De nombreux dispositifs enregistrent les signaux électriques cardiaques, donnant lieu à une multitude de données que l’intelligence artificielle (IA) se propose d’exploiter. Un rapport de l’Académie de médecine s’est penché sur ses apports actuels et futurs à la rythmologie cardiaque.
La rythmologie interventionnelle bénéficie des applications d’entreprises privées, dont plusieurs sont françaises. L’IA permet notamment d’améliorer la cartographie anatomique et électrocardiologique de l’oreillette gauche dans le but de repérer et enlever les « rotors » (phénomènes électriques rotatoires), qui sont les principaux mécanismes responsables de la fibrillation auriculaire (FA). L’IA permet de localiser l’origine des extrasystoles, et de la tachycardie ventriculaire, à partir des ECG (électrocardiogrammes) et de créer un modèle de ventricule cardiaque virtuel, individualisé, à partir d’une imagerie classique (IRM). Ces applications ne sont pas encore disponibles, mais il est très vraisemblable qu’elles le seront dans les mois qui viennent.
L’analyse des données de santé de 350.000 personnes permettrait une estimation fiable du risque de mort subite, notamment en identifiant la population ayant 90% de risque d’en faire une dans l’année. Il serait même possible que cette identification soit individuelle. À noter que les variables les plus pertinentes ne sont pas cardiovasculaires.
“Il ne s’agit que d’un début”
Une étude allemande a analysé les données de santé issues des bases d’une soixantaine de compagnies d’assurance et portant sur presque 4,4 millions de patients de plus de 45 ans. Elle a permis d’individualiser des facteurs prédictifs de FA encore et d’accident vasculaire cérébral. Une entreprise française a exploité les données de holters longs pour repérer les FA non symptomatiques. Les données des montres connectées peuvent aussi être mobilisées. L’IA est capable d’affiner les résultats des ECG. Ainsi, l’analyse par l’IA de modifications fines, invisibles à l’œil nu, d’échantillons de 10 secondes d’ECG réalisés chez 180.922 patients s’est avérée capable de prédire le risque de survenue de FA.
Ces quelques exemples illustrent la part de plus en plus importante que prend l’IA en rythmologie cardiaque. « Il ne s’agit que d’un début » soulignent les auteurs du rapport de l’Académie. Cela ne va pas sans poser quelques problèmes éthiques (protection des données, consentement des individus, rôle des praticiens, prédiction inattendue d’un événement grave), de formation des médecins et de confiance des patients dans leurs praticiens.
Recommandations pour un usage pertinent et éclairé
Il s’agit cependant d’un domaine prometteur, pour lequel les auteurs formulent plusieurs recommandations.
Soutenir le développement de banques de données médicales massives françaises permettant leur traitement par l’IA par des chercheurs académiques et industriels autour de projets contractuels d’intérêt mutuels. Pour les rythmologues, disposer d’une banque nationale d’électrocardiogrammes afin de réaliser des études.
Former les médecins rythmologues à la maîtrise de l’IA : intensifier la formation initiale et continue en IA appliquée à la santé, renforcer le niveau mathématique et informatique des médecins rythmologues, favoriser la compréhension des processus de l’IA, « élément majeur de l’appropriation par les médecins de ses résultats. »
Solidifier les aspects éthiques et juridiques le l’IA notamment en cardiologie. Il faut notamment « éclairer et encourager » les relations instituts de recherche-industrie.
Le recours à l’IA n’empêchera pas le rôle du médecin, qui restera indispensable. Mais il est clair qu’il va entraîner un profond bouleversement de la médecine.
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