Cet été, de nombreux Russes ont choisi de rester dans leur pays pour leurs vacances, contrairement à leurs habitudes, tandis que d’autres ont trouvé leurs voyages compliqués. La Russie est actuellement le pays le plus sanctionné au monde, ce qui lui vaut une isolation internationale plus prononcée que celle de l’URSS à l’époque. Ce contexte a conduit les Russes à passer leurs vacances d’été alors que leur pays est en guerre depuis deux ans, avec une visibilité limitée depuis leur balcon à Moscou ou à Saint-Pétersbourg.
En surface, tout semble normal à Moscou : les terrasses ensoleillées et les plages aménagées au bord de la Moskova sont appréciées comme d’habitude cet été. Néanmoins, certains Russes, comme Denis, ont décidé de ne pas partir à l’étranger cette année. Il explique : “Dès mars-avril, j’ai réalisé qu’il était préférable pour moi de ne pas partir. Je sais que beaucoup de gens ont été mobilisés et je ne suis pas d’humeur à m’amuser d’une façon ou d’une autre. La société est dans un état de survie…”
Selon Ivetta Berdyan de l’agence de voyage moscovite BSI, les Russes ont majoritairement opté pour des vacances “au pays” cet été. Elle explique : “La destination la plus populaire pour les Russes cet été a été bien sûr le tourisme intérieur : les stations balnéaires russes, ensuite, on trouve la Turquie, l’Égypte.” Les destinations accessibles par des vols directs ont été privilégiées.
Les difficultés à obtenir des visas, l’absence de vols directs vers de nombreux pays ayant suspendu leurs liaisons avec la Russie, la chute du rouble et l’impossibilité d’utiliser les cartes de crédit russes à l’étranger ont dissuadé de nombreux Russes de voyager. Malgré cela, Sofia, une designer de 25 ans, a tout de même décidé de partir en Italie. Elle reconnaît que son voyage a été compliqué et coûteux : “Quand j’ai pris l’avion pour Rome, j’ai eu deux transferts et le voyage a duré environ 25 heures. Je n’ai jamais dépensé autant d’argent pour des vacances.”
Sofia affirme avoir été bien accueillie partout où elle est allée en Europe, même en tant que Russe. Cependant, elle est consciente que ces voyages seront de plus en plus rares à l’avenir. Katia, une cadre moscovite, partage le même sentiment : “Bien sûr, j’aimerais voyager librement. Il me semble que si vous ne partez pas de chez vous, vous avez le sentiment que rien d’autre n’existe à part votre pays.”
Pour la classe moyenne russe, les voyages en Europe étaient devenus le symbole de la fin de la crise qui avait suivi l’effondrement de l’URSS. Ils étaient perçus comme un signe que leur pays, longtemps isolé, s’ouvrait au monde. À Moscou, en surface, tout semble normal, mais rien n’est comme avant.