2024-01-11 23:43:37
jeJe marche chaque jour sous l’emprise d’une foule nombreuse avec autant de joie et de réconfort que vous le faites dans vos avenues, et je regarde les gens que j’y vois de la même manière que je regarde les arbres de vos forêts ou les animaux qui passent par là. là-bas. » Ainsi René Descartes écrivait en 1631 à une connaissance en France qui vivait retirée dans son château d’Angoulême. A cette époque, Descartes vivait déjà, de temps en temps, depuis deux ans à Amsterdam, une ville nettement plus petite que Paris, mais suffisamment grande pour lui permettre, en tant qu’étranger, de vivre une vie cachée, inaperçue de son entourage, pour lequel il avait quitté la France.
Il est impossible de dire s’il a entendu parler de Rembrandt dans sa manière d’utiliser la ville, du moins dans ses dernières années. Peut-être parce que Rembrandt, arrivé également à Amsterdam en 1631, est rapidement devenu un artiste recherché et à succès doté d’un atelier florissant. Il est évident qu’il a tiré des avantages de l’agitation de la ville différents de ceux de Descartes.
C’est pourquoi il n’est pas facile d’envisager de lier Descartes et Rembrandt. Wolfgang Kemp le fait quand même, en se basant sur leur lieu de résidence commun et en choisissant l’année 1641 comme point central – c’est à ce moment-là que Descartes publie ses “Méditations sur les fondements de la philosophie” et que Rembrandt peint le tableau “La Fille dans un cadre” qui est maintenant suspendu à Varsovie. Le motif évoqué dans le titre de l’essai se joue entre ces deux pôles : la tromperie.
Mains peintes, ombres, cadre
Chez Descartes, sont convoqués aussi bien le « génie malignus », le trompeur in extremis mis en jeu à des fins de fondement philosophique, que les propriétés sensorielles des choses perçues, qui sont finalement trompeuses sur leur statut ontologique secondaire, qui sont balayées comme qualités secondaires au profit d’une simple extension pour laisser la place à la nouvelle philosophie naturelle. Mais les maximes cartésiennes de masquage de leur auteur, le « larvatus prodeo » ou la mise entre parenthèses (non soutenues) de son audacieux récit de la création du monde comme une simple « fable » dans le traité posthume « Le Monde » entrent également en jeu.
En revanche, chez Rembrandt, la tromperie est déjà présente à travers la littérature contemporaine sur l’art de peindre à travers des topoï bien établis : les images comme imitations trompeuses, avec le genre paradigmatique du trompe-l’œil. Ce qui est spécial chez Rembrandt n’a pas encore été atteint, ce qui est ce qui préoccupe avant tout Kemp, à savoir l’aspect économique, mais précisément à cause de cette utilisation captivante de la percée trompeuse du plan de l’image dans un jeu de mains et de cadres peints. , avec lequel une présence accrue du montré est obtenue. Dans le cas de l’image sélectionnée : une main s’apprête à toucher ce cadre peint tandis que l’autre s’est déjà appuyée dessus.
Paul Valéry comme garant
On ne peut pas dire que l’interprétation subtile et accrocheuse que fait Kemp du tableau de Rembrandt, qui s’inspire de nombre d’autres œuvres, soit un lien ou bien plutôt un contraste avec Descartes – après tout, le philosophe relègue résolument au second plan ce qui est prima materia pour l’auteur. peintre, la couleur – vraiment cruciale. Il est néanmoins extrêmement attrayant, car il établit des liens inattendus, par exemple depuis la pièce bien chauffée dans laquelle Descartes poursuit ses exercices décrits, jusqu’aux cheminées froides ou allumées des intérieurs peints hollandais, depuis le « larvatus prodeo » de Descartes jusqu’au les boiseries de l’atelier de Rembrandt et les variations du genre du portrait qui y sont expérimentées, ou d’une gravure sur bois de la « Dioptrique » à la méthode de Rembrandt consistant à faire sortir le regard d’une zone d’ombre.
D’autant que l’historien de l’art Kemp s’est certainement penché sur la littérature sur Descartes. Peut-être plus important à cet égard est le choix d’un intermédiaire qui prône une lecture de Descartes qui suit avec enthousiasme tous les mouvements rhétoriques de sa fiction du point zéro d’auto-réforme intellectuelle fondamentale (« semel in vita »), à savoir Paul Valéry. Lire à nouveau ou pour la première fois ses textes sur Descartes est un stimulant que cet essai élégamment écrit et précis apporte également.
Wolfgang Kemp : « Les honorables trompeurs ». Rembrandt et Descartes en 1641. Loops Verlag, Berlin 2023. 155 pages, illustrations, br., 23,20 €.
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