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Les vestiges de l’ADN de Colomb : un spectacle qui exige sérieux et transparence | Science

by Nouvelles

2024-10-18 06:20:00

La bioarchéologie est la branche de l’archéologie qui étudie les preuves biologiques et s’appuie sur diverses disciplines auxiliaires. Parmi les techniques utilisées, certaines sont peu connues, comme la spectrométrie de masse pour identifier les espèces animales, ou l’analyse des isotopes stables pour étudier l’alimentation ; d’autres sont plus populaires, comme le carbone 14 pour déterminer l’âge d’un reste biologique et l’analyse par biologie moléculaire de l’ADN ancien. Avec cette dernière technique, une équipe dirigée par le professeur José Antonio Lorente analyse, depuis 2003, les os supposés de Christophe Colomb, de son frère Diego et de son fils Hernando, dans le but de répondre à plusieurs questions sur les restes et l’origine de l’amiral. .

Depuis plus de 20 ans, les restes en question sont sous la garde de ce groupe de recherche, ce qui a empêché d’autres spécialistes de les analyser. Les résultats n’ont pas été publiés dans des revues scientifiques spécialisées ni présentés lors de conférences. Ce manque de transparence génère un conflit d’éthique professionnelle et immobilière. Les conclusions partielles de cette enquête ont été présentées à travers un documentaire diffusé à la télévision espagnole le 12 octobre. Deux jours auparavant, lors d’une conférence de presse, Lorente avait assuré que les restes appartenaient à Christophe Colomb, ce qu’il avait déjà déclaré publiquement en 2006, mais pour lequel il n’existe aucune preuve fiable. Selon les mots du réalisateur du film, Regis Francisco López, l’histoire doit être « réécrite » après ces révélations. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.

Le projet n’est pas encore terminé, selon Lorente, mais il a déjà généré un important impact national et international en raison de ses conclusions controversées. Cette manière opaque et peu orthodoxe de présenter la recherche, sans rendre publics les résultats et les méthodes en détail, a surpris la communauté scientifique, notamment les spécialistes de la génétique, de l’archéologie et de l’histoire, qui restent réservés. L’éventuelle publication des résultats dans des revues spécialisées prendra encore des mois, mais en attendant, cette situation crée un dangereux précédent, qui compromet la crédibilité des recherches passées et futures qui ont suivi des procédures appropriées.

Au-delà des questions éthiques, il faut évaluer la crédibilité des conclusions basées sur la méthodologie utilisée, décrite de manière très vague dans le documentaire. Bien que des analyses ostéologiques soient évoquées, les recherches se sont concentrées sur l’ADN. D’après le film, les restes de Colomb sont en mauvais état. L’analyse s’est concentrée sur le chromosome Y, qui a été comparé à l’ADN de son fils et de son frère supposés. Ce n’est qu’en utilisant ces données que le groupe de recherche en déduit qu’Hernando Colón avait une ascendance séfarade, c’est-à-dire qu’il appartenait à la communauté juive qui habitait la péninsule ibérique entre le Ier et le XVe siècle, et que son origine géographique se trouve dans la Méditerranée occidentale.

Un ADN mal conservé, comme celui obtenu à partir des restes de Colomb, rend difficile l’établissement d’une relation biologique claire. Même si un génome complet devait être obtenu, il est impossible de démontrer avec une certitude absolue que les restes de Colomb ont une ascendance sépharade ou juive, puisque les marqueurs génétiques associés à cette communauté peuvent également être trouvés dans d’autres populations de la Méditerranée, du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. . Il convient de mentionner que dans les anciens territoires de la République de Gênes, comme à Savone, des communautés juives existaient, ce qui ajoute encore plus de complexité aux conclusions du documentaire. Jusqu’à présent, aucune étude n’a été publiée incluant des échantillons de la population séfarade médiévale de la péninsule ibérique, ce qui empêche des comparaisons directes. De plus, les gènes ne connaissent pas les religions, les frontières ou les nationalités : une variante peut être présente chez les individus d’une certaine appartenance culturelle sans que cela n’implique leur appartenance à un tel groupe.

Il est surprenant que, compte tenu de l’état de conservation des vestiges et de l’importance historique de Colomb, une enquête plus large combinant diverses méthodologies pour compléter les analyses ADN n’ait pas été réalisée. Si nous avons soi-disant attendu si longtemps que les techniques génétiques s’améliorent, il aurait été préférable d’utiliser les dernières disponibles et d’ajouter d’autres outils susceptibles de renforcer les résultats.

Il est regrettable que ce débat n’ait pas eu lieu dans le domaine scientifique, mais s’est déplacé vers le domaine médiatique. Il est essentiel que les auteurs publient dès que possible leurs résultats dans des revues à comité de lecture et présentent leurs conclusions lors de conférences, où d’autres spécialistes peuvent poser des questions directes. La controverse générée oblige désormais les auteurs à procéder avec transparence, non seulement pour maintenir leur crédibilité, mais aussi en raison des effets que cela pourrait avoir sur d’autres enquêtes.

Il est essentiel que les restes supposés de Colomb soient restitués, non seulement pour des raisons éthiques et juridiques, mais aussi pour garantir leur préservation et encourager de futures recherches. Si les résultats actuels ne sont pas publiés de manière appropriée ou ne fournissent pas de conclusions définitives, il est essentiel que d’autres spécialistes puissent y accéder à l’avenir, lorsque de nouvelles techniques seront disponibles. Garder les restes sous la garde exclusive d’une seule équipe limite le développement d’analyses plus inclusives et collaboratives. Le retour permettrait une approche plus transparente et respecterait les droits de la société, véritable propriétaire de ce patrimoine, garantissant que la recherche se poursuit de manière rigoureuse et ouverte.

La diffusion des découvertes est une manière de rendre à la société ce qui, à travers ses impôts, a permis aux chercheurs : de bénéficier d’une position privilégiée pour étudier son patrimoine archéologique. Nous avons l’obligation de diffuser les résultats, d’abord au travers de publications scientifiques à comité de lecture, ce qui garantit la validité de la méthodologie et des interprétations, et confère de la rigueur à ses résultats. Une fois les résultats publiés, l’information doit être rendue accessible à travers d’autres médias, tels que la presse, la télévision ou les réseaux sociaux, qui permettent à la société de participer au débat et d’exercer son droit de connaître et de décider de son propre patrimoine. Ce patrimoine appartient à la société toute entière et les chercheurs ne sont pas les seuls gardiens ou détenteurs du droit d’en décider.

Patxi Pérez Ramallo est chercheur postdoctoral en ostéologie, isotopes stables et datation au radiocarbone à l’Université norvégienne des sciences et technologies et à l’Institut Max Planck de géoanthropologie (Allemagne).

Rodrigo Barquera Il est chercheur à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste (Allemagne).



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