C’était fin août 2015. Un jeune et dynamique ministre de l’Économie et de l’Industrie du nom d’Emmanuel Macron, fraîchement arrivé sur le tarmac de l’aéroport de Cayenne, vantait les mérites du projet minier de la Montagne d’Or en félicitant « un projet exemplaire de classe mondiale ». industriel”.
Neuf ans plus tard, la forêt équatoriale de Guyane n’a pas reculé d’un pouce par rapport à l’emplacement prévu. Il n’a été envahi ni par des camions bennes XXL, ni par des excavatrices. Dans un jugement du 26 novembrela Cour administrative d’appel de Bordeaux apporte un (presque) dernier point au pétard humide. Elle valide le choix fait par l’État : ne pas renouveler les concessions de l’industriel, la Société minière de la Montagne d’Or, et lui interdire de facto toute exploitation.
Le point est (presque) définitif puisque Montagne d’Or peut déposer un dernier recours devant le Conseil d’Etat, le plus haut niveau de juridiction administrative. Mais ledit Conseil d’Etat s’étant déjà prononcé sur la question sur la base d’une décision du Conseil constitutionnel, on voit mal pourquoi il changerait d’avis. Interrogé, l’industriel ne nous a pas répondu sur ce point.
Un dossier empoisonné dès le premier quinquennat
Pourquoi les juges bordelais ont-ils phorisé cette lointaine polémique ? Pour une simple raison de compétence. Il s’avère que la Cour administrative d’appel de Bordeaux examine les recours formés contre les jugements des tribunaux administratifs d’Outre-mer. Elle avait déjà dû commenter Montagne d’Or en 2021, lors d’une procédure par épisodes qui a débuté en 2019.
Cela illustre les rebondissements de la politique écologique d’Emmanuel Macron, sinueux durant son premier quinquennat. Tout comme le projet (abandonné) du nouvel aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes, vigoureusement défendu par un certain Bruno Retailleau, alors président du Conseil régional des Pays de la Loire. Tout comme EuropaCity, le méga projet (abandonné) d’ensemble immobilier du triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise, sur des terres agricoles parmi les plus riches du continent.
Montagne d’Or est à la fois le point de départ et la limite de la « relance minière » que le président de la République a voulu amplifier après Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie et de la Relance productive (déjà) au début du quinquennat. mandat de François Hollande. Le plan n’était rien de moins que pharaonique. Pour un investissement de près de 800 millions d’euros, il s’agissait d’exploiter une mine à ciel ouvert sur un site isolé de 8 km², au sud-est de Saint-Laurent-du-Maroni et à l’ouest de Cayenne, extraire 85 tonnes d’or sur douze ans. Montagne d’Or prévoyait de creuser une fosse de 120 mètres de profondeur et 400 mètres de largeur sur une longueur de 2,5 kilomètres, d’aménager des voies et de poser une ligne à haute tension.
Emplois contre richesse écologique
Propriété du britannique Norgold et du canadien Columbus Gold, la Compagnie Montagne d’Or avait des actifs en main. Il promettait 750 emplois directs et 3 000 emplois indirects, une aubaine pour un territoire dévasté par le chômage. Elle s’est engagée à respecter la charte « exploitation minière responsable », décrétée par l’État en 2017. Elle détenait déjà deux concessions à faible distance l’une de l’autre, « Élysée » et « Montagne d’Or ». , qui lui avait été accordée après la guerre.
Une vue aérienne du site de la Montagne d’Or, à 180 km de Cayenne et 80 km de Saint-Laurent-du-Maroni.
JODY AMIET/AFP
L’industriel a assuré que le site visé avait une faible valeur écologique, liée aux dégâts causés par une activité d’exploitation aurifère vieille de plusieurs siècles. « Le projet a aussi été présenté comme une solution contre l’orpaillage illégal, un fléau en Guyane », rappelle Sébastien Chailleux, maître de conférences à Sciences Po Bordeaux et spécialiste des ressources minières et des débats de société qu’elles suscitent.
L’ambition de Montagne d’Or suscite cependant de fortes oppositions, en Guyane et en France métropolitaine. L’opération consistait à border deux massifs inclus dans la réserve biologique intégrale Lucifer/Dékou – Dékou, joyau forestier préservé. Élu en 2017, Emmanuel Macron a dans un premier temps maintenu une position favorable. Contrairement à son ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, 100% contre. Le gouvernement a demandé des amendements au dossier, avant de prendre une décision définitive en 2019, rendue publique en mai lors du premier « conseil de défense écologique » : pas d’autorisation. En pratique, elle s’est traduite par le refus du préfet de Guyane d’accorder le renouvellement des concessions, dont l’échéance était le 31 décembre 2018.
Un moteur de la réforme du code minier
« Montagne d’Or a joué un grand rôle dans la révision du code minier, entré en vigueur en juillet 2024 après des années de travail. Elle introduit une dimension environnementale dans l’examen des projets qui n’existait pas auparavant », souligne Sébastien Chailleux. C’est en s’engouffrant dans cette brèche que l’industriel, à l’époque, s’en prenait au refus de l’Etat. Le tribunal administratif de Cayenne et la cour d’appel de Bordeaux lui ont dans un premier temps donné raison, notant que le ministre compétent ne pouvait opposer des raisons environnementales aux demandes de prolongation des concessions.
“Le ministre a pu légalement estimer que les risques pour la préservation de la faune, de la flore et de l’équilibre biologique justifiaient un refus des prolongations demandées”, ont justifié les juges de Bordeaux cette semaine. Une phrase qui fixe le cadre dans lequel évoluent désormais les porteurs de projets miniers en France.
#les #juges #disent #géante