L’un, si ce n’est le plus précieux violon au monde “Il Cannone”, a été examiné aux rayons X par le synchrotron de Grenoble ce lundi 11 mars. Fabriqué en 1743 par le célèbre luthier Guarneri Del Gesù (rival et contemporain du fameux Stradivarius), c’était surtout l’instrument fétiche du violoniste italien Niccolo Paganini au début du 19e siècle, qui l’a légué à la ville de Gènes, toujours propriétaire aujourd’hui.
Un trésor musical passé au peigne (très) fin
C’est après de longues tractations avec les autorités transalpines que l’instrument mythique a été apporté au Synchrotron de Grenoble pour y être passé aux rayons X. Un événement pour les chercheurs, à commencer par le physicien Luigi Paolasini, également luthier amateur : “C’est un moment magnifique de notre carrière scientifique, mais aussi comme musicien. On a eu pas mal de travail à faire pour que le violon de Paganini ne soit pas abîmé“. Il a fallu notamment adapter le niveau d’humidité à la salle pour coller au mieux aux conditions optimales pour conserver l’instrument.
Luigi Paolasini a d’ailleurs fourni un de ses propres violons comme cobaye, avant qu’Il Cannone ne passe à son tour aux rayons X du synchrotron. “C’est une technique qui est équivalente au scanner médical, sauf qu’elle est 1000 fois plus précise. On a fait le scan complet à 33 microns, c’est à dire que c’est plus petit que la taille d’un cheveu humain“, explique le chercheur Paul Tafforeau qui conduit cette expérience. “Et à partir des radios, on va reconstituer des coupes virtuelles. Il faut imaginer comme si vous prenez un saucisson, vous coupez en tranches. Vous voyez toute la structure interne du saucisson, sauf que vous l’avez coupé réellement. Nous, on fait ça sans le couper“.
Percer les secrets d’Il Cannone
Une telle précision, ce n’était possible qu’au Synchrotron de Grenobleexplique le directeur Francesco Sette : “Il faut des rayons X des hautes énergies. En Europe et dans le monde, on est les seuls qui peuvent les produire avec cette qualité, ce contrôle“. Une avance permise par la modernisation du Synchrotron achevée en 2020.
L’intérieur du violon, modélisé grâce aux rayons X du Synchrotron de Grenoble, avec une précision supérieure à l’épaisseur d’un cheveu. © Radio France –
Bastien Roques
Le but de tout cela ? D’une part percer les secrets de ce violon unique en son genre. “Ce violon a un son très puissant d’où le surnom “Cannone” qui a été adressé par Paganini lui même”, explique Luigi Paolasini. “Guarneri Del Gesù a construit ça dans les dernières années de sa vie et il a voulu faire d’une façon très particulière, avec un fond très épais, avec des épaisseurs proches à celles du violoncelle. Et à cause de ces caractéristiques, ce violon a un son très puissant qui surpasse l’orchestre et c’est la motivation principale pour lequel Paganini a choisi ce violon pour toute sa vie, même s’il avait à disposition d’autres violons comme des Stradivarius, etc… Pour sa puissance sonore“.
Garder longtemps l’instrument en état de servir
D’autre part, étudier comment il a été conservé jusque là et comprendre comment l’entretenir au mieux pour l’entendre le plus longtemps possible. “En faire une pièce de musée dans une vitrine, c’est une chose. Faire que le violon puisse encore être joué et conserve des bonnes qualités acoustiques, c’est beaucoup plus contraignant“, explique Paul Tafforeau. “Parce qu’un violon, ça prend des contraintes mécaniques, chimiques, de température qui sont très complexes. La pression des cordes sur le chevalet par exemple, c’est à peu près 40 kilos. Donc si jamais le bois est abîmé ou fissuré, un violon peut casser à cause de la pression des cordes. Il y a les coups d’archet qui peuvent également faire beaucoup de dégâts. Si jamais le violon est fragilisé par la sueur des mains du violoniste, le fait qu’il respire, qu’il envoie des postillons dessus, tout ça peut avoir des effets sur la conservation d’un violon”.
L’analyse d’Il Cannone doit permettre de comprendre ses secrets de fabrication, et comment le conserver en état de jouer le plus longtemps possible. © Radio France –
Bastien Roques
Il Cannone reste la plupart du temps exposé, mais sert encore à certaines occasions régulières. “On ne peut pas vraiment se permettre que le violon, qui est considéré comme l’un des meilleurs violons au monde, dans un concert ne soit pas capable de donner vraiment des prouesses acoustiques“, conclut Paul Tafforeau. Premier diagnostic : l’instrument est aujourd’hui dans un excellent état. Pour le reste, les scientifiques en ont pour des mois voire des années pour étudier toutes les données fournies par le Synchrotron.
2024-03-11 23:49:10
1710220412
#violon #mythique #Cannone #passé #aux #rayons #Synchrotron #Grenoble