2024-08-01 08:02:54
La maladie puis le retour à la cour de Charles III et de la princesse de Galles ont une nouvelle fois attiré l’attention des médias sur la couronne anglaise et les difficultés des premières années post-élisabéthaines. Au cours des dernières décennies, en effet, la forte personnalité de la reine avait fini par favoriser la superposition de l’image du souverain sur celle de la monarchie. La majorité des sujets – et des commentateurs – ont ainsi fini par oublier que la réalité de la Couronne a été constituée pendant des siècles par des souverains qui n’étaient certes pas dénués de capacités et de qualités personnelles, mais aussi de problèmes et de faiblesses. Parmi les facteurs qui ont permis, et permettent encore, à la monarchie de surmonter des moments difficiles, il y a, même si cela peut paraître loin de l’opinion commune, un tribunal moderne et efficace.
Maison royale
Par l’expression cour, je n’entends certainement pas une de celles de l’ancien régime, peuplées de chambellans, d’écuyers, de dames et de messieurs, et qui disparurent presque partout en Europe avec la Première Guerre mondiale. De cette structure dans la monarchie britannique, il reste encore quelques reliques, pour ainsi dire : des positions héréditaires de grand prestige, mais dont le rôle se limite désormais à quelques fonctions. Au contraire, aujourd’hui, dans la Maison Royale, l’un des bureaux les plus importants est certainement le Cabinet du Secrétaire Particulier. Qui a vu La Couronne rappelle certainement le rôle joué dans la série, par exemple, par Tommy Lascelles, secrétaire de George V et d’Elizabeth II entre 1943 et 1953.
Pour comprendre ce qu’est la cour d’un royaume à l’aube du 21ème siècle, il est donc très utile de lire Courtisans. Le pouvoir secret de la monarchie anglaise, écrit par Valentine Low, journaliste du Times, chargée de suivre les événements de la Couronne. Le livre, publié en Italie il y a un an, a été lu par beaucoup pour ce qu’il raconte, dans ses derniers chapitres, sur les événements des ducs de Sussex. Cependant, si l’on échappe à l’attention uniquement centrée sur l’actualité, Courtisans offre une précieuse reconstitution de mécanismes normalement ignorés du grand public. Secrétaires particuliers, secrétaires adjoints, attachés de presse, spin doctor : ils sont les véritables protagonistes de la cour contemporaine. Et ils se déplacent avec une dynamique pas très différente de celles qui animaient les messieurs et les écuyers il y a des siècles. Le tout dans un contexte supervisé par l’un des rares anciens courtisans encore en service : le Seigneur Chambellan de la Maison. Un poste qui, conformément aux temps modernes, est souvent confié à des personnes qualifiées et expérimentées dans le domaine bancaire et financier. Lorsqu’il traite des secrétaires privés, Low adopte une définition donnée par l’économiste Harold Laski, selon laquelle leur condition est celle d’une « servitude décente ».
Baldassar Castiglione
Une expression que de nombreux courtisans de l’ancien régime n’auraient pas hésité à adopter. En écrivant donc que «Le courtisan idéal n’aspire pas à manipuler le souverain… le courtisan guide, ouvre les portes : c’est au souverain de décider laquelle prendre», Low rejoint après tout une longue traité qui remonte au Courtisan de Baldassar Castiglione (explicitement cité dans l’introduction). Tout comme le problème de la relation entre courtisan et seigneur est ancien : le service peut-il devenir amitié ? Selon Low, « un bon courtisan n’est pas seulement un bon fonctionnaire, mais c’est toujours quelque chose de plus ». Une frontière floue cependant entre service et amitié. Dans certains cas, capables de résister au temps, dans d’autres, destinés à s’effondrer face aux pressions extérieures (comme le montre clairement le sort des principaux collaborateurs de Charles III lorsqu’il était prince de Galles).
Bref, le livre de Low, au-delà de son rapport étroit avec l’actualité, constitue un texte fondamental pour comprendre ce qu’est une monarchie contemporaine et, en particulier, comment la Couronne anglaise a su se renouveler continuellement, surmontant de nombreuses difficultés et restant toujours elle-même.
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