Nouvelles Du Monde

Nos violences. Par Pier Aldo Rovatti – Forum sur la santé mentale

2023-10-08 18:53:08

Les scénarios de violence sont différents. Il y a la violence planétaire, celle qui traverse l’histoire passée et survit dans l’histoire présente avec les guerres, la répression et les exterminations dont nous apprenons chaque jour les journaux et les médias, même si nous croyons en être loin et même immunisés. Un autre scénario est celui de la violence sociale dans laquelle nous vivons, en essayant de la combattre avec les outils de défense démocratique dont nous disposons.

Ces deux scénarios de violence ont en commun une dimension « d’objectivité », dans le sens où nous les considérons et les traitons comme des réalités extérieures à nous, peut-être menaçantes mais extérieures, ou en tout cas extériorisables par rapport à l’expérience individuelle de chacun. Mais il existe un troisième scénario, qui concerne une violence qui naît et vit en nous : là-dessus nous restons sans voix, comme si notre violence et la violence extérieure se confondaient en une seule idée.

Une idée assez évidente de « force » dans laquelle on insère chaque acte de violence, de l’extérieur à l’intérieur. La question que nous devrions nous poser, et que nous évitons habituellement, est donc celle-ci : peut-on croire que violence et force sont la même chose ? On se contente généralement de cette considération qui, si l’on y regarde bien, ne nous mène nulle part si l’on veut tenter de bien comprendre le mot « violence » que nous utilisons continuellement comme si son sens était totalement transparent.

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Peut-être, pour faire un pas en avant sur cette question, devrions-nous tourner notre regard vers nous-mêmes et prendre conscience que chacun porte en lui un trait de violence qui tend à émerger. Nous pouvons l’ignorer : nous devrions plutôt essayer de comprendre comment il surgit, de quoi il est constitué, comment le neutraliser. Mais neutralisez-le vraiment, ne le masquez pas avec des vêtements bon enfant comme on le fait très souvent.

Les chercheurs du psychisme nous amènent souvent à une explication qui, en fin de compte, aurait à voir avec l’instinct, bref avec quelque chose qui appartient à notre nature la plus lointaine et que nous devrions reconnaître et transformer. Déjà ainsi on s’éloigne un peu de l’équation violence = force et une question assez inquiétante se pose : si la violence est au fond de la subjectivité de chacun de nous, que peut-on en faire ? Faut-il taire une telle pulsion instinctive ou faut-il la reconnaître, la garder clairement présente dans notre esprit pour pouvoir la vivre sans se laisser prendre par derrière ?

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Faites le test. Aucun d’entre nous n’admet avoir des pulsions violentes, presque personne ne remarque les problèmes que ces pulsions produisent dans nos relations quotidiennes, aussi et surtout du fait que nous ne sommes pas toujours capables de reconnaître leur présence, une présence qui ne se manifeste pas seulement avec des gestes de force ou avec des accès de colère, même si, lorsque notre voix s’élève et devient mauvaise, il est facile de la dénicher, de s’en rendre compte et d’essayer de la combattre. Mais la violence quotidienne, celle qui appartient à tout le monde, même à ceux qui démontrent par leur comportement posé qu’ils y sont immunisés, peut aussi être silencieuse, inapparente. “Je suis violent, mais regardez-moi, je suis le contraire !”

Il faudrait un travail d’auto-observation pour lequel nous disposons de peu d’outils (l’école a autre chose à faire, souvent les familles ne perçoivent même pas le problème), et surtout nous manquons de temps à consacrer à de telles “bagatelles” , il faut courir sans relâche pour se réaliser.

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Pourquoi diable devrions-nous nous arrêter pour observer la violence qui habite notre normalité, même la plus pacifique ? Peut-être que si nous pouvions nous arrêter sur cette question, nous pourrions nous rendre compte des nombreuses implications qu’elle a, par exemple essayer de réfléchir sur le fait que la violence et la peur produisent souvent une sorte de court-circuit en nous. Et peut-être réaliserions-nous que les comportements violents (explicites ou cachés) ne sont en aucun cas un simple symptôme de maîtrise ou un besoin de s’affirmer, mais qu’ils recouvrent au contraire des peurs inconscientes et même conscientes.

Bref, notre violence n’est pas un simple fait, elle est plutôt l’indice des problèmes à mettre en lumière pour tenter de les résoudre.



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