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Napoléon amoureux | Le courrier

Napoléon amoureux |  Le courrier

2023-11-30 12:54:41

D’emblée, et au sens le plus littéral de l’expression, Ridley Scott s’inscrit dans la perspective britannique négative lorsqu’il présente la Révolution française, largement applicable à la figure de Napoléon. Ce n’est que jusqu’à un certain point, car sa fausse présentation dans les premières images comme témoin de l’exécution de Marie-Antoinette vient aussi nous dire quelque chose de réel et qui constitue sa contribution historique la plus réussie : la canalisation du processus révolutionnaire. , contre ces Jacobins qui, dans le film, écrasent à coups de canon, pour éclairer une nouvelle société basée sur les principes d’organisation et de hiérarchie, sur le dépassement de l’Ancien Régime et du code civil. Mais il est logique que l’image de l’empereur dans ce « Napoléon » ait été perçue par beaucoup en France, y compris par des spécialistes (Gueneffey, Tulard), comme ouvertement anti-française. L’interprétation brutale du personnage par Joaquín Phoenix, manquant de nuances et inchangée au fil du temps, renforce cette impression.

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Basé sur la abondante correspondance entre Napoléon et son épouse Joséphine de Beauharnais, le film de Ridley Scott permet une approche insolite du premier sous l’angle des sentiments. Une chaîne qui, grâce au mélange de passion et de frustration, nous rapproche d’autres problèmes de sa personnalité politique. Les lettres sont très éloquentes. Ils nous parlent d’un homme ébloui par les charmes de Josefina, cette “forêt noire” dont elle révèle la capacité d’attraction dans le film, mais aussi limitée par la “petite épée” avec laquelle, en tant que jeune général – beaucoup plus jeune que l’acteur, moins de 30 ans contre 50 – tente en vain de la posséder, Ridley Scott raconte avec justesse ce jeu d’amour (Napoléon) et de réception passive (Josefina), par une femme qui ne l’aime pas, mais comprend ce que représente le général victorieux pour les siens. statut et celui de ses enfants.

Vanessa Kirby et Joaquin Phoenix dans “Napoléon”.

L’histoire du film reflète également la manière dont la situation initiale difficile se transforme en une amitié pleine de tristesse, au-delà même du traumatisme du divorce. Il n’oublie pas non plus dans l’épilogue la relation éphémère entre Joséphine divorcée et le tsar Alexandre lorsque les Russes entrent à Paris, à la veille de sa mort que certains attribuent à un empoisonnement.

Simple question d’amour ? La personnalité de Napoléon Bonaparte était bien plus complexe que celle d’un simple « miles gloriosus », et les lettres montrent comment les déclarations d’amour s’articulent avec le récit de ses victoires, comme s’il voulait la faire participer à celles-ci, l’attirer. Un homme doté de l’ego formidable de Napoléon devait nécessairement souligner cet écart entre ses spectaculaires réalisations militaires et politiques, d’une part, et, d’autre part, son expérience passionnée mais maladroite d’amant, prolongée dans le temps. D’autant plus qu’en bon Corse, Bonaparte lie toujours amour et famille, honneur et pouvoir. La notion d’honneur est présente dans le pardon de ses infidélités : divorcer aurait signifié reconnaître publiquement l’affront subi ; Il valait mieux conserver la position d’honneur, en ignorant la tromperie.

Ridley Scott pointe bien dans cette direction, avec le rôle de la mère à ses côtés et l’attention portée aux enfants de sa femme, qu’il a pleinement intégrés dans la réalité, au sein de sa conception du pouvoir impérial comme extrapolation de la pyramide formée à l’échelle continentale. par son clan familial. Les Bonapartes domineront l’Europe, comme auparavant ils auraient voulu dominer la Corse.

Ce sont des suggestions qui s’insèrent dans le cadre limité d’un biopic, où l’ampleur du sujet dépasse les limites temporelles d’un film. Les mutilations sont alors inévitables et coûteuses. Le saut d’Austerlitz à la campagne de Russie conduit à l’invasion de l’Espagne ; le chemin vers le titre impérial, le pendule significatif de connexion et de rupture avec son frère Luciano, architecte de son coup d’État et mouton noir pour son idée familiale du pouvoir ; la primauté de l’histoire héroïque, les incursions répétées dans la violence et la répression de masse, parfois dans le crime – duc d’Enghien, condamnation de la princesse des Asturies – dans le sillage du peu honorable honneur corse.

C’était un premier pas vers la guerre totale meurtrière du XXe siècle. Et bien sûr, on ne compte pas dans ce « Napoléon » sa jeunesse oubliée « abertzale », en tant qu’anti-français viscéral à la manière de notre Sabino Arana, et la construction par lui-même de sa propre figure comme mythe national positif depuis l’exil de Sainte Hélène. Ici Napoléon a gagné pour toujours dans la conscience des Français. Mais comme le prévient Ridley Scott, il n’avait pas l’intention de donner une leçon d’histoire avec « Napoléon ».

La splendide bataille d’Austerlitz, recréée dans l’ombre d’Eisenstein, ou la non moins falsifiée charge finale de Waterloo en sont des exemples. Ridley Scott n’arrive pas à la cheville de “Blade Runner” ou des “Duelistes”, mais il nous raconte son Napoléon et nous invite, nous aussi les historiens, à approfondir la complexité de sa figure et de son œuvre. Déjà assez.

Antonio Elorza est l’auteur de « Un jeu de trônes traditionnel ». Godoy et Napoléon, une lutte atroce pour le pouvoir, 1801-1808′. (Alliance, 2023).



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