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Les leçons non apprises de Dana | Science

by Nouvelles

2024-11-09 07:20:00

Le 29 octobre 2024, la région de Valence a subi une DANA (Dépression Isolée à Haut Niveau), un phénomène atmosphérique qui a déclenché des pluies torrentielles qui ont provoqué le débordement de ravins et de ravins et ont inondé de nombreuses villes de la région d’Horta Sur depuis Valence. Le nombre de victimes et l’étendue de la zone touchée placent cette catastrophe comme l’une des pires conséquences enregistrées depuis qu’il existe des relevés météorologiques en Espagne.

Face à une catastrophe de cette ampleur, il est courant de rechercher des explications immédiates. La première interprétation qui revient habituellement est celle de l’exception : on a été témoin d’un événement inédit, difficile voire impossible à prévoir. De nos jours, cette explication s’accompagne généralement d’une autre : l’amplification de ces phénomènes comme conséquence du réchauffement climatique. Cependant, quelle que soit l’éventuelle attribution de l’événement au changement climatique, plusieurs questions doivent être posées : s’agissait-il réellement d’un événement sans précédent ? De quelles données disposons-nous qui nous permettent d’évaluer l’ampleur de l’événement ? Pour ce faire, il convient de revenir en arrière et d’explorer les archives instrumentales et documentaires, afin que la comparaison de cet événement avec d’autres événements du passé nous aide à discerner le degré d’exception qui peut lui être attribué.

Le 29 octobre, le pluviomètre Turís, de l’Agence météorologique nationale (Aemet), a accumulé 771,8 litres par mètre carré (l/m²) de pluie, l’une des valeurs les plus élevées jamais enregistrées dans le pays, mais pas la plus élevée du pays. 24 heures. Concernant l’intensité de la pluie, ce même pluviomètre a atteint le record de précipitations horaires avec 184,6 l/m², dépassant tous les records précédents en Espagne. D’autres réseaux météorologiques régionaux, comme Sisritel, ont enregistré 784,4 l/m² à un peu plus de 3 kilomètres du record officiel, ainsi que des valeurs supérieures à 700 l/m² en quatre autres localités. En combinant les données des réseaux d’observation météorologique d’Aemet, du Bassin Hydrographique de Júcar, du Système d’Information Agroclimatique d’Irrigation, de l’Association Météorologique de Vallencia et de Sisritel, 600 l/m² ont été dépassés dans six stations, 400 l/m² dans huit, 300 l/ m² en onze et 200 l/m² en vingt-six. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes de l’extraordinaire ampleur et extension géographique du phénomène.

Précipitations accumulées le 29 octobre 2024 dans la région de Valence.SCCI

Au vu de ces records, que dire ? Dans les sources documentaires, nous trouvons également des événements très extrêmes qui ont touché différentes parties du Levant espagnol. L’un des plus mémorables est la catastrophe du marais de Tous, survenue le 20 octobre 1982, lorsque des pluies torrentielles ont provoqué la rupture du barrage de la rivière Júcar, provoquant une inondation dévastatrice et plus de 30 morts. Ensuite, les précipitations ont atteint 240 l/m² à Cofrentes (Valence). Un autre événement tragique s’est produit le 19 octobre 1973 dans le sud-est de la péninsule.

À Zurgena (Almería) et Albuñol (Grenade), jusqu’à 600 l/m² de précipitations ont été enregistrées en quelques heures, provoquant le débordement des rivières Guadalentín et Almanzora, provoquant environ 200 morts. Un événement encore plus catastrophique s’est produit le 25 septembre 1962, lorsque des pluies de plus de 250 mm en une seule journée ont provoqué le débordement des rivières Llobregat et Besós, causant plus de 800 morts dans des villes comme Terrassa, Sabadell et Rubí.

D’autres épisodes récents incluent le débordement de la rivière Turia le 14 octobre 1957 à Valence, qui a fait 81 morts après des pluies allant jusqu’à 125 l/m², dont 90 l/m² en seulement 40 minutes. Le 3 novembre 1987, des précipitations record atteignant 817 l/m² à Oliva ont provoqué de graves inondations dans la rivière Serpis, tandis que plusieurs stations dépassaient les 200 l/m² en une seule journée. Le 11 septembre 1996, des pluies intenses dans le sud de Valence et le nord d’Alicante ont enregistré 520 l/m² dans les Tavernes de la Valldigna et Benifaió. A Alicante, le 30 septembre 1997, une tempête de 267 l/m² a inondé la ville, faisant quatre morts. Des événements récents, comme la tempête Levante du 18 décembre 2016, ont laissé plus de 600 l/m² dans certaines parties de l’est de l’Espagne, et le 12 septembre 2019, le Inondation de Santa Maria Les zones d’Almería, Murcie, Alicante, Valence et Albacete ont été inondées, avec 17 stations enregistrant plus de 200 l/m².

Voisins touchés par les inondations de Valence en 1957.
Voisins touchés par les inondations de Valence en 1957.JAIME PATO (EFE)

Les documents historiques font également état de nombreuses inondations catastrophiques sur la côte méditerranéenne espagnole, notamment dans la province de Valence. Le 17 août 1358, de fortes pluies à Valence détruisirent des ponts et détruisirent environ un millier de maisons, causant la mort d’environ 400 personnes. La crue du 30 novembre 1473 sur la rivière Júcar dévasta Alzira, détruisant 900 de ses 1 500 maisons. D’autres exemples notables incluent la crue du 12 septembre 1520, celle du 3 septembre 1571, qui provoqua l’abandon de plusieurs villes, et celles de 1617, 1775, 1856 et 1864, dans lesquelles l’eau atteignit jusqu’à 4 mètres dans certaines zones. . L’inondation du 6 décembre 1894 fit de multiples victimes à Valence et ses environs. Sur la page de éphémérides D’Aemet il existe d’autres documents historiques, notamment la crue du 20 juin 1775, qui a touché la même zone touchée le 29 octobre 2024, et sur laquelle nous avons le témoignage d’AJ Cavanilles :

Extrait du livre
Extrait du livre “Observations sur l’histoire naturelle, la géographie, l’agriculture, la population et les fruits du roi de Valence” (1795-1797), écrit par Antonio Joseph Cavanilles.SCCI

Tous ces exemples illustrent que le versant méditerranéen espagnol a connu des événements de précipitations extrêmes à plusieurs reprises au cours des dernières décennies et siècles. Même si l’événement du 29 octobre 2024 restera sûrement dans les annales comme l’intensité régionale la plus élevée enregistrée à ce jour (771,8 l/m² ont été mesurés en seulement 14 heures), il ne peut pas être considéré comme un épisode isolé ou sans précédent. Alors, qu’est-ce qui s’est passé pour que, presque 250 ans après l’inondation dévastatrice de 1775 dans le ravin de Chiva, nous soyons à nouveau confrontés à des dégâts aussi graves ? La réponse est complexe, mais il est essentiel de rappeler que, face à un phénomène naturel extrême, le risque dépend de la combinaison de trois facteurs : la dangerosité (la probabilité que le phénomène extrême se produise) ; exposition (le degré auquel les personnes ou les biens sont à la merci du phénomène) ; et la vulnérabilité (la susceptibilité ou la fragilité des éléments exposés au phénomène).

Commençons par le danger. Estimer la probabilité de pluie le 29 octobre 2024 est un défi, mais heureusement il existe une branche de la statistique, l’analyse des événements extrêmes, qui est justement dédiée à cela. Dans l’ensemble de la province de Valence, nous avons collecté des données provenant de 69 stations météorologiques du réseau Aemet, avec des données quotidiennes depuis 1961. Grâce à ces enregistrements, nous pouvons déterminer la probabilité que des événements de différentes ampleurs se produisent à un moment donné de la province. A partir de cette analyse, nous pouvons estimer la probabilité du maximum officiel enregistré le 29 octobre (771,8 l/m²), et déterminer qu’il correspond à une période de retour de 170 ans. Cela nous permet de garantir, avec des données objectives, qu’il s’agissait d’une pluie très extrême. Cependant, une leçon que l’on peut également tirer de la courbe d’ampleur et de fréquence est que les épisodes de fortes pluies se produisent avec des périodes de retour relativement courtes : tous les 25 ans, on peut s’attendre à un événement maximum de 400 l/m², tous les 50 ans un de 500 l/m². m² et tous les 75 ans un de près de 600 l/m².

Courbes de période de retour pour différentes valeurs de précipitations maximales attendues.
Courbes de période de retour pour différentes valeurs de précipitations maximales attendues.SCCI

Cependant, malgré les preuves évidentes du risque élevé d’inondation après des pluies extrêmes, nous avons accru notre exposition et notre vulnérabilité au lieu de les réduire. En tant que société moderne et développée, nous nous appuyons sur des solutions techniques qui nous procurent un sentiment de sécurité, mais cela nous fait oublier les leçons du passé. Dans de nombreuses villes du Levant espagnol, par exemple, la rue principale s’appelle la rambla, en souvenir des canaux secs qui, à l’origine, étaient laissés libres pour laisser place à l’eau en cas de fortes pluies. Aujourd’hui, ces canaux naturels et de nombreuses zones inondables historiques sont occupés par des urbanisations, des zones commerciales, des zones industrielles et des infrastructures, qui non seulement augmentent l’exposition aux risques, mais entravent également l’écoulement de l’eau en cas d’inondation, aggravant ainsi les dégâts. De plus, en tant que société très mobile et interconnectée, notre vulnérabilité est très élevée aux catastrophes naturelles qui affectent de vastes zones ou des voies de communication essentielles.

L’épisode du 29 octobre nous met devant le miroir, et souligne l’urgence de repenser la gestion globale du risque d’inondation en Espagne. Cela nécessite avant tout une planification territoriale adéquate limitant l’exposition et la vulnérabilité des zones peuplées, ainsi qu’une gestion active et moderne des risques. Nous disposons aujourd’hui d’outils de haute précision : réseaux d’observation en temps réel, modèles de prévision hydrologique et hydraulique et technologies qui permettent d’anticiper la quantité de précipitations et leur impact probable sur le terrain. Cependant, avoir accès à ces ressources ne suffit pas en l’absence de protocoles clairs, tant au niveau institutionnel que social.

Les alertes ne sont efficaces que si les autorités disposent de plans d’action précis et les appliquent sans hésitation, et si la population sait y répondre. La responsabilité de réduire les risques et de gérer adéquatement les alertes incombe aux gestionnaires publics, qui doivent promouvoir une culture de prévention et préparer les citoyens à agir. Les événements extrêmes continueront d’être une réalité et nous ne pouvons pas attendre le prochain pour nous souvenir des leçons que nous aurions déjà dû tirer.

Santiago Beguería Portugais, Sergio Vicente Serrano oui César Azorin Molina Il s’agit de chercheurs du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC). José Carlos González Hidalgo est professeur de géographie physique à l’Université de Saragosse.



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