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Lorsque l’humour est utilisé astucieusement, il sert également à soulager la maladie | La hache de pierre | Science

Lorsque l’humour est utilisé astucieusement, il sert également à soulager la maladie |  La hache de pierre |  Science
L’écrivain Rafael Chirbes dans son atelier de Beniarbeig (Alicante).Jésus Ciscar

L’histoire de l’humanité est l’histoire des épidémies et aussi de leur transmission. C’est ce que vient nous dire Rafael Chirbes dans l’une des entrées de son agendas (Anagramme, 2021), pour diriger plus tard l’acidité de sa critique vers l’Europe du baroque chrétien, dont la pensée est conditionnée par le Concile de Trente (1545-1563) où la foi catholique restera figée jusqu’à nos jours.

A partir de ce moment, le corps humain sera officiellement traité comme dépositaire des maladies, le contact direct étant le moyen de transmission de ces maladies. “Les corps sont des sacs de crasse, des émissions de virus”, dit Chirbes, qui n’a pas lésiné sur les frottements et les barbotages corporels comme il le détaille lui-même, sans vergogne aucune, dans les pages de son quotidien. “Quoi qu’en disent les prêtres”, le corps à corps était une affaire sérieuse pour Chirbes.

Quoi qu’en disent les prêtres, le corps à corps était une affaire sérieuse pour Chirbes

Il y a un moment où Chirbes, loin du formidable émoi hérité du Concile de Trente, cite François Rabelais (1494-1553), le médecin qui écrivit une série de livres inspirés de la tradition populaire où il utilise la dérision et l’excès pour expliquer et critiquer la monde. Pantagruel et Gargantua sont deux géants inventés par Rabelais pour divertir les malades, comme il le précise dans sa dédicace, où les fictions que Rabelais a écrites sont offertes pour consoler les “Buveurs très illustres et précieux vérolés» (du français : ivrognes très illustres et précieux), malades mordus par la maladie dite française ou syphilis.

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Le Géant Gargantua, gravure de Gustave Doré (1854)
Le Géant Gargantua, gravure de Gustave Doré (1854)

Lorsque la syphilis est apparue sur le continent européen, et pour la différencier de la variole, on l’appelait « grosse vérole », soit la variole « petite vérole ». Ce ne sera que le début, l’entrée dans un monde où la médecine de l’époque apparaît dans tous les recoins de l’histoire avec des citations de personnalités médicales comme Hippocrate ou Galien ainsi que des allusions à des maladies où la religion domine le champ scientifique. Sans aller plus loin, dans les récits de Rabelais, il y a des références à la maladie connue autrefois sous le nom de feu de la Saint-Antoine, aujourd’hui appelée ergotisme.

Il s’agit d’une intoxication produite par l’ingestion d’ergot, un champignon parasite qui contient un alcaloïde appelé ergotamine, qui est aussi le lieu de synthèse de l’acide lysergique, la drogue hallucinogène que l’organisme de Bosch a dû synthétiser (1450-1516), peintre qui a traversé les portes de la perception. Dans une de ses oeuvres, le triptyque intitulé Les tentations de San Antonio, on trouve un infirme, victime d’un ergotisme gangreneux dont l’effet est brûlant dans les extrémités ; des mains, des jambes et des bras qui se rident et noircissent, et dont le seul remède est l’amputation.

Rabelais parle de la maladie du feu de San Antonio, aujourd’hui connue sous le nom d’ergotisme : intoxication produite par un champignon parasite qui synthétise l’acide lysergique

Le nom de feu de San Antonio vient de la chaleur de la maladie et parce que les moines de l’ordre de San Antonio sont chargés de soigner les malades souffrant de ladite maladie. La recette pour les guérir — quand l’ergotisme n’a pas encore atteint les extrémités — consistait en du pain perdu fait avec du pain de blé et trempé dans du vin.

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A la fin du premier livre de Gargantua et Pantagruel, l’un des personnages urine sur le mur d’un couvent dédié à la guérison des patients souffrant d’ergotisme. Dans un autre de ses livres, le feu de San Antonio est utilisé pour maudire : “Que le feu de San Antonio vous brûle si vous ne nettoyez pas tous vos trous avant de partir !” Et dans ce plan, le voyou Rabelais a créé une œuvre immortelle où la science du temps et le sarcasme se conjuguent pour divertir les malades dont l’esprit se plaît à rire du monde dans lequel ils ont vécu. Des centaines d’années plus tard, Rafael Chirbes se souviendra de lui dans son agendas.

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