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«Nous récupérons les corps même à 100 km au large»- Corriere.it

«Nous récupérons les corps même à 100 km au large»- Corriere.it

2023-09-17 00:33:09

De Lorenzo Crémonesi

Reportage de Derna, en Libye, après l’effondrement des barrages. Le capitaine des garde-côtes libyens : “C’est un cauchemar.” Pour la première fois, Tripoli et Benghazi coopèrent

DE NOTRE CORRESPONDANT
LÀ — « Otrop de vagues aujourd’hui. Nous n’irons pas en mer pour pêcher des cadavres. Mais ils sont encore nombreux, hier nous en avons récupéré 27″, raconte le capitaine Ali Jumali. Nous le rencontrons sur le pont de son patrouilleur des garde-côtes libyens P301 amarré à la jetée centrale du petit port de Derna. Il a 35 ans et travaille en mer depuis 15 ans, mais une tâche aussi tragique ne lui est jamais arrivée. Montons à bord. Depuis le pont, il est plus facile d’observer la dévastation juste derrière les quais. Là où se trouvaient autrefois des entrepôts et des cabanes de pêcheurs, les décombres dominent désormais, interrompus par les clairières poussiéreuses que viennent de dégager les bulldozers. Il y a des centaines d’épaves de voitures, de décombres, d’arbres déracinés. Dans le chaos de cette saleté malodorante on peut parfois apercevoir des vêtements, des meubles, des matelas, des fragments de vies interrompues par la violence de l’eau mêlée aux débris.

Le bassin portuaire a fait office de bassin, collectant une partie de tout ce qui a été entraîné vers la mer avant l’aube de lundi dernier. Les morts déjà gonflés par la chaleur se mirent à flotter parmi les bateaux amarrés. Beaucoup d’autres sont offshore. «Nous sommes venus mardi matin avec notre patrouilleur du port de Zawia, où nous sommes habituellement de service. L’ordre du commandement de Tripoli était de se précipiter ici le plus tôt possible pour aider. Mais c’est un cauchemar, des cadavres sont retrouvés dans la mer à des kilomètres des côtes, jusqu’à 80 ou 100 kilomètres de Derna, à la fois vers Tobrouk à l’est et vers Misrata à l’ouest », dit-il. Montrer des vidéos. Son équipage de 14 hommes travaille à gréer deux canots, puis on les voit sortir les corps de l’eau et les sceller dans des sacs en plastique noir. «Beaucoup sont gravement handicapés. Après chaque mission, nous passons des heures à nettoyer le canot et le bateau. Nous avons retrouvé les restes de nombreux enfants, mais aussi de personnes âgées, peut-être les plus faibles, qui n’ont pas pu s’échapper rapidement vers les étages supérieurs. Il était deux heures et demie du matin, tout le monde dormait. En fait, les rares encore habillés sont en pyjama”, poursuit le capitaine. Depuis le début de la mission, ils en ont collecté une soixantaine. Mais d’autres unités de la marine libyenne sont ancrées à proximité, au moins 5 garde-côtes et 7 grands canots offshore. Et les équipages de chacun ont leur propre histoire à raconter.

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«Merci l’Italie!»

Nous quittons difficilement la zone portuaire. Juste au large, devant le brise-lames, deux grands navires de la marine italienne se croisent : le San Giorgio et le San Marco, ce dernier vient d’arriver et débarque du matériel de secours pour la protection civile, dont un millier de tentes et le matériel nécessaire pour accueillir personnes déplacées. «Merci Italie!», crie un militaire arrivé de la région de Misuratace qui nous aide à surmonter la barrière des points de contrôle imposés par les commandements militaires sous les ordres du colonel Khalifa Haftar.

Les Turcs et la « trêve »

Le centre de Derna fait partie des quartiers les plus dévastés. Le long du lit du fleuve, il voit des centaines et des centaines de jeunes venus de Tripolitaine et qui, jusqu’à il y a moins de quatre ans, tiraient sur les soldats de Haftar qui tentaient de prendre Tripoli par la force. Aujourd’hui, ils travaillent côte à côte. Il faut cependant ajouter que les systèmes de sécurité respectifs restent vigilants pour éviter les accidents. Et il y a encore un élément absolument digne de mention. Outre les Italiens, les Algériens, les Egyptiens, les Tunisiens et les autres équipes de secours, les 200 hommes des équipes turques ont une signification bien plus qu’humanitaire. En 2019, en effet, les soldats étaient les armes envoyées par Erdogan pour sauver Tripoli et le gouvernement Sarraj de l’époque contre l’attaque de l’armée de Cyrénaïque. Mais aujourd’hui Haftar accepte l’aide turque : symptôme d’un possible virage pro-occidental de l’homme fort de Benghazi et de son éloignement de Moscou ? Les Russes ont envoyé un grand hôpital de campagne hier soir. L’aide humanitaire a sans aucun doute des connotations politiques importantes.

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La question se pose à nouveau lorsque nous visitons le quartier de la vieille ville, près du lit de la rivière, où jusqu’à il y a une semaine on pouvait lire les noms des rues construites pendant la période coloniale fasciste et où l’ancienne église catholique avait été transformée en à la fois mosquée et centre culturel, mais avec le clocher et l’autel encore parfaitement conservés. Ici, Jamal, un militaire d’une vingtaine d’années arrivé de la banlieue de Tripoli, nous montre les zones d’où les cris des personnes piégées ont été entendus il y a deux jours. Les bulldozers creusent sans relâche. Il ne reste absolument rien de l’église. À peut-être 400 mètres se dressent encore les minarets de la mosquée Sabah. Mais désormais, plus aucune voix ne sort des décombres.

16 septembre 2023 (modifié le 16 septembre 2023 | 23h21)



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