2024-12-07 11:50:00
Ce furent mes années universitaires, à la Faculté de Philosophie de Rome. Et les paroles de Socrate sur la Guérison accompagnaient mes journées, non sans inquiétude je dirais. La compréhension de la souffrance humaine me donnait déjà matière à réflexion, mais je n’imaginais jamais où cette possibilité me mènerait. C’est ainsi, presque par hasard, que j’ai rencontré les textes du psychiatre Eugenio Borgna, un important représentant de la phénoménologie et protagoniste, avec Franco Basaglia, de cette révolution psychiatrique, commencée dans les années 1960, qui avait fait de l’Italie un modèle de traitement dans le monde.
Borgna était connu pour avoir ouvert les portes de l’hôpital psychiatrique de Novara et pour avoir rendu les patients libres de se déplacer et de parler d’eux-mêmes, allant à l’encontre de l’organicisme et de la violence infligée sous forme de thérapies. La lecture de ses textes a accompagné les longues années de mon éducation et de mes recherches philosophiques, me rapprochant toujours plus de cette folie, la « sœur cadette de la poésie », que je trouvais comme compagne de voyage dans les regards sans vie et d’espoir des gens seuls, et dans leur labeur des jours tout de même. C’est ainsi que j’ai abordé la psychologie, en raison de cette philosophie qui unit les individus et les âmes. Je suis entré dans le monde de la psychologie par une autre voie, non pas par les manuels, mais par cette pratique philosophique qui a rapproché la psychologie de la vie au point d’en brouiller les frontières. Une pratique qui m’a donné l’occasion de rencontrer, bien des années plus tard, ce Doux Maître sur lequel j’avais beaucoup lu.
C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans cette passion pour la phénoménologie qui avait été à la base d’une transformation culturelle d’époque et à laquelle Borgna n’avait jamais cessé de croire et qu’il voulait relancer jusqu’au bout. La rencontre sur ces questions a été pour moi le début d’un dialogue précieux, un dialogue de Cura. Le sien pour moi, le mien pour son Dasein. Un dialogue, le nôtre, sur la souffrance et sur la temporalité, le même qui enlève parfois la joie du cœur et devient pourtant un mystère, mais qui peut être compris si l’on veut l’écouter.
Mais comment faire pour être toujours là ? Dans les nuits sombres de ceux qui vivent à la limite du temps, avec ceux qui ont perdu le chemin du retour. Comment restez-vous à l’écoute ? Dans les ruelles mornes des vies désertées, dans les cris silencieux d’un cœur qui n’espère plus. Pourtant dans l’indicible tu peux écouter, en fusionnant ton temps avec celui de l’autre, tu peux y être. En abandonnant tout jugement et toute contrainte, vous pouvez le faire. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à écrire ensemble sur ce sujet, sur la guérison, avec le désir de redonner un nouvel humanisme aux générations d’étudiants, et un nouvel espoir à ceux qui souffrent. J’ai pu lier mon espérance à la sienne, comme ce « fil qui soutient », soutenue par des paroles aimables, par l’estime et la courtoisie que seul un Maître Doux peut offrir. Sa générosité est immense, et néanmoins son attention à mon égard dont je lui serai toujours reconnaissante.
Beaucoup, dans ce moment de découragement, parlent de la beauté de son art de médecin et de ses précieux enseignements, comme celui de ne pas reculer face à la douleur mais de se lancer dans cet effort, en trouvant sa voie dans les mots qui guérissent. et dans les silences du cœur pour offrir un abri. C’est ce que nous enseigne l’œuvre d’Eugenio Borgna, un guide sûr pour les temps à venir, pour être toujours là pour celui qui demande quelque chose, en offrant l’écoute nécessaire à ce que l’autre demande, même au milieu de souffrances indicibles et (je suis) possibilité de rencontre. C’est là son invitation : regarder dans cet abîme profond, avec un regard qui sait reconnaître la souffrance humaine comme la sienne, comme une « communion de destin », où l’on rencontre l’autre au-delà du diagnostic et du jugement.
À l’Hôpital Psychiatrique de Novare, où Borgna fut d’abord directeur puis chef des services territoriaux, il apporta la philosophie, la littérature et la poésie, avec lesquelles il habita le sens du vrai soin, en se rappelant l’importance de cette dernière pour l’apprentissage des émotions, pour cela l’humanité blessée et incomprise, qui devrait plutôt être protégée. Ses précieux textes restent un grand héritage sur lequel s’appuyer, pour chaque personne et pour tous ceux qui veulent avoir affaire à Cura.
Un grand psychiatre italien s’en va. Son absence laisse suspendu, comme sans père, comme si le monde se terminait aujourd’hui. Certes, une lumière s’éteint, mais pas l’espérance donnée, la même que j’ai promis de porter partout, avec les enseignements reçus et les paroles aimables, pour que la souffrance soit toujours acceptée, comme on le fait avec une sœur blessée qui ne peut pas peut promettre une guérison immédiate, mais vous pouvez offrir votre présence, pour un salut qui semble éternel. Dans cette possibilité nous nous reconnaissons, et cela unit ceux qui restent, étroits et étonnés face au silence, dans un vide qui pourtant est un tout s’il y a encore une lumière à suivre.
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