Mise à jour 15.11 | Publié le 09.44
PARIS. Les projets d’ouverture des Jeux olympiques de Paris sont entourés de secret mais ont déjà semé la panique dans la droite du pays après que la superstar Aya Nakamura aurait été invitée à chanter Edith Piaf. Bref, Nakamura est considéré comme non français. C’est-à-dire trop noir.
Et dans les starter-blocks des JO nationaux, toute une génération d’athlètes français d’origine africaine se tient debout et se demande quel genre de pays ils sont censés représenter.
– C’est une énième provocation d’Emmanuel Macron. Il doit se lever chaque matin et se demander « comment réussir à humilier les Français aujourd’hui ? ». Son désir est une fois de plus de diviser.
Marine Le Pen était peut-être de sa pire humeur matinale lorsqu’elle est venue à la radio française mercredi matin, mais il ne s’agissait pas d’une autre attaque informelle contre le président en exercice. Le Pen et ses complices de l’extrême droite française sont vraiment en colère, car il est apparu que Macron a invité Aya Nakamura, la chanteuse française la plus titrée du moment, à chanter à l’ouverture des Jeux olympiques de Paris cet été.
La question de savoir si ce sujet constitue un sujet de discussion pour les politiciens français est discutable, tout comme le pouvoir presque illimité de la présidence lorsqu’il s’étend apparemment sur l’ensemble de l’organisateur olympique. Aujourd’hui, ni Macron ni Nakamura n’ont tout confirmé, mais quoi qu’il en soit, les opinions de Le Pen sont bien représentées en France. Pour elle et pour beaucoup d’autres Français, Nakamura n’est pas la bonne personne pour interpréter Edith Piaf lorsque le monde entier la regarde, malgré la symbolique évidente de la plus grande pop star d’aujourd’hui interprétant l’idem de l’époque. Selon un sondage d’opinion, 63 pour cent des Français pensent qu’elle n’a rien à voir avec l’ouverture des Jeux olympiques.
Préjugés pertinents
A savoir, Aya Nakamura est d’origine malienne et c’est là tout le problème. Elle est noire et Piaf était blanche et ce n’est pas plus difficile que cela, même si Le Pen et ses semblables marmonnent du « français de mauvaise qualité », du « mauvais entourage » et de la « vulgarité ». Nakamura est née à Bamako en 1995, mais la famille a déménagé à Aulnay-sous-bois, en banlieue parisienne, lorsqu’elle était enfant. Ces dernières années, elle a été l’artiste la plus écoutée du pays, avec l’énorme succès Djajda de 2018 comme grande percée. Elle fait de la musique radiophonique avec un mélange de rythmes caribéens et africains. Comme quelqu’un l’a si bien décrit : « Elle a réussi dans l’art de faire la danseuse française ». Aya Nakamura chante en français avec des éléments d’argot et de diverses langues africaines. En d’autres termes, elle est une pop star comme les pop stars l’ont toujours été ; inspiré par ses contemporains et un casse-tête pour les générations conservatrices plus âgées.
Il existe des préjugés sur les Français qui sont grossièrement exagérés, mais il en est d’autres qui sont malheureusement encore très d’actualité aujourd’hui. L’un d’eux est l’idée du caractère unique et de la souveraineté de sa propre langue. Une autre idée est que la musique française n’a pas bougé depuis qu’Edith Piaf est en vie. Comme la plupart des pays à forte diaspora africaine, la musique noire est de loin la plus écoutée en France, où le rap occupe une place toute particulière depuis les années 1990. Edith Piaf a également été critiquée par l’establishment bourgeois de son époque pour être à la fois vulgaire et ouvrière, ainsi que pour utiliser – tada – l’argot.
Qu’ont-ils tous en commun ?
Bien sûr, cette guerre culturelle aurait pu être qualifiée d’absurdité, s’inscrivant dans une longue série de sujets sur lesquels l’extrême droite tente de se positionner à l’aide d’une nostalgie raciste. Mais il s’agit désormais des Jeux olympiques d’été, un événement qui occupe la quasi-totalité de l’actualité française à quelques mois de la fin. Et quels sont les noms des affiches françaises pour les Jeux olympiques à domicile ?
Oui, il s’agit de Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou en judo et Marie-Florence Candassamy en escrime, deux vrais sports-spectacles en France. On a aussi Estelle Mossely en boxe et l’équipe nationale U21 sous la houlette de Thierry Henry avec le rêve de la participation de Kylian Mbappé. Et l’équipe nationale féminine de football, bien sûr, avec Marie-Antoinette Katoto comme arme d’attaque. La star fixe du basket-ball masculin, Victor Wembanyama, sera parmi les plus grandes stars des Jeux, et en handball, la France est le champion olympique en titre tant chez les femmes que chez les hommes.
Et qu’est-ce que tout cela a en commun ? Ce sont des Français non blancs, ou des équipes à forte proportion de Français non blancs, avec des racines en Afrique ou aux Antilles.
Et s’ils ne le savaient pas déjà, c’est clair désormais : même un succès gigantesque ne garantit pas qu’ils soient perçus comme complètement français quand cela compte vraiment.