L’Histoire retrouvée : Des personnages méconnus mais importants de l’Histoire retrouvés dans des ouvrages récents

Toutes les couleurs de l’histoire

Redimensionner le récit national français en y incluant, aux côtés des figures historiques les plus connues de l’Hexagone, des personnalités originaires du continent africain? Tel est le projet du livre Visibles! Figures noires de l’histoire de France. Sensibilisés aux questions de mémoire et de diversité, les auteurs Binkady-Emmanuel Hié et Léo Kloeckner ont conçu un ouvrage aussi attractif dans sa facture qu’informatif dans son propos, qui présente 40 femmes et hommes ayant contribué d’une manière ou d’une autre à l’histoire de France.

Dessinées par Aurélia Durand, les personnalités ont été choisies au sein des mondes politique, littéraire, scientifique, culturel ou sportif. Certains personnages s’imposent par leur influence ou leur héroïsme, d’autres en raison de leur talent ou de leur humanité. Dans une démarche volontairement didactique, les récits permettent aux lecteurs de faire nombre de découvertes. Si l’on connaît Joséphine Baker, Léopold Sedar Senghor, Frantz Fanon, ou Maryse Condé, rares sont ceux qui savent que le célèbre écrivain Alexandre Dumas avait du sang africain. Et qui se souvient d’Anne Mousse, femme noire pionnière du XVII ^e siècle, considérée comme la doyenne des Réunionnais? Cette mise en lumière de héros jusque-là minorés pour des raisons idéologiques ou sexistes , ajoute richesse et diversité à la grande Histoire. Un ouvrage précieux et accessible, à partager entre générations.

Figures féminines d’influence

L’historienne et journaliste Sylvia Serbin s’attache, depuis de longues années, à restaurer la place et le rôle des femmes dans la carte historique de l’Afrique. Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire, son ouvrage paru en 2004, a connu le succès auprès d’un cercle toujours croissant d’initiés et n’a cessé d’être réédité depuis lors. Avec cent pages de plus que sa version précédente, la version 2023 comporte des personnages supplémentaires et des mises à jour d’informations. l’autrice nous fait découvrir 25 portraits de femmes d’influence, résistantes à l’esclavage, à la colonisation, guerrières, mères de héros, pour la plupart inconnues du grand public. Parmi elles, les reines Zingha d’Angola, Sarraounia du Niger, Ndaté Yalla du Sénégal, Ranavalona III de Madagascar, mais aussi Tinubu, commerçante et politicienne nigériane du XIX ^e Kimpa Vita, prophétesse du Kongo, les Amazones du Dahomey …

Sylvia Serbin narre leurs destins avec le talent d’une conteuse, tout en se basant sur des sources écrites et orales qui ont nécessité dix années de recherche. Son Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire nous entraîne à la rencontre de tempéraments d’exception, fournissant au passage un beau contrepied aux idées reçues. sur l’impuissance ou l’inertie des femmes du continent africain. Ce travail de référence salué par de nombreux lecteurs francophones et hispanophones, a notamment servi de ressource documentaire aux productions Sony Tristar pour le film La femme roi .

Héroïnes sénégalaises d’aujourd’hui

Aux adolescentes et jeunes femmes qui s’interrogent sur la façon de prendre sa place dans la société et de défendre ses passions et ses choix, Conversations féminines apportera des réponses salutaires. La productrice de podcasts sénégalaise Zoubida Fall a eu la bonne idée de réunir dans un livre dix-sept des entretiens qu’elle a menés avec des femmes de son pays.

On part ainsi à la rencontre de femmes actives dans les domaines les plus divers: de la cinéaste Fatou Kandé Senghor à la styliste Oumou Sy en passant par l’économiste Thiaba Camara. Sy … Toutes ont atteint un certain degré de notoriété, mais l’intérêt de leurs propos réside moins dans l’évocation du succès de chacune que dans la description du chemin qu’elles ont eu à parcourir pour y parvenir. Et la nécessité pour toutes, quelle qu’aient été leur formation ou leurs moyens de départ, de faire preuve de volonté, de travail et de ténacité. Un livre éclairant et inspirant, dont on souhaiterait des déclinaisons pour d’autres pays.

< strong> Les idées d’avant-garde d’une icône politique

En seulement quatre ans à la tête du Burkina Faso, Thomas Sankara (1949-1987) a suscité l’espoir de nombreux Africains, démontrant par ses actes autant que par ses discours qu’il pouvait y avoir une nouvelle manière d’agir en politique. Parus cet automne, deux ouvrages illustrés retracent sa trajectoire.

Fasciné par les idées de celui qui fit de l’ancienne Haute-Volta “le pays des hommes intègres ” l’italien Franco Dusio s’est lancé dans la scénarisation de Thomas Sankara, un rêve brisé, fruit d’un long travail d’exploration biographique. La BD, mise en images par les dessinateurs Marco Forte et Luca Occhetti, vise l’exhaustivité, narrant le personnage de Sankara depuis l’enfance jusqu’à son assassinat.

Roman graphique tout aussi documenté, le deuxième livre, Thomas Sankara, rebelle visionnaire, a été coscénarisé par les auteurs français Françoise -Marie Santucci et Pierre Lepidi, journaliste au Monde Afrique . Il part du personnage d’une jeune collégienne au prénom particulier de Léa-Thomas qui, lassée des moqueries de ses camarades, questionne ses parents sur le choix de son patronyme. Le portrait du fameux capitaine commence ainsi à prendre vie, restitué graphiquement par l’excellent dessinateur congolais Pat Masioni.

Si les deux ouvrages se différencient – le premier, plus sombre, s’adressant plutôt à un public mature, tandis que le second vise les adolescents – l’un et l’autre permettent de comprendre les raisons qui ont conduit à la mythification de Sankara. “C’était un militaire. Mais pas comme les autres. Il avait une conscience et une vision “, explique la mère de Léa-Thomas. Un président féministe et écologiste de 33 ans qui, conscient de la portée des symboles, envoyait les hommes au marché, roulait dans des voitures modestes et réclamait l’annulation de la dette. Mais qui n’eut hélas ni le temps, ni les moyens de faire aboutir son immense ambition: changer le monde.