Home » International » Mafias sans frontières – Monde et Mission

Mafias sans frontières – Monde et Mission

by Nouvelles
Mafias sans frontières – Monde et Mission

2024-03-12 10:49:22

Albanaise, nigériane, chinoise, russe… Ce sont quelques-unes des mafias étrangères présentes en Italie, parfaitement intégrées au système criminel organisé local.

La mafia est trop souvent « étrangère » dans le débat italien. « Étranger » non pas pour l’origine de ses affiliés, mais dans la réflexion sur les causes et les effets que produit quotidiennement l’économie mafieuse. Une réflexion qui, si elle était menée sérieusement, remettrait en question les styles mêmes sur lesquels repose notre propre société, entièrement basée sur l’argent et non sur d’autres valeurs. Et les mafias gagnent de l’argent et le pouvoir qui va avec, un absolu. Mais la mafia est « étrangère » aussi parce que nous sommes toujours à la recherche d’un « autre » coupable, d’un autre que nous qui porte la responsabilité de ce qui ne fonctionne pas, une « autre » culpabilité nécessaire.
Albanaise, nigériane, chinoise, russe… ce ne sont là que quelques-unes des mafias « étrangères » en Italie. Trafic de drogue et d’armes, trafic d’êtres humains, exploitation économique et sexuelle, blanchiment d’argent… ne sont que quelques-unes de leurs principales activités illicites.

Un premier et fondamental point pour comprendre ces mafias est le fait que leur présence, leur existence et la continuité de leurs opérations en Italie ne sont possibles que et exclusivement grâce aux mafias italiennes. La possibilité a parfois été évoquée que des mafias étrangères pourraient remplacer les mafias locales, récit utile uniquement à des fins criminelles mais jamais véridique. Et dans un pays traversé de multiples connotations racistes, le débat sur les mafias étrangères n’a jamais vraiment lié leur présence à l’approbation de la mafia, de la camorra et de la ‘ndrangheta. Toujours prêt à rejeter la faute sur l’étranger, silencieux lorsqu’il s’agit de parler des mafias, encore plus lorsqu’il s’agit d’attribuer des responsabilités précises.

Les mafias italiennes n’évaluent pas la couleur de la peau, la religion, la différence linguistique ou l’origine, aussi parce que, si la croyance est l’argent, tout le reste est secondaire : une évolution de la pensée libérale qui ne laisse pas de place au racisme, du moins du moins apparemment. Tant que l’argent circule, tout est acceptable.
Un autre point fondamental dans la compréhension des mafias étrangères est le fait que l’on cherche toujours à produire une échelle de danger. Mais c’est un exercice stérile. Chaque mafia a toujours besoin d’attention, d’étude et de contraste. Plus important encore, ces mafias sont « étrangères » en Italie précisément et uniquement parce qu’elles sont en Italie. Cela ressemble à un jeu de mots, mais ce n’est pas le cas. L’Italie, en fait, est le seul pays dont la législation utilise le mot « mafia » ; ailleurs on parle de groupes criminels organisés, en négligeant les traits les plus dangereux de ce qu’est une mafia enracinée au cœur d’une société.

La cartographie de ces mafias doit également nous amener à mieux comprendre les communautés étrangères présentes dans notre pays et à interagir avec elles. Mais d’un côté, il y a une société encore essentiellement fermée et qui ne dialogue pas avec les différentes nationalités ; de l’autre, les mafias qui font du dialogue un de leurs piliers. Comprendre évite les morts et les malentendus. C’est ainsi que s’effectue le blanchiment d’argent par des groupes chinois pour le compte des ‘Ndrangheta calabrais ou des courtiers en drogue nigérians pour les clans napolitains.

Les mafias ont aussi une autre caractéristique : le déni des frontières. Bien sûr, la territorialité et le contrôle de son fief restent importants, mais il existe également une volonté forte d’effacer toute forme de frontière pour être partout. Deux extrêmes non absurdes à coexister. En fin de compte, c’est la même attitude que l’Europe qui ne veut pas de frontières dans son action de conquête des marchés économiques, mais ferme hermétiquement les frontières de ses territoires aux personnes. La différence substantielle est que les mafias croient aux avantages mutuels du fait de travailler ensemble, alors que l’Europe ne croit pas à la possibilité d’ouvrir ses frontières aux migrants.

Les mafias étrangères devraient être un objet d’étude constant : cela permettrait également de comprendre les flux migratoires et économiques. Les Albanais eux-mêmes, par exemple, sont passés du statut de travailleurs criminels à ceux des principaux acteurs de la logistique du trafic de drogue en Europe. De plus, il serait possible de comprendre l’évolution de la Méditerranée et de ses échanges commerciaux. La présence de mafias étrangères devrait également donner une forte impulsion à la collaboration et à la coopération entre les systèmes judiciaires des pays proches et lointains. Mais on sait bien qu’une commission rogatoire internationale ou une extradition n’avance pas aussi vite que les colis d’un grand distributeur. Cela remet en question la réelle volonté de lutter contre le crime organisé à l’échelle mondiale et nous fait réfléchir sur les chemins empruntés par l’argent et dans quels paradis fiscaux il se cache. Des « paradis » souvent moins « étrangers » qu’on ne le pense.

L’histoire mafieuse de l’Italie fait de nous un point d’arrivée et de rencontre, un laboratoire d’alliances et un carrefour de nouveaux trafics. L’histoire de la mafia est comprise précisément comme l’évolution historique d’un pays qui a un problème grave comme celui des mafias, qui ont toujours été ignorées dans les manuels d’études du lycée. On s’en souvient de temps en temps, pour une initiative ou une commémoration. Il en va de même pour les mafias étrangères qui ne deviennent « attentives » que lorsqu’elles peuvent être utilisées, notamment celle du Nigeria, pour fomenter le racisme, mais il en va de même pour la communauté chinoise, un monde difficile à comprendre et souvent associé à une mafia puissante. Une meilleure connaissance des mafias étrangères nous donnerait également une meilleure connaissance de notre territoire.

Enfin, pour comprendre une mafia, il faut partir des victimes : qui sont-elles ? D’où ils viennent? S’agit-il d’hommes et de femmes italiens ou des mêmes personnes issues des communautés de migrants ? Et que faire pour les protéger et ne pas les laisser tomber dans un isolement complet ? Ignorées par les Italiens et isolées par leurs communautés, les victimes étrangères deviennent des fantômes dont l’histoire et la volonté de se rebeller et de se libérer des abus ne seront jamais connues. Ce n’est pas pour cela que nous célébrons autant de héros anti-mafia.



#Mafias #sans #frontières #Monde #Mission
1710272609

You may also like

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.