L’ancien dessinateur de “Charlie Hebdo” récolte le Fauve d’or, le prix du meilleur album, lors du 52e Festival international de la BD d’Angoulême. Une édition marquée par une défiance des différents acteurs du secteur envers la direction de la manifestation.
Luz, le 20 novembre 2023, à Paris Photo Julien Jaulin / Hans Lucas
Publié le 01 février 2025 à 21h15
Mis à jour le 03 février 2025 à 10h38
Racte « très oppressant », et pourtant son livre « le plus fluide et aéré » selon les propres mots de Luz, Deux Filles nues (éd. Albin Michel, déjà lauréat notamment du Grand prix de la critique ACBD 2025) a reçu le Fauve d’or du 52ᵉ Festival international de la BD d’Angoulême – il succède à Monica, de l’Américain Daniel Clowes. L’auteur de Catharsis ET Testostéror, ancien dessinateur de Charlie Hebdo, ose y embarquer les lecteurs dans une biographie particulière, celle d’un tableau. À travers les « yeux » de la peinture Deux Filles nues, donc, réalisée par l’expressionniste allemand Otto Mueller en 1919, il montre la montée du nazisme, la cruauté et le chaos qui s’ensuivent. Présidé par l’actrice et réalisatrice Zabou Breitman, le jury (composé des auteurs Coco, Catel et Jul, des journalistes Camille Diao et Charlotte Pudlowski, et du Libraire se cache) a ainsi couronné un album important, dont l’écho politique actuel doit être souligné. Luz y réussit aussi un tour de force formel, tissant avec sobriété un récit historique glaçant, en laissant le lecteur deviner les drames qui se nouent hors champ.
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Ce cru 2025 de la manifestation, qui a aussi consacré Grand Prix la fantaisiste Anouk Ricard, a été marqué par une défiance assez généralisée envers la direction du festival. Cette dernière a été pointée, à travers une enquête parue dans L’Humanité, pour avoir favorisé un virage commercial, entretenir un management brutal et toxique, ou encore (et surtout) avoir licencié une salariée victime, dans le cadre de la précédente édition, d’un viol sous soumission chimique – des accusations que la société 9e Art+, qui gère le festival, réfute. Les éditeurs, gros et plus petits, s’en sont émus, et certains auteurs et autrices ont réagi vivement, demandant la démission du délégué général Franck Bondoux via des dessins publiés en ligne ou des banderoles étalées pendant la manifestation. Sur scène samedi 1ᵉʳ février, durant la cérémonie de remise des prix, Chamo, la codirectrice des éditions L’Articho, a ainsi appelé à « des changements radicaux », pour un festival « plus intègre, plus humain, plus inclusif et plus créatif ». L’une des jurées, Camille Diao, a annoncé que, à la suite des discussions entamées par le jury avec elle, la direction du festival avait pris un engagement oral : celui de faire mener par un tiers un audit interne sur les dysfonctionnements de la prise en charge des violences sexistes et sexuelles.
« Deux Filles nues », de Luz, éd. Albin Michel
Fauve d’or (prix du meilleur album) : Deux Filles nues de lumière (éd. Albin Michel)
Prix spécial du jury ex aequo : En territoire ennemi, de Carole Lobel (éd. L’Association) et Les Météores. Histoires de ceux qui ne font que passer, de Tommy Redolfi et Jean-Christophe Deveney (éd. Delcourt)
Prix de la série : Démence 21 vol. 2, de Shintarō Kago (éd. Huber)
Prix révélation : Ballades, de Camille Potte (éd. Atrabile)
Prix du patrimoine : Viens venir, de Lynda Barry (éd. Çà et là)
Fauve Polar SNCF : Revoir Comanche, de Romain Renard (éd. Le Lombard)
Prix Éco-Fauve : Vert de rage. Les enfants du plomb, de Sébastien Piquet et Martin Boudot (éd. Michel Lafon)
Prix du public France Télévisions : Impénétrable, d’Alix Garin (éd. Le Lombard)
Fauve des lycéens : Contes de la mansarde, d’Iris Pouy et Elizabeth Holleville (éd. L’Employé du moi)
Prix de l’alternative Equo de la BD : Frustration féminine fanatique (réalisé par Lucile Ourvouai, Morgane Somville et Elsa Klée) et Hairspray Magazine (édité et publié par Karla Paloma)
Prix Jeunesse : Retour à Tomioka, de Laurent Galandon et Michaël Crouzat (éd. Jungle)
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