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Livraisons d’antimatière : quand la science-fiction devient réalité

by Nouvelles

Pourquoi existons-nous ? La clé pour résoudre cette question pourrait bientôt se trouver dans les camions sillonnant les routes d’Europe. Des physiciens s’apprêtent à transporter hors des laboratoires, pour la toute première fois, une substance extrêmement rare qui renferme son lot de secrets sur les origines de l’univers : l’antimatière.

Depuis six ans, des chercheurs du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN), près de Genève, en Suisse, préparent cette expérience extraordinaire. Leur laboratoire, le plus grand centre de physique des particules au monde, est actuellement le seul endroit où l’antimatière peut être à la fois produite et stockée.

Le transport de l’antimatière est un rêve depuis longtemps, explique Stefan Ulmer, spécialiste de la physique des particules et l’un des responsables de ces travaux. C’est une idée qui semble tirée de la science-fiction.

Comme en témoigne le roman Anges et démonsde Dan Brown, dans lequel les Illuminati parviennent à voler de l’antimatière au CERN et à la transporter au Vatican pour fabriquer une bombe.

Pour autant, aucun crime contre la papauté en vue pour Stefan Ulmer et son équipe. Au lieu de cela, les chercheurs tentent de transmettre cette substance à d’autres laboratoires où elle pourra être mieux étudiée.

Des phénomènes fondamentaux inexpliqués

L’antimatière peut être considérée comme le miroir de la matière. Toute matière est constituée d’atomes, eux-mêmes constitués de particules : protons, neutrons et électrons. A l’inverse, l’antimatière est formée d’antiatomes, constitués d’antiparticules : antiprotons, antineutrons et antiélectrons.

Les particules et les antiparticules sont identiques à presque tous les égards. Par exemple, selon les analyses les plus précises effectuées sur l’antiproton, celui-ci possède la même masse et toutes les mêmes propriétés que le proton, sauf la charge qui est opposée.

Cependant, les oiseaux qui se ressemblent ne se rassemblent pas toujours. Lorsqu’une particule et une antiparticule se rencontrent, les deux s’annihilent, libérant un rayonnement électromagnétique.

Selon nos modèles du big bang, au début de l’univers, une quantité égale de matière et d’antimatière auraient été produites, elles auraient donc dû s’annihiler complètement et nous laisser un univers vide, explique Brigitte Vachon, professeure en le Département de physique de l’Université McGill.

Néanmoins, la matière a fini par prendre complètement le dessus, posant les bases de notre existence. Seule une infime quantité d’antimatière peut être trouvée dans l’univers.

Pourquoi alors ? C’est l’une des plus grandes questions que nous nous posons aujourd’hui, répond le professeur Vachon.

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Le dispositif ELENA du CERN ralentit les antiprotons pour les rendre plus faciles à piéger.

Photo : Julien Marius Ordan / CERN

Les physiciens qui étudient l’antimatière au CERN tentent de trouver, outre leur charge, une différence entre particules et antiparticules qui pourrait expliquer ce déséquilibre par lequel la matière en est venue à dominer le monde.

Le problème : les accélérateurs de particules du CERN créent des champs électromagnétiques ambiants qui perturbent leurs expériences.

Après 10 ans d’amélioration continue de nos capacités techniques à prendre des mesures de haute précision, nous avons atteint le point où il n’était plus possible de faire mieux au CERN, souligne Stefan Ulmer. L’idée est donc de transporter cette antimatière vers un laboratoire spécialisé dans les mesures de haute précision pour pouvoir y réaliser nos expériences.

Les chercheurs prévoient, dès l’année prochaine, de tester le premier transport d’antiprotons par camion sur le site du CERN. Si le test réussit, environ 1 000 de ces antiparticules parcourront 700 kilomètres jusqu’à un laboratoire spécialisé de la ville de Düsseldorf, en Allemagne.

Le diable est dans les détails

Planifier un tel voyage dans l’antimatière est un travail de moine. Chaque étape, chaque manœuvre doit être exécutée à la perfection pour éviter tout contact des antiparticules avec les particules qui entraînerait la perte de cette ressource rare.

Les chercheurs doivent d’abord piéger les antiprotons dans de petits tubes métalliques et les maintenir en suspension grâce à de puissants champs magnétiques. Ensuite, à bord du camion, un vide quasi total doit être maintenu dans ces tubes tout au long du trajet grâce à un système de refroidissement.

L’équipe avait déjà remporté une première victoire en octobre dernier. Elle a réussi à transporter 70 protons par camion pendant 20 minutes jusqu’au site du CERN, une procédure qui, en soi, était une première.

C’est une très bonne nouvelle, car il n’est pas beaucoup plus compliqué de transporter des antiprotons que des protons, explique François Butin, ingénieur en chef de l’usine d’antimatière du CERN. Il faudra juste parvenir à maintenir un niveau de vide encore plus élevé.

Quatre chercheurs casqués se tiennent sur une plateforme devant une caisse métallique soulevée par une grue.

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Un piège à antimatière est levé par grue jusqu’aux laboratoires du CERN.

Photo : CERN

François Butin coordonne également un autre projet du CERN, encore plus ambitieux, qui vise à livrer un milliard d’antiprotons par camion.

L’ingénieur se veut rassurant : cette quantité d’antimatière est encore trop faible pour donner lieu à une explosion, comme dans le roman Anges et démonsen cas d’accident. Cela dit, on commence à être plus prudent, c’est-à-dire que si on perd ce milliard d’antiprotons d’un seul coup, la dose de rayonnement à proximité immédiate du piège commence à être mesurable et à dépasser ce qu’on autorise pour le grand public. .

Il ne faut pas considérer cela comme un danger, mais cela nécessite de prendre des précautions et cela nécessite aussi que des réglementations soient définies car aujourd’hui, nous n’avons pas de réglementation pour le transport d’antimatière par route, précise-t-il.

A terme, si cette réglementation est établie, François Butin espère faire du CERN une station-service d’antiprotons, ce qui permettrait aux laboratoires européens intéressés par ceux-ci d’y avoir accès. Et pourquoi ne pas en transporter par avion ? Il n’y a aucune impossibilité théorique ! ajoute-t-il, dans un élan d’optimisme.

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