2024-06-16 18:21:41
Le 16 juin 1944, il y a exactement quatre-vingts ans, eut lieu à Gênes la plus grande expulsion de travailleurs de l’histoire européenne. 1 500 d’entre eux furent raflés dans leurs usines et transformés en esclaves grâce à un blitz militaire organisé par les SS et les chemises noires de Mussolini. Ces garçons innocents ont été alignés, battus, emprisonnés dans le camp de concentration de Mauthausen et répartis dans des dizaines d’usines nazies. L’histoire dramatique de ces métallurgistes est racontée dans “Attaque de l’usine” (People, 210 pages, 16 euros) de Giovanni Mari, journaliste du XIXe siècle.
Ils ont été chargés de force dans des trains scellés : peu ont réussi à s’échapper, beaucoup sont morts. Presque tous ont subi l’humiliation de travailler pour l’industrie de guerre qu’ils avaient eux-mêmes décidé de combattre dans le rêve de se libérer de la dictature qui opprimait leur peuple et en premier lieu les travailleurs depuis vingt ans. Ils pleuraient d’avoir été trahis par les Italiens eux-mêmes, les dirigeants politiques et militaires locaux qui avaient livré leur ville et leurs vies entre les mains des hitlériens.. En outre, les nazis-fascistes n’ont pas choisi ces usines par hasard, mais selon un plan précis : ils voulaient se procurer une main-d’œuvre de haut niveau, mais aussi écraser l’entêtement des ouvriers, qui, ce printemps-là, avait porté des coups durs à la production et à la république. propagande avec un barrage de troubles, de grèves et de boycotts.
Mari a rassemblé leurs journaux, les appelle par leurs noms, révèle leurs frustrations et leurs souffrances, les astuces pour survivre et les abus subis.. Il existe des centaines d’histoires, toutes différentes les unes des autres, mais unies par la souffrance, l’impuissance et la fatigue. Petites histoires : des tickets qu’ils ont jetés par les fissures du train plombé avec leurs noms et adresses pour tenter d’avertir leur foyer jusqu’aux astuces pour récupérer de la nourriture aux abords du camp de concentration. Les ouvriers doivent récupérer l’eau de pluie pour étancher leur soif, arracher les mauvaises herbes pour la faire bouillir et se nourrir, coudre des semelles pour ne pas marcher pieds nus, confectionner des manteaux avec des sacs de ciment jetés aux poubelles, voler des maisons abandonnées pour pouvoir avancer. . Ils ont vécu une année entière dans un froid glacial, en maillot de corps et en sabots, esclaves d’un régime en train de mourir, battus et insultés, contraints d’assister à la tragédie de la Shoah, au bombardement de Dresde et à la bataille finale de Berlin..
Et lorsque les troupes alliées, russes ou américaines, arriveront pour les délivrer de la captivité, il leur faudra des semaines pour rentrer chez elles. “Assaut contre l’usine” révèle leur aventure, restée cachée pendant des décennies uniquement dans leurs journaux intimes, dans les réunions des survivants, dans les célébrations limitées de Sestri Ponente.. « Seulement, en apparence, c’est une histoire génoise : elle concerne tous nos pères et nos grands-pères », explique Mari, qui a enrichi le livre d’une série de témoignages sur le réseau de résistance naissant.
À l’intérieur du livre, des histoires choquantes émergent. Comme celui d’Osvaldo Longhi, qui un jour, de retour dans son camp de concentration après un quart de travail de douze heures dans les usines nazies, est malgré lui le protagoniste d’une immense tragédie. Son visage est déformé par la fatigue et le gel : il a le même t-shirt et les mêmes sabots que le 16 juin, depuis des semaines il ne consomme qu’une portion de bouillon de navet par jour sans rien d’autre. Au cours de son trajet quotidien du camp de concentration à l’usine, il aperçoit des pommes de terre abandonnées sur le bord de la route. Ils sont à moitié figés et moches mais, pour lui, ils sont un atout. Il emmène ces dix pommes de terre déterminé à les emmener dans sa cabane pour les faire bouillir et les partager avec son groupe de déportés génois. même s’il comprend tout de suite qu’elles sont trop sèches et en ruine, qu’il les a retrouvées parce qu’elles ont été abandonnées par des hommes libres. Il est satisfait, mais – avant de franchir la clôture du camp – il jette un œil à la partie du camp destinée aux Juifs. Les SS les font marcher jusqu’à l’épuisement, pour on ne sait quel châtiment, ils n’en peuvent plus, ce sont des squelettes vivants. Longhi a pitié et jette les pommes de terre vers eux, par-dessus la grille : les squelettes vivants, rongés par la faim, se jettent à terre pour prendre les pommes de terre et commencent à les manger crues, en les arrachant en morceaux avec leurs dents. Les nazis se mettent à crier, ils n’arrêtent pas de chercher les pommes de terre et de les mordre. Les SS commencent à tirer des coups de mitrailleuse, d’abord en l’air puis sur les corps des Juifs. Ils en tuent plusieurs, Longhi ne sait même plus les compter et doit s’enfuir, il fond en larmes et passera le reste de sa vie à croire que c’était de sa faute.
#Les #histoires #les #souffrances #des #ouvriers #génois #déportés #vers #Troisième #Reich #comme #esclaves #dHitler
1718626737