L’intelligence artificielle à l’honneur au festival international du film de Pingyao : entre craintes et émerveillement

L’intelligence artificielle à l’honneur au festival international du film de Pingyao : entre craintes et émerveillement

L’intelligence artificielle peut-elle aider à transmettre des émotions au cinéma, à participer à l’écriture d’un scénario ou à assister le réalisateur ? Ces questions et bien d’autres ont animé les conversations de la 7e édition du festival international du film de Pingyao (PYIFF2023) cette semaine, qui avait pour thème “Les Temps modernes”. De notre envoyé spécial à Pingyao,

Les remparts de Pingyao n’ont pas bougé depuis le XIVe siècle. Comme sous les empereurs Ming, l’épaisse muraille de pierres et les ruelles de la vieille ville demeurent le terrain de jeu favori des enfants. Entre deux parties de cache-cache et de pierre-feuille-ciseaux, les curieux jettent un œil intrigué sur les affiches du festival international du cinéma qui revient chaque automne dans le chef-lieu de la province du Shanxi, dans le nord de la Chine. Il faut dire que l’image reproduite en grand sur les murs et les écrans publicitaires a de quoi surprendre. Au pied des fortifications plusieurs fois centenaires, un personnage anachronique : chapeau melon, moustache et rose à la main, c’est Charlot le héros sur l’affiche de cette 7ᵉ édition.

L’image a été générée par une intelligence artificielle. Avec les films de Charlie Chaplin (1889-1977), l’IA fait partie des thèmes débattus dans les allées du festival. En partenariat avec la société de production française MK2, le PYIFF2023 accueille une rétrospective de l’œuvre de l’acteur, réalisateur et scénariste britannique, inventeur du personnage de Charlot, dont visiblement les réflexions n’ont jamais été aussi actuelles. “Dans Les Temps modernes, Charlie Chaplin décrit l’impact de la rationalisation de la production et l’arrivée de nouvelles technologies dans le monde du travail et leur impact sur le quotidien des gens dans le contexte de la Grande Dépression, souligne Jia Zhangke. Nous cherchons à comprendre comment nos prédécesseurs, comment les artistes de l’époque ont répondu à ces défis, alors qu’on s’interroge aujourd’hui sur l’impact de l’intelligence artificielle sur le cinéma chinois, sur la réalisation des films et sur nos vies”, poursuit le cinéaste et fondateur du festival de Pingyao.

La sortie de l’Américain ChatGPT à l’automne 2022 a fait l’effet d’une bombe dans le secteur des nouvelles technologies en Chine, mais aussi dans le milieu artistique. Ce n’est pas “ChatGPT m’a tuer”, mais presque… Les entreprises chinoises comme Baidu ont mis les bouchées doubles pour sortir leur propre robot conversationnel. Et l’industrie culturelle se pose une montagne de questions. Trop tard ? “L’intelligence artificielle n’est pas en train de taper à la porte, elle est déjà dans la pièce et la question est maintenant de savoir comment nous allons vivre avec”, assure Lian Yirui.

À Pingyao, le directeur de l’Institut de design et de recherches en architecture de la prestigieuse Université Tsinghua à Pékin, est chargé de modérer une conférence, dont le titre traduit l’urgence du moment : “Continuez avec l’IA” (“Faire avec l’intelligence artificielle”, en français). “Nous sommes là pour réfléchir ensemble à l’impact et aux moyens de s’adapter à cette ère de l’intelligence artificielle”, dit-il en préambule à la rencontre. Les billets pour la conférence sont partis aussi vite que ceux des “master class” de réalisateurs. Dans une salle de béton brute de l’ancienne usine qui accueille le festival, la montagne de questions se traduit par une forêt de mains levées. Il y a là des jeunes professionnels du cinéma en devenir, mais aussi des étudiants de diverses spécialités qui voient débouler l’IA dans leur métier, avec un mélange de craintes et d’enthousiasme.

Dans un contexte de hausse du chômage des jeunes diplômés et de “crise existentielle” à la sortie de la faculté, l’arrivée des machines intelligentes a de quoi faire réfléchir. “La moitié des ingénieurs civils vont perdre leur emploi avec l’intelligence artificielle”, lance l’un des participants à la table ronde. “On ne sait pas ce que l’intelligence artificielle a en tête et l’IA ne dort jamais, tonne Zhou Rong. Elle peut faire semblant pour nous faire plaisir comme un bon cheval, en réagissant en fonction de la réaction faciale de son interlocuteur […]. L’humanité doit réfléchir sur sa condition. Le risque, c’est de voir la stupidité s’amplifier chez les humains alors que l’intelligence artificielle qui est capable de parler toutes les langues continue de se développer, poursuit le célèbre critique d’architecture, qui compare l’arrivée de l’IA, à celle d’un Christophe Colomb venu “éteindre le monde des peuples autochtones des Amériques”. À ce réalisme pessimiste, les autres intervenants ont répondu par un volontarisme plus optimiste. “On ne doit pas avoir peur d’être remplacé par l’intelligence artificielle, mais on peut craindre d’être remplacé par quelqu’un qui utilisera l’intelligence artificielle”, confie Odet Abadia à la sortie de la conférence. Cette professeure à la Shanghai Vancouver Film School s’interroge également sur les modalités de l’utilisation du nouvel outil : “C’est un travail collectif, le cinéma. Même si en tant que cinéaste, vous avez une idée très précise de ce que vous voulez faire, le retour de votre co-scénariste, du directeur de la photographie, etc, est ce qui finit par construire le film. Si nous laissons une seule personne tout faire avec l’intelligence artificielle, il manquera cette part de collaboration dans l’œuvre finale.”

Parler, c’est bien, mais voir, c’est mieux dans un festival de cinéma qui se veut aussi une réflexion sur le métier, sur son éthique et la vérité comme le mensonge qui peuvent sortir des salles obscures. L’intelligence artificielle est utilisée régulièrement pour “pitcher” des histoires, parfois pour générer des images à l’intérieur d’une production, mais encore rarement pour fabriquer l’intégralité d’un film, même court. C’est la performance réalisée ici par des élèves du département architecture de Tsinghua, là encore sous la direction de Zhang Xin. Les étudiants ont produit un court métrage spécialement pour le festival, reproduisant des entretiens entre Charlie Chaplin, Roberto Rossellini et Fei Mu, maître chinois du drame en costume avant la révolution de Mao. “Tout ce que vous voyez à l’écran a été créé via l’intelligence artificielle, explique le professeur, à l’exception de la voix de Fei Mu
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