“C’est un jeu d’échecs.” C’est ainsi que Todd Haynes décrit son travail. “Vraiment un jeu d’échecs”, insiste-t-il. Dans les bureaux parisiens de son distributeur français, ARP, qui assure la sortie en salle de son nouveau long-métrage, Mai décembre, le 24 janvier, le cinéaste de 63 ans est animé. Il se lève, se rassoit, se lève à nouveau. Et mime une partie d’échecs avec ses mains.
“À mon avis, les mélodrames les plus bouleversants sont ceux où un individu essaie d’exprimer un désir que son milieu social s’efforce de réprimer. Et, à la fin, cet individu détruit tout autour de lui.” Mais alors, pourquoi un jeu d’échecs ? “Il ne s’agit pas d’éliminer des pièces”, précise-t-il, mais de la “douleur infligée” à ses personnages, de leur sort, de l’intensité qui monte, de l’angoisse constante d’être mis échec et mat.
Dans Mai décembre, son onzième film, en compétition à Cannes en 2023, les victimes de ce jeu de massacre sont toutes désignées. Une actrice célèbre (Natalie Portman) arrive à Savannah, en Géorgie, dans une magnifique maison au bord du fleuve. Elle vient rencontrer une femme qu’elle s’apprête à incarner à l’écran. En la rencontrant, carnet de notes à la main, elle tente de saisir ses gestes, ses postures, de comprendre ce qui l’anime.
La démarche est habituelle pour toute actrice qui s’attaque à un personnage réel. Sauf que, ici, le modèle est difficile à cerner. Gracie, interprétée par Julianne Moore, est une femme d’une cinquantaine d’années à la vie en apparence banale. Mais elle a fait les gros titres il y a deux décennies, pour avoir eu une liaison, alors qu’elle était une mère de famille trentenaire, avec un jeune garçon de 13 ans.
Jeu de faux-semblants et de non-dits>
La liaison, d’abord gardée secrète, a fait grand bruit lorsqu’elle a été révélée au grand jour. Et c’est ce scandale que l’actrice tente de comprendre vingt ans plus tard, en parcourant la ville, en rencontrant des témoins de l’histoire et en découvrant, au fil de son enquête, les fragilités du couple formé par les anciens amants. Surgit alors un jeu ambigu de faux-semblants et de non-dits, de complicité et de reproches.
Mai décembre s’appuie sur une histoire vraie qui a passionné et choqué l’Amérique à la fin des années 1990 : la relation entre Mary Kay Letourneau, une professeure de mathématiques de l’État de Washington, alors âgée de 34 ans, et l’un de ses élèves, Vili Fualaau, 12 ans. Condamnée pour détournement de mineur, Mary Kay Letourneau a eu deux enfants en prison avec son jeune amant, qu’elle a épousé en 2005, à sa majorité.
Il vous reste 80% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
#December #Todd #Haynes #cinéaste #destabous
publish_date]