L’École nationale d’Administration (EnA) a joué un rôle essentiel dans la formation des hauts fonctionnaires de l’État. Cependant, ces dernières années, on observe que ces diplômés ne se contentent plus d’occuper des postes dans la fonction publique, mais se lancent également dans la politique. Des personnalités telles que le Premier ministre Amadou Ba, l’opposant historique Ousmane Sonko, le directeur de la CDC Mame Boye Diao, le président du CESE Abdoulaye Daouda Diallo et d’autres hommes politiques comme le président du groupe parlementaire de YAW, Birame Soulèye Diop ou Bassirou Diomaye Faye, sont issus de l’ENA et semblent viser la plus haute fonction politique du pays.
La dernière compétition entre inspecteurs des impôts au sein du parti BBY, remportée par Amadou Ba, a fait ressortir le rôle prépondérant des anciens collègues de la direction des impôts formés à l’ENA. L’école nationale d’administration du Sénégal, héritière de la tradition d’excellence de l’école fédérale d’administration du Mali, est le fruit d’une longue histoire liée à la colonisation du Sénégal, de la France et de l’AOF. Elle a été nommée École nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) de 1975 à 1995.
L’ENA forme différents corps de hauts fonctionnaires tels que les administrateurs civils, les inspecteurs du Trésor, les inspecteurs des impôts et domaines, les conseillers des affaires étrangères, les inspecteurs des douanes et les inspecteurs du travail et de la sécurité sociale. Toutefois, ces dernières années, une nouvelle génération de diplômés de l’ENA semble s’intéresser davantage à la politique et rivalise avec les autres acteurs de la vie publique. Le régime de Macky Sall a accentué cette tendance, notamment avec l’arrivée de plusieurs inspecteurs des impôts au sein du parti présidentiel. Certains d’entre eux se sont imposés politiquement, à l’image de Mouhamadou Makhtar Cissé, ancien ministre des Finances et directeur des douanes, qui a également soutenu le président Macky Sall lors des élections présidentielles.
Parmi les énarques politiciens influents, on trouve Abdoulaye Daouda Diallo, actuel président du Conseil Économique Social et Environnemental. Le choix d’Amadou Ba comme candidat de BBY est difficile à accepter pour ce dernier car il a soutenu politiquement le président Sall lors de sa période difficile après sa rupture avec Abdoulaye Wade. Le directeur de la CDC, Mame Boye Diao, également membre de la mouvance présidentielle, fera une déclaration à la presse. Il est apprécié pour sa liberté de parole et ses amitiés, y compris avec le leader de Pastef, Ousmane Sonko.
Amadou Ba et Ousmane Sonko sont les symboles de cette politisation de l’administration. Ousmane Sonko a créé son parti politique avec des membres de la direction des impôts et domaines. Les hauts fonctionnaires de ce secteur sont divisés entre ceux qui soutiennent Sonko et ceux qui sont proches du pouvoir en place. La nomination d’Amadou Ba comme candidat de BBY a accentué ces divergences.
La politisation de l’administration soulève des questions sur le fonctionnement du pays. Est-ce que ces hauts fonctionnaires sont détournés de leur mission première qui est de servir l’État dans sa plénitude ? Les critiques se concentrent également sur le train de vie élevé de ces fonctionnaires, millionnaires voire milliardaires, ce qui risque d’alimenter les débats lors de la prochaine élection présidentielle.
En conclusion, l’ENA a formé des générations de hauts fonctionnaires qui ont occupé des postes de premier plan dans le pays. Cependant, ces dernières années, on note une tendance à la politisation de cette élite administrative. La compétition politique entre ces énarques devient de plus en plus présente et pourrait influencer l’élection présidentielle de 2024. Cela soulève des interrogations sur le rôle et la mission des hauts fonctionnaires dans le fonctionnement de l’État.
