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L’histoire d’une infection invasive par la bactérie mangeuse de chair : un rappel alarmant des dangers du streptocoque A

L’histoire d’une infection invasive par la bactérie mangeuse de chair : un rappel alarmant des dangers du streptocoque A

L’histoire a commencé par une simple écharde dans mon pouce droit. Publié à 19h30, elle m’a conduit aux soins intensifs une semaine plus tard, plongée dans un délire de fièvre et d’opiacés, quelque part entre la vie et la mort. Entre ces deux moments, une bactérie streptocoque A s’est infiltrée dans mon organisme. Une bactérie de la forme la plus invasive qui soit : la mangeuse de chair, celle qui m’a clouée au lit d’hôpital pendant 10 jours, qui m’a fait passer trois fois sous le bistouri et qui m’a fait comprendre à quel point tout pouvait s’arrêter à tout moment. Je vous en parle ici car les cas graves de streptocoque sont en augmentation depuis un an. Chaque heure qui passe sans traitement peut vous rapprocher de la mort, comme l’ont découvert les familles endeuillées de 45 Québécois cette année. Il est important d’apprendre à reconnaître les symptômes et de ne pas hésiter à se rendre à l’hôpital, même si on nous répète de ne pas engorger notre système de santé déjà surchargé. Je l’avoue : je n’avais jamais vraiment pensé à la bactérie mangeuse de chair depuis le cas très médiatisé de Lucien Bouchard, au milieu des années 1990. Surtout, je n’aurais jamais imaginé qu’une blessure insignifiante, rapidement oubliée, puisse provoquer une telle réaction en chaîne. Pourtant, c’est ce qui m’est arrivé en avril dernier. J’ai été infecté par un streptocoque suite à cette écharde, mais je ne saurai jamais où ni quand. Mystère. Ce que je sais, c’est que je me suis réveillé un matin avec la paume droite légèrement rouge et enflée. Quelques heures plus tard, la fièvre et les frissons ont fait leur apparition. J’ai pris deux cachets de Tylenol et je me suis couché tôt en espérant être en forme le lendemain. Mais le réveil a été brutal. Ma main avait triplé de volume et avait pris une teinte dangereusement similaire à celle d’une tache de vin sur la peau de Mikhaïl Gorbatchev. J’avais l’impression qu’elle allait exploser tant la douleur était terrible. J’ai réussi à obtenir un rendez-vous le soir même à ma clinique médicale, mais la situation était si inhabituelle que je me suis rendu aux urgences de l’hôpital Jean-Talon dans l’heure qui a suivi. Un instinct salvateur, comme on me l’a confirmé par la suite. J’ai été immédiatement pris en charge et traité avec des antibiotiques par voie intraveineuse. Sans succès : l’enflure a continué à progresser pendant les 36 heures suivantes. Elle s’est étendue à mon avant-bras, puis à mon biceps, jusqu’à atteindre la limite de ma cage thoracique. Mes signes vitaux se sont détériorés à la même vitesse. On m’a finalement transféré aux soins intensifs où une chirurgienne m’attendait, revêtue de sa blouse bleue, l’air grave. L’infection menaçait de se propager à mes organes vitaux à tout moment, m’a-t-elle averti. Il fallait me faire opérer immédiatement, faute de quoi je risquais au mieux une amputation, au pire la mort. Un véritable cauchemar éveillé, d’autant plus que l’idée de ma propre fin ne m’était jamais venue à l’esprit après une vie passée en bonne santé. L’intervention chirurgicale a été un succès. La spécialiste a pratiqué plusieurs incisions sur ma main et mon bras droit pour nettoyer et drainer l’infection, qui a commencé à régresser dès le lendemain. Deux autres opérations ont suivi. Les mois suivants ont été marqués par une convalescence laborieuse, dont je vous épargne les détails, mais j’ai eu cette immense chance de garder tous mes membres intacts. Je n’ai aucune séquelle, excepté une série de cicatrices qui me rappellent chaque jour le privilège d’être en vie. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Notre chroniqueur Maxime Bergeron s’en est sorti sans séquelles, à l’exception des cicatrices sur son bras. Tout le monde n’a pas eu cette chance. Les cas graves de streptocoque A connaissent une forte augmentation depuis l’année dernière, au Québec et un peu partout en Occident. Les infections dites “invasives” comprennent la mangeuse de chair (fasciite nécrosante), le choc toxique ou la méningite, et doivent être signalées aux autorités sanitaires. Au Québec, on a recensé 728 cas graves depuis le début de l’année, jusqu’au 16 août. C’est quatre fois plus que pour la même période en 2022, et près du double par rapport aux années précédant la pandémie. Quarante-cinq Québécois sont déjà morts de l’une ou l’autre de ces formes graves depuis le début de 2023, selon les données fournies par le ministère de la Santé. Pourquoi une telle flambée ? Les infectiologues envisagent plusieurs hypothèses, comme la recrudescence des virus respiratoires qui a suivi la pandémie de COVID-19. Les personnes ayant eu la grippe, par exemple, sont peut-être plus susceptibles de contracter ensuite un streptocoque. Mais pour l’instant, aucune explication claire et définitive n’a été trouvée. La situation est toutefois “préoccupante”, reconnaît le Dr Judith Fafard, directrice médicale du Laboratoire de santé publique du Québec à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les scientifiques, ici comme ailleurs, cherchent encore à établir un “modèle” en réalisant de nombreuses analyses et enquêtes épidémiologiques, m’a-t-elle dit. Le Dr Fafard souligne quelques symptômes à prendre au sérieux pour détecter une possible infection invasive. Une rougeur accompagnée de fièvre qui progresse rapidement et qui provoque une douleur “disproportionnée” doit être rapidement montrée à un médecin. Le Dr Donald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill, insiste également sur cette “triade” de symptômes à surveiller. Sans être “paranoïaque”, il est absolument nécessaire de consulter en présence de tels signes, souligne-t-il. Il est important de garder son calme. Les formes graves restent rares, malgré l’augmentation récente des cas. La plupart du temps, les infections à streptocoque A sont non invasives et peuvent se traduire par des maux de gorge, tels que des pharyngites. Elles se traitent bien avec des antibiotiques. La bactérie est fréquente chez les enfants qui l’attrapent à l’école ou à la garderie. Mais ces cas doivent néanmoins être traités, explique le Dr Vinh, car les personnes infectées peuvent ensuite transmettre le streptocoque à d’autres qui, eux, sont susceptibles de développer une forme grave. Cette épopée médicale m’a permis de découvrir de l’intérieur la frénésie quotidienne de nos soignants. J’ai pu également constater l’efficacité d’un petit hôpital vieillissant qui dessert une importante population au cœur de l’île de Montréal. Pendant mon séjour aux soins intensifs, délirant à cause de la fièvre, du Dilaudid et des restes d’anesthésie, je parlais déjà à mes proches de mon idée d’écrire une chronique sur l’hôpital Jean-Talon, ce
#mangeuse #chair #pas #peau
2023-08-22 02:30:00

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