L’Europe peut-elle se passer des États-Unis ?

Le groupe allemand d’électronique Hensoldt a un carnet de commandes bien rempli pour sa technologie, notamment des radars qui protègent l’Ukraine contre les frappes aériennes russes. L’industrie automobile allemande est confrontée à une faible demande européenne et à la concurrence chinoise.

alors que l’Europe s’inquiète de la manière dont elle peut surmonter les turbulences économiques et politiques déclenchées par Donald Trump, des dirigeants de Munich et de Düsseldorf affirment avoir au moins une réponse partielle.

En janvier, Hensoldt a proposé d’embaucher des travailleurs licenciés par les équipementiers automobiles Bosch et Continental. Le géant de la défense Rheinmetall a fait une proposition similaire l’année dernière et a annoncé en février qu’il allait réaffecter deux usines de composants automobiles.

Ce fut un pivot qui a offert de l’espoir au milieu du démantèlement rapide de l’ordre mondial d’après-guerre par l’Amérique, protégeant les emplois et la base industrielle de l’Allemagne alors que l’accès aux marchés américains se réduit, tout en augmentant la capacité de l’Europe à se protéger.

Alors que les politiciens du monde entier essaient de trouver la meilleure façon de protéger leurs pays contre les politiques capricieuses de trump,la seule constante dans tous leurs calculs pour l’avenir est un rôle américain diminué dans leurs pays. Trump a évoqué des plans pour un droit de douane de 25 % sur les produits de l’UE, y compris les voitures, et a déjà imposé des droits à ce niveau sur l’acier et l’aluminium provenant du bloc.

En février,son vice-président,JD Vance,a lancé une attaque cinglante contre la démocratie européenne à Munich,remettant en question l’intérêt de la défendre.

Lors de son premier mandat, Trump a présenté le découplage de la Chine comme un moyen de renforcer les emplois et l’économie américains contre un rival rapace. Désormais, lors de son second mandat, il poursuit un découplage beaucoup plus large des alliés historiques du pays, un changement que peu avaient anticipé ou étaient prêts à affronter.

La nouvelle administration américaine ferme ses marchés, se retire du rôle de l’Amérique en matière de sécurité mondiale et réduit les projets de puissance douce qui visaient à façonner le monde par la recherche, l’aide et la culture.

La seule forme de présence américaine accrue au-delà des frontières actuelles du pays qui semble intéresser trump est l’expansion territoriale, encourageant peut-être un dictateur tel que Vladimir Poutine alors qu’il mène une guerre impériale en Ukraine, mais indésirable et alarmante ailleurs.

« L’idée que les États-Unis abandonnent l’Europe occidentale était inimaginable il y a encore dix ans, car leur rôle là-bas assure également une influence américaine plus large dans le monde », a déclaré Phillip Ayoub, professeur de relations internationales à l’University College de Londres.
Phillip Ayoub, professeur de relations internationales à l’University College de Londres

« Il y a un avantage comparatif à avoir des alliances fortes parce qu’elles vous rendent plus riche dans le commerce et plus sûr parce qu’elles dissuadent les autres puissances.»
Phillip Ayoub, professeur de relations internationales à l’University College de Londres

La vision du monde de trump rejette ce point de vue, considérant son pays comme une superpuissance naïvement magnanime qui a pendant des décennies financé et contrôlé le monde tout en obtenant peu plus que des dettes et de l’ingratitude pour ses problèmes.

pourtant, si les présidents américains d’après-guerre n’ont pas poursuivi l’empire territorial dont Trump rêve aujourd’hui, ils ont exercé un pouvoir impérial qui ne se reflète pas sur les cartes. Les décisions prises à Washington DC ont remodelé des pays du Chili à l’Irak sans la participation ni le consentement de leurs populations.

Et l’ordre mondial qu’il démantèle a rendu le pays si riche et puissant que,pendant un bref moment d’euphorie au tournant du millénaire,l’élite américaine a embrassé l’idée que l’histoire était terminée et que la société humaine avait atteint son apogée et sa forme permanente dans la démocratie libérale incarnée dans leur constitution.

Les détails de la nouvelle relation américaine avec le monde sont encore en cours d’élaboration jour après jour dans les batailles judiciaires nationales et les négociations commerciales et diplomatiques à l’étranger, mais l’impact de la présidence de Trump durera longtemps dans l’avenir.

« Une élection pourrait changer la politique à Washington DC. Mais la nouvelle réalité est que, d’un gouvernement à l’autre, vous pourriez avoir une attitude différente à l’égard de la place des États-Unis dans le monde », a déclaré Ayoub. « Ce repli sera désormais pris en compte dans l’élaboration des politiques partout. »
Phillip Ayoub, professeur de relations internationales à l’University College de Londres

Pour l’instant, la priorité immédiate dans la plupart des pays est de limiter l’étendue des droits de douane et l’impact des réductions américaines, dans des domaines allant de l’aide à la défense.

Les pays européens sont peut-être moins immédiatement vulnérables à une compression commerciale, les exportations vers les États-Unis représentant moins de 3 % du PIB de l’union européenne.

Mais les budgets de Londres à Varsovie sont également mis à rude épreuve par la nécessité d’augmenter les dépenses de défense pour compenser le retrait américain, tant du soutien immédiat aux forces ukrainiennes combattant la Russie que du soutien à plus long terme à la défense européenne. Même les évaluations optimistes suggèrent qu’il faudra la meilleure partie d’une décennie avant que la capacité de défense du continent puisse égaler la protection actuellement offerte par les États-Unis, à l’exclusion de sa dissuasion nucléaire.

La douleur de rompre ou de remodeler des relations majeures ne frappe pas qu’une seule partie,ce que même Trump a admis. le coût de certains droits de douane sera répercuté sur les consommateurs américains, et les entreprises américaines pourraient perdre des clients.

Une des premières victimes de haut niveau pourrait être Lockheed Martin, qui produit des avions de combat F-35. Les contrats permettant aux États-Unis de restreindre la façon dont les avions sont utilisés par les alliés ont suscité peu de débats pendant les périodes plus amicales. Désormais, à Berlin et dans d’autres capitales, les ministres de la Défense s’inquiètent d’un possible « coupe-circuit » et hésitent à passer de nouvelles commandes importantes.

À plus long terme, Trump pourrait également alimenter un « découplage » culturel, avec des attaques contre les arts et le monde universitaire poussant des personnes très talentueuses à fuir les États-Unis ou à les éviter.

Plusieurs artistes ont annulé des tournées, et le pianiste de concert András Schiff a déclaré la semaine dernière qu’il ne travaillerait plus aux États-Unis à cause de Trump. Il avait déjà boycotté la Russie.

Des universitaires des universités britanniques d’élite affirment avoir constaté une augmentation des demandes d’emploi de collègues basés aux États-Unis, dont beaucoup sont prêts à perdre leur titularisation et à accepter une réduction de salaire considérable afin de traverser l’Atlantique.Une université française qui a offert un « sanctuaire » aux chercheurs américains a déclaré avoir reçu 40 candidatures, et un universitaire a déménagé ce mois-ci.

Comme pour l’économie, la position culturelle des États-Unis n’est pas directement menacée.La musique américaine, dont une grande partie est faite par des personnes qui s’opposent publiquement à Trump, sera consommée dans le monde entier. Les Oscars resteront probablement le prix le plus convoité pour le cinéma, les Emmys pour la télévision, les Pulitzers pour le journalisme. Pourtant, un exode serait toujours dommageable dans un pays où la recherche et les arts créatifs sont des moteurs clés de la croissance, et profiterait plutôt aux endroits où ils s’installent, les alliés américains de longue date que Trump considère comme des menaces.

Le président américain a promis aux électeurs que, lorsque ses politiques économiques causent de la douleur, ce sera à court terme et ouvrira la voie à une prospérité à long terme en Amérique.

Pour les critiques, elles ressemblent à un modèle pour un monde plus pauvre, plus dangereux et fragmenté, où les avantages limités du découplage sont aussi susceptibles d’être récoltés par une université britannique ou une entreprise de défense allemande que par les Américains.

culture

Le coup porté au secteur créatif américain, des gels budgétaires et des menaces aux organismes fédéraux et aux programmes nationaux qui financent les musées, les galeries, les théâtres et les bibliothèques, devrait avoir des conséquences sur ses revenus du tourisme et envoyer les visiteurs en Grande-Bretagne et en Europe à la place.

En réponse à la seconde présidence de Trump,certains internat