Dans les rues commerçantes et les lotissements de la ville de Croydon, au sud de Londres, certains bâtiments autrefois abandonnés reprennent peu à peu vie.
Dans une ancienne école, les murs écaillés reçoivent une nouvelle couche de peinture et le linge sèche sur une corde à linge. Dans un centre de jeunesse désaffecté, on rit dans le gymnase transformé en dortoir et un vase de fleurs violettes décore un comptoir de cuisine nettoyé.
Le collectif Reclaim Croydon, un groupe de squatteurs, a repris des locaux commerciaux désaffectés pour fournir des lits aux sans-abri, affirmant qu’il fournit une solution communautaire à un marché du logement en panne.
“Le gouvernement laisse tomber les sans-abri”, a déclaré à Reuters l’un des nouveaux occupants du centre de jeunesse, connu sous le nom de Leaf.
La Grande-Bretagne manque depuis longtemps de suffisamment de logements, mais une augmentation de 22 pour cent des loyers privés en Angleterre au cours des cinq dernières années a laissé un nombre croissant de personnes se battre pour trouver un endroit où vivre. Le logement figure régulièrement parmi les cinq questions les plus importantes selon les sondages à l’approche des élections générales de jeudi.
Les loyers élevés et les prix inabordables de l’immobilier font que les personnes dans la vingtaine ou la trentaine vivent toujours chez leurs parents ou en colocation. Au pire, un nombre croissant de personnes dorment dans la rue ou dans des bâtiments vides, selon les chiffres officiels.
Des études ont montré que les minorités ethniques sont touchées de manière disproportionnée, un rapport de 2022 publié par l’association caritative Centre for Homelessness Impact montrant que les Noirs étaient plus de trois fois plus susceptibles de se retrouver sans abri que les Blancs en Angleterre.
Les conservateurs du Premier ministre Rishi Sunak et le principal parti d’opposition, le Parti travailliste, se sont engagés à s’attaquer à la crise du logement en construisant davantage de logements.
Les défenseurs du logement soutiennent depuis longtemps que les conseils locaux devraient également utiliser certains des quelque 700 000 logements vacants en Angleterre comme solution moins chère et plus rapide.
« Nous voyons de plus en plus de conseils municipaux déclarer que les budgets consacrés aux logements temporaires pour les personnes qu’ils ont théoriquement l’obligation légale d’héberger les ruinent littéralement », a déclaré à Reuters Chris Bailey, directeur de campagne de l’association caritative Action on Empty Homes.
Croydon – une grande ville bâtie avec des immeubles d’habitation et de bureaux de grande hauteur – comptait près de 4 000 propriétés désaffectées en octobre 2023, selon les données du gouvernement.
Dans les principales rues commerçantes, des commerces fermés et des affiches annonçant la fin des soldes côtoient des magasins discount et un marché animé.
Alex, 28 ans, organisateur de Reclaim Croydon, a déclaré que le groupe avait rénové environ 30 bâtiments depuis sa création l’année dernière, fournissant des logements à plus de 100 personnes.
Le groupe s’assure d’abord que les bâtiments sont vides et disposent des équipements de base comme l’eau courante et l’électricité, a-t-il expliqué. Il effectue ensuite des réparations pour les rendre habitables, ce qui peut inclure l’installation de douches et de cuisines, la réparation des fuites et l’élimination des moisissures.
Les personnes qui vivent dans ces immeubles viennent d’horizons divers. Certains tentent d’échapper à la rue, d’autres aux bouleversements liés à la vie dans des logements temporaires.
« Beaucoup de gens en Grande-Bretagne se retrouvent coincés dans la situation des sans-abri et préfèrent rester avec nous », a déclaré Alex.
Une culture du squat existe en Grande-Bretagne depuis des centaines d’années. Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux soldats et leurs familles se sont installés dans des bases militaires vides. Dans les années 1970, le mouvement a pris une dimension politique lorsque les anarchistes ont investi des bâtiments en signe de protestation.
Depuis 2012, il est interdit d’occuper des immeubles résidentiels. Mais l’occupation commerciale n’est pas une infraction pénale, à condition qu’aucun dommage ne soit causé et que les squatteurs quittent les lieux sur ordre d’un tribunal.
La British Landlords Association estime que le squat dans les bâtiments commerciaux a augmenté de près de 300 % depuis décembre 2021, ce que son directeur, Sajjad Ahmad, attribue aux politiques gouvernementales plutôt qu’aux squatteurs.
En 2017, le gouvernement a déclaré que 300 000 nouveaux logements seraient nécessaires par an en Angleterre d’ici le milieu des années 2020 pour remédier au manque d’accessibilité financière. Depuis, moins de 250 000 unités ont été construites en moyenne chaque année. Certains propriétaires ont également été heureux de laisser leurs propriétés vides, profitant de la hausse des valorisations.
