McCarthy & C, la littérature en dessins

McCarthy & C, la littérature en dessins

2024-06-07 11:13:44

Depuis des années, toutes les principales maisons d’édition du secteur sont présentes à la Foire du livre de Turin et des avant-premières de bandes dessinées sont publiées. Parmi les propositions les plus intéressantes de la dernière édition figuraient sans aucun doute les versions comiques de romans. Comme ‹‹The Road» (Coconino Press Fandango) du français Manu Larcenet, tiré du roman du même nom de Cormac McCarthy, prix Pulitzer en 2007, avec le voyage d’un père et de son fils dans un monde post-apocalyptique, ou comme ‹‹Le Désert de Tartari” du chef-d’œuvre de Dino Buzzati de 1940 avec la vie du lieutenant Drogo dans la lointaine forteresse de Bastiani, publié par Sergio Bonelli de Tex avec des textes de Michele Medda et des dessins de Pasquale Frisenda.

Ces deux tomes se ressemblent plus qu’il n’y paraît : des récits atmosphériques avec de rares événements marquants.

Surtout “The Road”, avec très peu de dialogues et avec deux protagonistes anonymes.

Larcenet sait très bien qu’il doit travailler sa perception du temps. Si au cinéma le temps passe quand même et que dans la fiction il y a des descriptions, en bande dessinée on se retrouve face au problème classique des dessins animés « muets » : comment réussir à maintenir le lecteur sur la page, à s’assurer qu’il ne fasse pas défiler le volume trop vite? Le pari est gagné avec des dessins très riches et détaillés qui engagent donc la lecture.

«Le dessin doit être suffisamment intéressant pour que le lecteur puisse continuer à lire même sans la présence de mots. – a déclaré Larcenet – Il n’y a pas de narration, c’est le dessin qui raconte, il n’y a pas de dialogues, c’est le dessin qui explique».

Curieusement, à un moment donné de l’histoire, le garçon trouve des livres abandonnés dans une maison, dont un du grand illustrateur français Sempè, récemment protagoniste du magnifique film d’animation “Les Aventures du Petit Nicolas” (un personnage qu’il a créé à partir de textes du brillant écrivain Renè Goscinny, co-créateur d’Astérix avec le dessinateur Albert Uderzo), sorti en Italie au début de l’année. Le choix de l’illustrateur n’est certainement pas aléatoire

«Les oiseaux que je représente sont pour moi l’occasion de rendre hommage à Sempè. – ajoute Larcenet – Un brillant dessinateur qui m’a fait comprendre qu’il n’est pas nécessaire de tout dessiner, que le dessin, ou même simplement l’esquisse, peut se contenter de suggérer».

Da Howard et Lovecraft

Il y a trente ans, l’écrivain Paul Auster, décédé le 30 avril, sans se rendre compte qu’il s’agissait de médiums différents, disait : « Pourquoi adapter un livre dans un autre livre ? après avoir appris son intention de réaliser une version comique d’un de ses romans.


Au contraire, une grande partie des critiques estiment que la bande dessinée “City of Glass” (publiée en Italie par Coconino Press Fandango), grâce surtout aux beaux dessins de David Mazzucchelli (le texte est de Paul Karasik), est supérieure à l’original. source.

Après tout, City of Glass est un film noir, bien que sui generis, et quelques années plus tôt, Mazzucchelli, basé sur des textes de Frank Miller, avait dessiné «Batman: Year One» et «Daredevil: Born Again» qui ressemblent apparemment à des super-héros. histoires (Batman et Marvel’s Daredevil respectivement), mais en réalité ce sont des bandes dessinées noires à tous points de vue.

Or, « roman graphique » est souvent utilisé pour désigner des bandes dessinées parfois prétentieuses ou autobiographiques, il y a une dizaine d’années chez Lucca Comics un maître de la bande dessinée d’aventures comme le Belge Hermann avait dit « les romans graphiques sont des masturbations intellectuelles ». En réalité, la première bande dessinée américaine à se définir comme un « roman graphique » fut « Bloodstar » du grand Richard Corben, sorti en 1976 : une adaptation, par ailleurs sui generis (l’auteur de Kansa déplace l’action d’un passé ancien de terre vers un avenir post-apocalyptique) de « La Vallée du Ver », une histoire du créateur de Conan le Barbare Robert Ervin Howard. Une excellente histoire fantastique avec pour protagoniste (Bloodstarr, en fait), le héros classique de Howard, intrépide et presque invincible (dans la bande dessinée, il meurt héroïquement, dans l’histoire originale, il évoque l’une de ses vies antérieures).

S’il y a souvent des débats sur la qualité d’un roman ou de son adaptation cinématographique et, au cours des quinze dernières années sur la bande dessinée ou le film qui s’en inspire, on discute rarement des différences entre roman (ou histoire) et bande dessinée, peut-être parce qu’il s’agit pourtant de supports papier. Mais généralement, les meilleures adaptations d’un roman sont celles qui tiennent compte des différences entre les langues.

Le Japonais Gou Tanabe adapte avec succès les histoires du maître de l’horreur Howard Phillips Lovecraft (entre autres un ami de Howard). Dans la version manga, le travail de ce qu’on appelle Providence Solitaire fonctionne très bien, aussi parce que Tanabe est “fidèlement infidèle” : si l’Américain est synthétique, le Japonais est torrentiel, le premier évoque l’horreur, le second n’a pas peur de montrer tout en parvenant à susciter la peur chez le lecteur.

Hugo Pratt a défini la bande dessinée comme une « littérature dessinée » : expression peut-être un peu réductrice de la part du créateur de Corto Maltese, étant donné qu’elle est un médium en soi, mais les adaptations comiques de romans et de nouvelles sont à toutes fins utiles « littérature dessinée››.



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