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L’étrange cas des voleurs de livres russes

by Nouvelles
L’étrange cas des voleurs de livres russes

2024-02-06 03:00:00

Une bande de voleurs de bibliophiles (bibliophiles pour ainsi dire…) cible de nombreuses bibliothèques européennes, avec une série de vols très sélectionnés : il s’agit en fait d’éditions de grande valeur, d’une grande valeur historique et symbolique, de classiques russes comme Dostoïevski ou Gogol. , Pouchkine ou Lermontov.

La Bibliothèque nationale de France a par exemple signalé des disparitions importantes, sans toutefois en divulguer les détails pour ne pas compromettre l’enquête en cours. On sait qu’il a conservé onze éditions originales des œuvres d’Alexandre Pouchkine (1799-1837), très rares car publiées du vivant du grand poète russe. Sont-ils toujours là ? L’École Normale Supérieure de Lyon se plaint de la perte d’une douzaine d’ouvrages également rares et anciens. La Bulac (Bibliothèque universitaire de langues et civilisations) a signalé une série de vols, mais pour des ouvrages de moindre valeur. Et ce n’est pas seulement un problème français.

En Pologne, quatre-vingts ouvrages rares du XIXe siècle, également russes et valant plus d’un million d’euros, ont disparu de la bibliothèque universitaire de Varsovie, ce qui a entraîné la démission de la directrice, Anna Wolodko. En Suisse, la bibliothèque de Genève a été touchée, tandis que les mesures de sécurité ont été renforcées de Berne à Lausanne. Et les pillages – coïncidence intéressante – ont commencé au lendemain de l’invasion de l’Ukraine.

Le premier vol remonte en effet (selon l’agence AFP) à avril 2022, contre la bibliothèque nationale de Lettonie. Dans cette affaire, l’auteur a été identifié, arrêté et condamné il y a quelques jours à peine à deux ans de prison, à une interdiction de séjour de cinq ans sur le territoire letton et à une amende de 158 000 euros. Trois Géorgiens font l’objet d’une enquête à Paris. Toutefois, les œuvres n’ont jamais été retrouvées, et les voleurs sont avares d’informations. Leur destination reste évidemment un mystère, même si leur destination est claire : les collectionneurs russes. Ou peut-être même des agents secrets ; ou plus probablement les deux catégories.

L’invasion de l’Ukraine et le dur conflit avec l’Occident ne sont certainement pas étrangers, selon les analystes, à ce qui apparaît comme une campagne discrète mais bien organisée visant à réaffirmer une forme de fierté nationaliste (c’est par exemple le cas de thèse du Monde) : notamment autour de la figure de Pouchkine, père de la littérature russe moderne. En d’autres termes, il ne peut pas s’agir d’une bande de petits voleurs. Il existe une stratégie claire, organisée au niveau international. Les œuvres volées s’inscriraient ainsi dans un conflit asymétrique impliquant le vol. Les livres pourraient réapparaître à tout moment, lors d’une vente aux enchères ou dans un contexte festif. Mais pour l’instant ils ont juste disparu, bien cachés on ne sait où.

Il faut dire que ce n’est pas la première fois. Il existe quelques précédents : par exemple le cas d’un manuscrit unique et très précieux disparu le 7 juillet 1879 de la bibliothèque du British Museum. Elle avait une valeur énorme non seulement du point de vue de la philologie et de la collection, mais surtout pour la fierté nationale française, mise à l’épreuve quelques années plus tôt par l’humiliante défaite de Napoléon III face à la Prusse.

Il s’agissait d’un poème héroïque-comique anglo-normand, daté de la seconde moitié du XIIIe siècle, dont le protagoniste était Charlemagne. Le Voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople il était – et est – considéré comme le plus ancien monument de la littérature française, le premier cri d’une culture, l’acte de naissance autour duquel s’affairaient les savants des deux côtés du Rhin.

L’enjeu était d’en créer l’édition critique, c’est-à-dire de la transcrire soigneusement après l’avoir étudiée dans toutes ses implications historiques et philologiques. Les Français estimaient que cela faisait partie de leur destin national, les Allemands, fiers de leur suprématie mondiale dans le domaine philologique, décidèrent que c’était le leur. Et ils l’ont fait, mais en volant le manuscrit.

L’histoire a été reconstituée dans un livre très agréable de la philologue suisse Carla Rossi, (Le manuscrit perdu du Voyage de Charlemagne, Salerne 2005). Le savant a également reconstitué la biographie du voleur, un jeune Prussien qui a probablement agi pour le compte d’un célèbre philologue allemand Eduard Koschwitz, qui fut finalement l’auteur de l’édition critique. Le manuscrit n’a cependant jamais été retrouvé. Et parmi les différents personnages qui ont dû y faire face, même une personne est décédée. Rien de semblable ne s’est produit jusqu’à présent avec Pouchkine ; mais la guerre est malheureusement longue, on ne sait jamais.



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