L’écrivaine Caroline Dawson s’éteint après une longue bataille contre le cancer

L’écrivaine Caroline Dawson s’éteint après une longue bataille contre le cancer

Son sourire rayonnant réchauffait chaque endroit où elle se trouvait, et sa parole vive et inspirée, portée par la relation amoureuse qu’elle entretenait avec la littérature, son respect pour le vivant et sa lutte acharnée pour un monde plus juste, résonnera encore longtemps aux oreilles de ceux qui ont eu la chance de croiser sa route. L’écrivaine et sociologue Caroline Dawson a déposé les armes dimanche, à l’âge de 44 ans, après une longue et difficile bataille contre le cancer.

L’autrice avait annoncé en août 2021 être atteinte d’une tumeur agressive — un ostéosarcome de 25 cm — qu’aucun traitement n’est parvenu à éradiquer.

« Hier soir, j’ai perdu ma plus grande complice, ma confidente, ma meilleure amie, ma grande soeur qui m’a tout appris, celle qui m’a inspiré des mots, des airs, des gestes, quelque chose comme un style et une ténacité pleine de tendresse », a écrit lundi son frère, l’auteur Nicholas Dawson, sur Facebook. Il a ajouté avoir pu la remercier pour tout avant son départ, qui s’est fait « auprès de son amoureux ».

« Caroline avait cette magie-là d’être capable d’entrer en relation vraiment très spontanément avec les gens », relate Nancy B. Pilon, qui affirme avoir eu  un véritable « coup de foudre » d’amitié pour Mmoi Dawson. « Elle voyait la lumière en chacun de ceux qu’elle rencontrait. Elle nous donnait envie automatiquement d’être une meilleure personne. »

Née au Chili en 1979, puis ayant immigré au Québec avec sa famille à l’âge de sept ans, Caroline Dawson a conquis la province dès la parution de son premier roman, Là où je me terre (les Éditions du remue-ménage), en 2020. Ce récit, qui puise largement dans son propre parcours de jeune réfugiée, raconte l’histoire d’une fillette de sept ans qui fuit la dictature de Pinochet pour le Canada. Une histoire d’apprentissages, de chocs culturels, de honte, de rejet, de renoncement de soi, de silences et de vides qui se décline comme une mosaïque de tout ce que supposent l’exil et l’intégration, et des choix que doivent faire ceux qui les vivent.

Lauréat du Prix littéraire des collégiens, finaliste, entre autres, au Prix des libraires du Québec et au Combat national des livres de Radio-Canada, ce premier roman, qui a permis à des milliers d’immigrants de se reconnaître et de se savoir enfin lus et compris, a trôné au sommet des palmarès de vente des libraires pendant près de trois ans, s’écoulant à des dizaines de milliers d’exemplaires — un exploit au Québec. Il a également fait l’objet d’une adaptation sur scène en 2023, au théâtre La Bordée.

« Il était temps qu’une plume comme la sienne arrive au Québec », soutient Natalie-Ann Roy, qui était l’une de ses collaboratrices et amies. À son avis, les textes de l’écrivaine ont contribué à ouvrir les horizons des Québécois. « Ils nous ont donné accès à beaucoup plus grand, à une histoire partagée, justement, avec les communautés immigrantes de première ou deuxième génération. »

« C’était une tisseuse de mots, d’amour et de collectivités », ajoute-t-elle en entrevue avec Le Devoiren soulignant le côté rassembleur de l’autrice.

Impliquée jusqu’au bout

Dès l’annonce de son diagnostic, en 2021, Caroline Dawson a demandé à ses amis, aux médias et aux gens du milieu littéraire de continuer à lui envoyer des invitations, tenant à se maintenir activement engagée dans toutes les sphères de sa vie. Celle qui a notamment travaillé comme professeure de sociologie au cégep Édouard-Montpetit et comme coorganisatrice du Festival de littérature jeunesse de Montréal a continué d’écrire, de prendre la parole publiquement, de siéger dans des jurys littéraires et de mettre en valeur le travail de ses pairs.

Elle a entre autres tenu un journal de bord en 2022, dans lequel elle a raconté son expérience du cancer, à l’émission matinale Pénélopesur les ondes de Radio-Canada, ainsi qu’une chronique littéraire au micro d’Il restera toujours la cultureà la même antenne.

En dépit de son succès, la romancière disait souvent que l’écriture était pour elle un exercice difficile, qu’elle comparait notamment à « un cours d’éducation physique au secondaire ». Or, peu de choses pouvaient arrêter cette lumineuse battante. En février 2023, elle a fait paraître Ce qui est tu (Triptyque), un premier recueil de poésie qui fait le récit de tout ce que l’écrivaine « a eu l’instinct de taire : l’exil, le racisme, la honte », afin de l’offrir en héritage à son fils. Il est suivi, en février 2024, de l’album jeunesse Partir de loin (La Bagnole), qui met en scène une fillette nouvellement arrivée au pays qui doit tout réapprendre, de l’hiver à la langue.

Écrivaine et sociologue engagée, Caroline Dawson n’a jamais hésité à prendre la parole pour défendre les plus démunis, les sans-voix et tous ceux qui évoluent dans la marge. En 2023, en entrevue à la revue Les libraireselle affirmait : « L’indignation fait partie des moteurs de mon existence. […] J’ai l’impression que parfois les gens pensent que l’indignation prend racine dans la dureté, dans la colère brute alors qu’elle vient d’une place pleine d’amour, de bienveillance et de liberté que l’on veut étendre aux autres, à ceux et à celles qui en sont privés. L’indignation me sert donc à me connecter avec ceux et celles qui n’ont pas le même destin que moi, ceux et celles qui n’ont pas les mêmes coordonnées sociales que moi, ceux et celles qui sont parfois oubliés. Et à m’investir, à intervenir pour un monde plus juste, de même qu’à résister aux forces conservatrices qui voudraient le garder tel qu’il est. »

« Amoureuse de l’humain », Mmoi Dawson avait également cette faculté d’écouter les autres sans les juger, se remémore Nancy B. Pilon. « Elle était capable de te remettre à ta place sans que ça paraisse, avec une espèce de douceur. »

Elle était aussi une « mère incroyable » pour qui ses deux enfants étaient « toute sa vie », ajoute-t-elle, avec émotion. « La chose qui lui faisait le plus de peine ces derniers temps, c’est qu’elle ne les verrait pas grandir. »

Élever les autres

Pour honorer son talent, son legs et son audace, la direction générale Équité, Diversité et Mobilisation de Radio-Canada a annoncé la création, le 14 mai dernier, d’un prix littéraire en l’honneur de l’autrice. Ce prix récompensera un roman ou un essai publié en français par une écrivaine ou un écrivain émergent, issu de la diversité. « Ce prix qui porte mon nom, c’est de la musique à mes oreilles. Je suis très fière et remplie de gratitude. C’est une super belle idée d’avoir ce legs à donner », avait commenté la principale intéressée lors de l’annonce.

À la demande de l’écrivaine, sa famille a invité ceux qui voulaient envoyer des fleurs à plutôt faire un don à la Fondation du Cégep Édouard-Montpetit pour la création d’une bourse Caroline Dawson. Cette récompense visera à « aider financièrement des jeunes femmes migrantes de première génération, une initiative de son amie et collègue Valérie Blanc », peut-on lire dans une publication sur les réseaux sociaux.

« Le fait qu’elle s’occupe d’élever les autrices et auteurs de la relève et les femmes migrantes à travers son legs, pour moi, ça représente tout à fait Caroline », affirme Geneviève Morand, admiratrice et collaboratrice de Mmoi Dawson.

Dans ses textes, elle abordait son parcours migratoire avec lucidité, tout en se permettant d’être vulnérable, soulève Mmoi Morand. « Je crois que c’est aussi pour cela que tellement de gens ont été interpellés en la lisant », souligne la femme de 40 ans, émue.

Grande passeuse, c’est en effet tout un héritage que laisse Caroline Dawson : celui d’avoir, un livre, une phrase et un partage à la fois, donné envie à des milliers de personnes de découvrir la littérature québécoise et ses auteurs, rappelant qu’au-delà du temps, de la maladie et de la mort, le vivant triomphe toujours par la pérennité de ses mots.

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