Paris se joint à Washington et Moscou dans la course pour équiper le Maroc d’un réacteur civil afin de produire de l’électricité
Énergie : Les marchés lancés par le Maroc dans le domaine des infrastructures attirent l’intérêt des grands acteurs mondiaux, en particulier dans le secteur de l’énergie et des enjeux géopolitiques. Éclairages.
Un réacteur, trois grandes puissances mondiales et un seul pays commanditaire. Il semble que le Maroc soit sur le point de concrétiser son projet datant des années 60 visant à produire de l’énergie nucléaire.
Alors que le Royaume se prépare à alimenter une future station de dessalement en énergie nucléaire, la compétition est à son comble entre les différents acteurs mondiaux pour remporter ce marché. Les Américains, les Russes et désormais les Français sont prêts à entrer en lice. Alors que les Russes ont montré leur intérêt en signant un accord avec le Maroc, des lobbyistes aux États-Unis poussent la Maison-Blanche à autoriser l’envoi d’une nouvelle technologie nucléaire au Maroc (voir archives Aujourd’hui Le Maroc). De leur côté, les Français n’hésitent plus à faire une proposition similaire depuis quelque temps. La question a d’ailleurs été soulevée lors de la visite au Maroc du ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger, Franck Riester. Le débat tourne autour des réacteurs de petite taille ou “SMR”.
Pour la définition de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les réacteurs de faible ou moyenne puissance, ou petits réacteurs modulaires, constituent une solution souple pour la production d’électricité, répondant ainsi aux besoins d’une plus grande variété d’utilisateurs et d’applications. Ces petits réacteurs modulaires, déployables sous forme de modules individuels ou de systèmes multi-modulaires, permettent de combiner le nucléaire avec d’autres sources d’énergie, y compris les énergies renouvelables. Le choix de cette nouvelle génération pour des pays comme le Maroc n’est pas anodin. En effet, selon la même source, les réacteurs modulaires suscitent un intérêt croissant dans le monde, car ils offrent une solution flexible pour produire de l’électricité pour une plus grande variété d’utilisateurs et d’applications, pouvant ainsi remplacer les centrales vieillissantes alimentées par des combustibles fossiles.
Ils présentent également des performances accrues en termes de sécurité grâce à des dispositifs de sûreté intrinsèque et passive, nécessitent un investissement initial moins élevé que les filières classiques et permettent l’exploitation de la cogénération et des applications non électriques.
La société énergétique EDF, également présente au Maroc, avait créé une filiale pour développer les petits réacteurs nucléaires. D.R
Maroc, producteur d’énergie nucléaire
Il y a quelques mois, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, avait déclaré que le Maroc devrait bientôt devenir un pays producteur d’énergie nucléaire. Devant les médias internationaux, le directeur général de l’AIEA a affirmé qu’une douzaine de nouveaux pays devraient devenir des pays nucléaires dans les dix prochaines années. Il a mentionné d’autres pays, dont le Ghana, le Kenya, le Maroc, le Nigeria, la Namibie, les Philippines, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Les choses semblent s’accélérer pour le Maroc. En ce sens, le gouvernement russe a approuvé en 2022 un accord de coopération entre Moscou et Rabat dans le domaine de l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques. Cet accord, visant à mettre en œuvre la coopération entre les deux pays dans au moins 14 domaines, a été négocié du côté russe par la société d’État Rosatom et coordonné avec le ministère russe des affaires étrangères, ainsi qu’avec d’autres autorités et convenu préalablement avec la partie marocaine.
Il se trouve que Rosatom est l’un des pionniers dans le domaine des SMR, petits réacteurs modulaires de 30 à 350 mégawatts. Aux États-Unis, le think tank influent Middle East Institute avait appelé en 2023 la Maison-Blanche à envisager la participation de Rabat à la diffusion de la 4ème technologie nucléaire mobile des États-Unis. Selon le Middle East Institute, “l’utilisation de sources d’énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire et éolienne, pour résoudre le trilemme alimentation-eau-énergie repose en définitive sur la capacité des technologies à fournir des solutions réalisables à grande échelle pour répondre aux besoins immédiats. Les unités mobiles de dessalement alimentées par la production d’énergie nucléaire modulaire peuvent offrir des solutions plus facilement déployables à mesure que l’urgence de la crise alimentaire et hydrique dans la région MENA s’accélère en raison du changement climatique”. En France, l’énergéticien EDF, également présent au Maroc, avait créé une filiale pour développer les petits réacteurs nucléaires. En détail, la filiale Nuward fait suite au projet du même nom sur lequel les équipes d’EDF travaillent depuis plusieurs années. Le géant de l’énergie français vise ainsi à devenir l’un des leaders européens des petits réacteurs nucléaires ou SMR.
Les réacteurs modulaires constituent une solution souple pour la production d’électricité, répondant aux besoins d’une plus grande variété d’utilisateurs et d’applications. (D.R)
Soutien de l’AIEA
En attendant de recevoir les premières offres détaillées, le Maroc renforce ses dispositifs en place. Ainsi, une équipe d’experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique a déclaré fin 2023 que le Maroc s’engage à maintenir et renforcer son cadre réglementaire en matière de sûreté nucléaire et radiologique. L’équipe a souligné que le pays a pris des mesures efficaces pour mettre en place un nouveau cadre juridique et réglementaire cohérent pour la sûreté nucléaire et radiologique. Elle a recommandé des mesures supplémentaires pour finaliser la transition de l’infrastructure législative, réglementaire et institutionnelle initialement établie par la loi de 1971 et aligner les nouvelles réglementations sur les normes de sûreté de l’AIEA. L’équipe a également préconisé d’améliorer le contrôle réglementaire du réacteur de recherche. La mission de 10 jours de l’équipe de l’IRRS s’est achevée au Maroc le 6 décembre 2023. Cette mission, demandée par le gouvernement marocain, a été accueillie par l’Agence marocaine de sûreté et de sécurité nucléaires et radiologiques (AMSSNuR), l’organisme réglementaire national en matière de sûreté nucléaire et radiologique et de sécurité nucléaire.
C’est le titre de la boîte
Agence marocaine
Création
Créée en 2014 en vertu de la loi n°142-12, l’Agence marocaine de sûreté et de sécurité nucléaires et radiologiques «AMSSNuR» est un établissement public à caractère stratégique chargé de la réglementation et du contrôle des activités utilisant des sources de rayonnements ionisants. Conformément aux dispositions de la loi n°142-12, la mission principale de l’AMSSNuR est de veiller au respect de la conformité de la sûreté et de la sécurité nucléaires et radiologiques des activités et des installations utilisant des sources de rayonnements ionisants, conformément à la loi n°142-12 et à la réglementation correspondante, ainsi qu’aux engagements internationaux du Royaume.
L’AMSSNuR traite les demandes d’autorisation, définit les prescriptions et règlements techniques et autorise la mise en service des activités et installations utilisant des sources de rayonnements ionisants, ainsi que les installations de stockage définitif relevant de la Catégorie I. Il s’agit de la première étape de contrôle exercée par l’AMSSNuR, incluant les conditions spécifiques à respecter, par exemple lors de l’exploitation d’une installation ou du transport de substances radioactives.
Données clés
Russie
Le gouvernement russe a approuvé en 2022 un accord de coopération entre Moscou et Rabat dans le domaine de l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques.
États-Unis
Le think tank influent Middle East Institute a appelé en 2023 la Maison-Blanche à envisager l’implication de Rabat dans la diffusion de la 4ème technologie nucléaire mobile des États-Unis
France
La filiale Nuward fait suite au projet du même nom sur lequel les équipes d’EDF travaillent depuis plusieurs années. Le géant français de l’énergie vise ainsi à devenir l’un des principaux leaders européens des petits réacteurs nucléaires ou SMR.