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Stylos et cartes de presse en l’air ! Les symboles de solidarité avec le magazine 2015. © AFP
Demain, mardi, ce sera le dixième anniversaire du massacre perpétré à la rédaction du magazine satirique français « Charlie Hebdo ». Un inventaire.
Dix ans après l’attentat meurtrier contre le magazine « Charlie Hebdo », la question des caricatures de Mahomet reste centrale – et explosive – en France. Le magazine satirique est de plus en plus contesté politiquement.
Que s’est-il passé à Paris le 7 janvier 2015 ?
La première rédaction de l’année s’est terminée dans le sang pour « Charlie Hebdo » : cinq caricaturistes de renommée nationale, trois rédacteurs, deux autres personnes et deux policiers (dont un musulman) ont été abattus de sang-froid par les frères Kouachi avec fusils d’assaut. Plusieurs victimes ont survécu, certaines grièvement blessées. La France était encore sous le choc lorsque son complice Coulibaly a tiré sur une policière le lendemain et, le lendemain, il a tué quatre personnes en prenant des otages dans un supermarché juif.
Les trois auteurs, qui disaient vouloir se venger des caricatures blasphématoires de Mahomet, ont été arrêtés et abattus. Quelques jours plus tard, près de quatre millions de personnes manifestaient en France sous le slogan « Je suis Charlie ». Pour la France, l’« annus horribilis » a suivi avec les attentats du Bataclan (130 morts, plus de 400 blessés), puis la fusillade de Nice en 2016 (86 morts, 450 blessés).
Que s’est-il passé depuis lors dans le débat sur les caricatures ?
La controverse sur les caricatures a atteint un nouveau sommet en septembre 2020 lorsque Charlie Hebdo a de nouveau publié des dessins du prophète. Il y a eu des protestations du Sénégal à l’Indonésie ; Trois semaines plus tard, un Pakistanais blessait deux passants avec une hache devant l’ancienne rédaction de « Charlie », sans savoir qu’elle avait bougé depuis longtemps. Par coïncidence, le procès contre l’auteur Zaher Mahmood commence lundi. Lors de son interrogatoire, il a déclaré : « Vous ne vous moquez pas du Prophète. » Le blasphème, qui pour « Charlie » fait partie de la liberté d’expression, est passible de la peine de mort au Pakistan.
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Commentaire sur Charlie Hebdo : Le devoir
En octobre 2020, un Tchétchène à Conflans Sainte-Honorine, en banlieue parisienne, a assassiné et décapité le professeur d’histoire Samuel Paty, qui avait évoqué en classe les dessins offensants. Les complices du crime, parmi lesquels des islamistes et des étudiants, ont été condamnés à plusieurs années de prison avant Noël.
La police française est en alerte à l’approche du dixième anniversaire de l’assassinat de Charlie. La lutte hebdomadaire interne du magazine satirique pour de nouvelles caricatures ne montre pas seulement à quel point la situation reste tendue. Il y a quelques jours, la Tribune du dimanche a commandé une caricature à un artiste de « Charlie ». Cependant, la pression des autorités et des éditeurs l’a empêché.
Que pense « Charlie Hebdo » de ce sujet aujourd’hui ?
Le magazine satirique parisien n’a plus publié de caricatures de Mahomet depuis cinq ans. Le rédacteur en chef Laurent Sourisseau (“Riss”), qui a survécu à l’attaque avec une balle dans l’épaule, s’est plaint dans une interview de l’extinction de la tradition anticléricale française : “Qui d’autre est en train de démanteler les dogmes des trois religions monothéistes ?” Dans le dernier numéro, « Charlie » parle par exemple d’une tentative de « bigots » d’infiltrer les autorités de la ville de Toulouse. Dans un dessin effrayant, un islamiste armé souhaite cyniquement aux lecteurs une « bonne année » – l’année d’horreur 2015 est remplacée par « 2025 ».
Danemark
La controverse française La question de la représentation du prophète Mahomet trouve son origine dix ans plus tôt : en 2005, le journal danois « Jyllands Posten » a publié douze caricatures, dont certaines représentaient le fondateur de la religion – un test du « degré d’autocensure » qui existait dans le pays. La scène caricaturale danoise en matière d’islam. Des protestations ont alors éclaté, qui se sont à nouveau attisées lorsqu’elles semblaient s’éteindre. Une centaine de personnes sont mortes à la suite de la controverse.
“Charlie Hebdo” titrait à l’époque un prophète désespéré disant : « C’est dur d’être aimé par des idiots ! » FR
La rédaction doit aujourd’hui se défendre contre les accusations d’anti-islamisme ; Dans le même temps, on lui reproche son « auto-restriction ». Même à l’occasion du dixième anniversaire des attentats, la rédaction de « Charlie » ne publie ni de nouveaux ni d’anciens dessins dans lesquels elle se moque du prophète. Pour ce faire, elle a organisé un concours de caricatures sur le thème #RireDeDieu – et désamorcé ainsi la question islamique. Dans les dizaines de soumissions, le prophète n’apparaît qu’une seule fois, en toute petite taille, de la main du Belge Nico. Ci-dessous : « Et si je dessine un gars qui dessine un gars qui dessine Mohammed, est-ce que ça marchera ? »
Pourquoi « Charlie » est-il sous le feu politique ?
La gauche accuse les créateurs de « Charlie » d’avoir perdu leur anarcho-pacifisme, leur critique de l’autorité et leur liberté intellectuelle. « Où est le fantôme de « Charlie » ? » s’interroge l’intellectuel de gauche Daniel Schneidermann dans un nouveau pamphlet. « Charlie » ne vit que de sa « haine de l’Islam » ; son soutien à la laïcité et à la neutralité religieuse cache des positions réactionnaires et de droite à l’encontre des musulmans. Schneidermann ne se sent plus lié à la devise « Je suis Charlie » et accuse plutôt la rédaction de « charlisme ». C’est le nom donné aux idées du dernier roi de France, l’ultra-conservateur Charles X, au XIXe siècle.
Mais dans le dernier numéro de « Charlie », les points de vue de gauche ne manquent pas : Emmanuel Macron est déformé dans les caricatures juste à côté de Donald Trump, et son partisan Elon Musk est dessiné avec un brassard rouge nazi. A propos de l’attentat de Magdebourg, Charlie titre : « L’extrême droite surfe sur les cadavres. »
Pourquoi « Charlie » est-il en déclin ?
La polémique autour de « Charlie Hebdo » montre surtout à quel point la notion de laïcité, sacro-sainte en France, a changé. Autrefois, c’était la gauche qui exigeait une stricte indépendance religieuse de l’État par rapport à l’Église catholique ; Aujourd’hui, les partis de droite considèrent la laïcité comme un rempart contre l’avancée rampante de l’islamisme. Mais des intellectuels de gauche comme Caroline Fourest, Elisabeth Badinter et Marcel Gauchet le font également. Pour cela, ils sont accusés d’islamophobie par le leader de gauche Jean-Luc Mélenchon.
Sous la pression de toutes parts et dépassé par les médias internet, l’hebdomadaire grossier et subversif lutte désormais pour sa survie. Il est peu probable que son tirage atteigne les 30 000 exemplaires comme avant janvier 2015. Une édition allemande a été interrompue en novembre 2016 après seulement un an, faute de succès.
Comment la politique parisienne réagit-elle à la controverse sur les caricatures ?
La plupart des acteurs politiques français évitent aujourd’hui le sujet des caricatures de Mahomet. A huis clos, ils mettent en garde contre de nouvelles attaques. En même temps, la nation défend le symbole « Charlie Hebdo ». Comme d’autres médias, le magazine reçoit un soutien financier de plusieurs millions et est exempt de toute stupidité en termes de contenu. Aussi vulgaires et provocateurs que soient souvent ces dessins, ils constituent également un contrepoids important à l’autoritarisme de l’État central. Pour les Français, ils sont aussi indispensables que le bouffon l’était autrefois à la cour royale.
Le 11 janvier 2015, une foule indignée par les massacres envahit la place de la République. ©AFP
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