clubs, notamment les plus petits, sont capables de soutenir poids économique et administratif des nouvelles exigences. La nécessité de mettre en place des systèmes de contrôle avancés et de former le personnel pourrait accentuer les inégalités entre les grands clubs, dotés de ressources quasi illimitées, et les plus petits, déjà aux prises avec des budgets fragiles. Les exemptions prévues pour les clubs à faible risque représentent une solution partielle, mais ne s’attaquent pas au problème fondamental : le football européen est un système très polarisé, où les réglementations risquent de creuser l’écart entre quelques puissants et la majorité des clubs qui luttent pour leur survie.

Une autre question cruciale concerne la capacité effective des institutions à appliquer ces règles. La création deAutorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA) il s’agit d’une étape importante, mais sans une surveillance uniforme et des outils d’application efficaces, les nouvelles règles pourraient rester lettre morte. L’Union européenne devra veiller à ce que l’application de la réglementation soit juste et rigoureuse, afin d’éviter que les disparités réglementaires entre les États membres ne créent des zones grises où la criminalité financière peut continuer à prospérer.

Enfin, il existe un risque que ces règles, bien que bien intentionnées, ne s’attaquent pas à l’une des causes profondes du problème : l« L’opacité systémique du système du football »ou. La propriété complexe, les liens avec les juridictions offshore et l’influence d’agents non réglementés sont des dynamiques qui se sont consolidées au fil du temps et qui nécessitent des réformes plus radicales pour être éliminées.

En conclusion, le Livret unique de règles LAB/CFT C’est un pas dans la bonne direction, mais cela ne représente que lele début d’un long voyage de transformation. Le football européen sera confronté à des choix difficiles pour équilibrer transparence, compétitivité et durabilité économique. Sans un engagement collectif, ces régulations risquent de devenir un exercice cosmétique, incapable de remédier aux profondes vulnérabilités d’un système qui est le miroir de la société elle-même. Le véritable défi sera de démontrer que le football peut évoluer, devenir non seulement un sport plus juste, mais aussi un symbole d’intégrité dans un monde de plus en plus complexe.

Intervention de Pietro ODORISIO, Expert Anti-Blanchiment, Consultant

Pour plus d’informations, consultez les liens et/ou références suivants :

Règlement (UE) 2024/1624: Publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 juin 2024. Souvent appelé Livre unique de règles LAB/CFT, le règlement introduit des règles harmonisées pour empêcher l’utilisation du système financier à des fins de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

Directive (UE) 2024/1640: Faisant partie du paquet européen de lutte contre le blanchiment d’argent, cette directive met à jour la législation existante et établit des mécanismes obligatoires pour prévenir les abus financiers. Lien :Règlement (UE) 2024/1620 : Crée l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA), qui coordonnera et supervisera l’application des réglementations au niveau européen.

Règlement (UE) 2024/1620: Crée l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA), qui coordonnera et supervisera l’application des réglementations au niveau européen.

Europol : Rapport : L’implication des groupes du crime organisé dans la corruption sportiven. Confirme la vulnérabilité du football à l’infiltration criminelle et fournit des détails sur les pratiques de corruption dans le secteur sportif.

Deloitte : Rapport : Bilan annuel du financement du football, 2023. Analyse des flux économiques mondiaux et du rôle économique du football européen.

Enquêtes majeures : AC Milan (2018) : Enquête sur la vente du club à des investisseurs chinois pour blanchiment d’argent présumé | Le prix de Milan gonflé pour blanchir de l’argent ? Une enquête du parquet, (2018) AGI; Manchester City : Allégations de violations financières entre 2009 et 2018, avec des implications potentielles sur la conformité anti-blanchiment d’argent | Man City : audience terminée, verdict en 2025. Voici ce qui est en jeu, (2024) Football Magazine; Chelsea FC : Les enquêtes ont révélé l’utilisation de sociétés offshore pendant la gestion d’Abramovich pour financer des agents et des opérations | Nouvelles accusations contre Chelsea de l’ère Abramovich : « De l’argent offshore aux agents de Conte et Hazard », (2023) Football et Finance.

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